Le vin et les vignes, « patrimoine » d’une France qui aurait 2000 ans

Le sénat est un organe légal dont personne ne sait précisément à quoi il sert. En fait, il reprend les lois décidées à l’assemblée nationale et il a le droit de les modifier (elles sont alors renvoyées à l’assemblée, qui peut les accepter ou les renvoyer au sénat, et ainsi de suite).

Hier on a appris que le sénat avait pris une décision idéologique importante, de notre point de vue straight edge : reconnaître le vin comme un phénomène de « civilisation ». Un amendement a été en effet adopté, dans le cadre de la loi sur l’agriculture, qui dit que :

« le vin, produit de la vigne, et les terroirs viticoles font partie du patrimoine culturel, gastronomique et paysager de la France »

C’est quelque chose de très important, parce que le vin est présenté comme quelque chose qui serait incontournable et lié à la France, il aussi présenté comme incontournable. C’est là la négation de la planète Terre comme identité, ce sont là les vieilles thèses nationalistes, avec bien sûr l’utilisation du terme « paysage ».

Le vin relève ici du goût, de la culture, du « paysage », bref être français c’est boire du pinard ! La demande, faite pour que cet amendement passe, disait même pour justifier le tout :

« Le vin est mentionné comme partie intégrante du repas gastronomique des français lequel est désormais inscrit, après études et proposition des ministres français des affaires étrangères et de la culture, sur la liste représentative du patrimoine immatériel de l’Humanité, par l’UNESCO.

La culture du vin, partie du patrimoine bimillénaire, culturel, cultuel, paysager et économique français, transmise de génération en génération, a grandement contribué à la renommée de notre pays et tout spécialement de sa gastronomie aux yeux du monde.

Au-delà des arts de la table, nombreux sont les exemples qui pourraient être cités et démontreraient à quel point unique au monde, depuis l’Antiquité, le vin est évoqué dans la production artistique de notre pays, particulièrement dans les domaines de la littérature et de la poésie. »

Ici la France aurait 2000 ans, avec une littérature aussi vieille et permise par le vin… Hallucinant !
Dans cette optique fantasmée, digne d’Astérix le gaulois, et pour enfoncer le clou, malheur aux régions historiquement liées aux cultures allemande, flamande, belge, où la bière prédomine….

Le sénateur UMP du Bas-Rhin, André Reichardt, a ainsi lancé un « Et la bière », expliquant que « en Alsace, dans le Nord-Pas-de-Calais aussi, la bière fait partie du patrimoine ».

C’est tout à fait vrai, mais ce patrimoine là on s’en passe en général pour nous, et en particulier du côté de l’idéologie dominante qui, tout comme avec la religion au 17ème siècle, n’accepte qu’une seule version officielle : gloire au pinard !

Le sénateur socialiste Roland Courteau, à l’origine de l’amendement, a lancé un lyrique et applaudi :

« Le vin exprime un patrimoine vivant, il fait partie du patrimoine culturel, littéraire mais également gastronomique, paysager, architectural, matériel, économique et social, aussi bien sûr avec des centaines de milliers d’emplois. »

Le sénateur socialiste de la Drôme, Didier Guillaume, a précisé d’ailleurs, de manière très classique en France, que le vin, ce serait différent du reste des alcools :

« Le vin, à l’étranger, dans le monde entier, c’est la France. Il en va autrement de la bière… ou des spiritueux, qui posent des problèmes pour la santé. »

Preuve que ce n’est pas une anecdote, il y a d’ailleurs une proposition de loi intitulée… « Proposition de loi visant à distinguer le vin des autres boissons alcooliques », faite à la demande notamment du sénateur socialiste du Languedoc-Roussillon.

Voici un extrait de cette demande, qui ne manque pas d’air, et les « motifs » non plus par ailleurs. Il faut vraiment lire ce manifeste de la mauvaise foi, qui sans aucune gêne et de manière délirante assimile le vin à la civilisation elle-même !

On devrait donc « découvrir » le vin, symbole de culture, et ne pas interdire la publicité, cet appel à la culture !

EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
« Seule, dans le règne végétal, la vigne nous rend intelligible ce qu’est la véritable saveur de la terre » a écrit Colette. La vigne est considérée par les spécialistes comme une des plus anciennes plantes du monde actuel.

L’Homme inventa très tôt le vin : les plus anciennes civilisations, Égyptiens, Phéniciens, Grecs et Romains connaissaient cette boisson, dont l’origine se situe probablement en Perse et que la Bible ne cite pas moins de 521 fois. De cette aube de la civilisation à nos jours, le vin a accompagné les grands événements de toute existence humaine.

