« Merci le peuplier »

Sous le mot d’ordre « Veut-on du camembert dans des boîtes en plastique ? », une campagne a été lancée la semaine dernière en faveur de la « production » de peupliers. Comme le disait hier le quotidien Le Figaro dans un article avec le titre racoleur « Le manque de peupliers menace les boîtes de camembert » :

Des boîtes de camembert, des bourriches d’huîtres ou des cageots de fruits… en plastique! Inimaginable au royaume de la gastronomie. C’est pourtant ce qui risque d’arriver en France si les propriétaires forestiers ou les agriculteurs ne plantent pas deux fois plus de peupliers.

«Avec 650 000 plants par an, nous risquons la pénurie en 2020. Seule la moitié des besoins de l’industrie seront couverts, prévient Éric Vandromme, pépiniériste à Bury, dans l’Oise, et président du Conseil national du peuplier. Nous serons obligés d’importer des peupliers, alors que nous en exportons, notamment en Italie, qui a délaissé ses plantations.»

Il y a ainsi la constitution d’une charte intitulée « merci le peuplier ! », qui entend promouvoir la production de peupliers, et cela financièrement.

Sur le site « Forêt privée française », qui est le « portail des forestiers privées », on lit la présentation suivante de l’initiative :

Cette charte détonne dans le paysage français : ce sont les entreprises elles-mêmes qui ont décidé d’agir pour l’avenir en créant la charte et en participant financièrement aux travaux de reboisement des propriétaires.

Concrètement, ils proposent aux propriétaires, au moment où ils achètent le bois, de signer une convention : le propriétaire s’engage à reboiser, et une fois la replantation réalisée l’acheteur du bois lui remettra 2.50 € par tige replantée. Cela représente près de 500 €/ha.

Pour Emmanuel Naudin, délégué national pour Merci le Peuplier, cette charte est une formidable opportunité :
« Face à l’importance du non-reboisement, seule une action cohérente et collective peut renverser cette tendance.

D’ailleurs la plupart des entreprises et professionnels que j’ai pu rencontrer comprennent l’intérêt de l’opération et en apprécient la simplicité. Même si cela représente une charge financière supplémentaire, nombreux ont hâte de pouvoir adhérer car c’est se donner une chance d’ouvrir les portes de l’avenir. C’est aussi ça la gestion durable : replanter pour disposer d’une ressource renouvelable locale. »

Il y a ici beaucoup de choses à dire, mais une surtout : ce qu’on voit ici, c’est que ce sont les entreprises qui décident de ce à quoi doit ressembler la Nature en France.

S’ils décident de faire en sorte que l’on passe de 650 000 à 1,5 million de peupliers, alors c’est ce qui se fera. Cela est en fait valable pour absolument toute la production agricole, pour toutes les forêts en général : ce sont les propriétaires qui décident, de manière individuelle, selon leurs intérêts.

Cela n’est évidemment nullement juste, c’est totalement intolérable. Il n’y a ici aucune démocratie, aucun respect de quelconque valeurs, à part celle du profit. Il n’y aucune prise en considération de l’environnement en général, des équilibres, des animaux qui sont liés aux végétaux, etc.

Il est important de voir qu’il y a bien des décisions prises, des choix effectués selon des critères très précis. Il ne faut pas se dire que les choses se font d’elles-mêmes, ou bien que l’État gère quelque chose, qu’il s’occupe d’arrondir les angles, etc. Non, dans les faits, la Nature subit totalement les assauts de gens décidant uniquement selon leurs intérêts.

Quand on regarde une forêt, en France, il faut toujours avoir en tête que, malheureusement, celle-ci est gérée comme une marchandise… Quand on regarde une forêt, il faut malheureusement toujours savoir que celle-ci est analysée sous toutes ses coutures par des gens qui entendent la gérer sans aucune reconnaissance de ce qu’elle est ou de qui elle abrite…

La forêt, les arbres, ne sont que des données statistiques pour des activités économiques visant le profit. Il n’y a ici aucun frein, d’ailleurs par principe impossible. Soit en effet on reconnaît à la Nature une valeur en soi, soit on bascule forcément dans l’utilitarisme qui, alors, justifie toutes les activités humaines quelles qu’elles soient.

Ce qui est nécessaire, c’est une reconnaissance de la Nature, l’acceptation de la vie comme réalité multiple ayant une base commune, formant un tout. Ce n’est qu’à ce prix – qui est celui de la liquidation de l’anthropocentrisme – qu’on pourra considérer l’arbre comme relevant d’un ensemble, comme la forêt étant lié aux êtres vivants qui y vivent…