Le vin correspond à une culture, à des traditions, à l’histoire des hommes et des femmes de régions entières et il entre dans l’alimentation traditionnelle du consommateur depuis des siècles.

Plus qu’aucune autre boisson, le vin a besoin de communication pour faire valoir l’immense diversité de notre production, qui dépend des terroirs, des cépages, des climats et des méthodes d’élaboration.

La communication sur le vin se veut, avant tout, informative, éducative et personnalisée. Elle consiste à orienter le choix d’un consommateur responsable vers les produits les mieux adaptés à la gastronomie et aux circonstances et non pas à encourager une consommation excessive. Il ne s’agit donc pas, d’une incitation à plus de consommation, mais bien d’une initiation à la découverte.

1- Boisson traditionnelle, le vin a toujours été considéré comme une boisson saine. Nombreux sont les médecins qui, aujourd’hui, s’accordent à reconnaître qu’une consommation modérée et régulière de vin est bonne pour l’organisme ; les régions qui en consomment le plus, présentent d’ailleurs un taux de prévalence des maladies alcooliques inférieur à la moyenne nationale. (…)

D’après des enquêtes, près de la moitié des Français sont convaincus qu’une consommation régulière et modérée de vin est bénéfique à la santé. Force est donc de constater en effet que le vin présente des caractéristiques bien différentes des autres boissons alcooliques et que, consommé modérément, il peut constituer un atout en termes de santé publique.

2- Cependant, les autorités de santé publique persistent à faire l’amalgame entre le vin et les autres boissons alcooliques, en particulier les alcools « durs » (gin, vodka, whisky, etc.).

C’est ainsi que la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 portant diverses dispositions d’ordre social et la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, adoptées dans le but de lutter contre l’alcoolisme, ne ménagent aucune distinction entre le vin et les autres boissons alcooliques. De plus, en dépit des dispositions que nous avions fait adopter dans la loi, interdisant toute discrimination en la matière, les campagnes anti-alcooliques se transforment trop souvent en campagnes anti-vin.

Il y aurait lieu, pourtant, de se demander quelle est la part du vin dans « l’alcoolisme du samedi soir », dans les consommations excessives de boissons alcooliques de certains jeunes ou moins jeunes, dans l’alcoolisme « mondain » et dans le recours à « l’alcool tranquillisant ».

S’il est évident que des mesures de lutte contre l’alcoolisme s’imposent, force est de constater que les lois précitées de 1987 et 1991 n’ont pas démontré leur efficacité à cet égard ; en revanche, en refusant de distinguer entre vin et alcools « durs », ces dispositions emportent des conséquences économiques néfastes, dans la mesure où elles entravent le dynamisme de notre filière viti-vinicole. (…)

3- Enfin, de forts arguments économiques militent en faveur de la défense de notre viti-viniculture, fleuron de notre agriculture. La France est l’un des premiers producteurs de vin au monde. Nos exportations de vin représentent le premier poste de nos exportations agro-alimentaires. (…)

4- Des armes inégales avec la concurrence étrangère. De plus, l’article L. 3323-2 du code de la santé publique précise, dans son dernier alinéa, que toute opération de parrainage est interdite lorsqu’elle a pour objet ou pour effet, la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques.

Or, là également, l’absence de distinction entre le vin et les autres boissons alcooliques, tels que les alcools durs, condamne la filière viti-vinicole à subir la concurrence étrangère, dans un combat à armes inégales.

Ainsi, par le biais des retransmissions télévisées de manifestations sportives qui se tiennent à l’étranger, et du fait des différences de législations existantes, les marques étrangères d’alcool jouissent, en particulier chez nous, d’un moyen d’accès à la notoriété qui a été interdit à nos propres produits viticoles.

Par ces retransmissions télévisées, les boissons alcooliques dont la promotion est faite par voie d’affichage, dans les stades, ou par d’autres moyens, sont commercialisées ensuite, en France, et le paradoxe est là : le parrainage publicitaire véhiculé en France par la télévision ne sert pas à promouvoir les vins français de qualité, mais les boissons alcooliques étrangères et notamment les alcools durs.

En résumé, cette demande vise à rendre légal les « parrainages » et la publicité pour le vin, au titre du fait que cela ne serait pas un alcool comme un autre…

Le vin quotidien serait « par nature » différent du pétard hebdomadaire ou de la vodka des soirées ; en réalité, ce sont juste des modes de consommation différent, sur la même base de la fuite dans les paradis artificiels…

Que le vin ait un statut différent de par l’histoire de la France n’y change rien. Les drogues font partie effectivement de la vie quotidienne à certaines périodes historiques de l’humanité. Il n’y a aucune raison d’en faire un fétiche.