« en imposant nos normes nationales aux produits importés sur notre territoire »

Les professions de foi des prochaines élections européennes, à la fin de la semaine, ont été envoyé et on peut remarquer qu’il y a deux listes qui abordent la question animale. Voici le premier cas, celui du Front National, qui exprime le point de vue suivant.

Le Front National promet beaucoup de « transformations » et il y a des personnes aimant les animaux qui se font beaucoup d’illusions à ce sujet. La défense du « mode de vie » que l’on voit dans la profession de foi relève d’une conception fondamentalement réactionnaire et hostile au changement. Or pour changer la situation des animaux, il faut du changement, beaucoup de changement…

Mais sans aller dans la philosophie, regardons simplement ce que signifie cette phrase :

assurer la sécurité sanitaire et alimentaire, le respect de l’environnement et du bien- être animal en imposant nos normes nationales aux produits importés sur notre territoire

Elle est en effet très problématique. Elle sous-tend dans les faits que le « bien-être animal » – un concept par ailleurs critiquable car réformiste – serait applicable dans la mesure où l’on s’oppose à ce qui nuit à ce bien-être et qui, par définition ici, viendrait de l’étranger.

Or, les animaux ne souffrent pas seulement dans les autres pays et la souffrance n’est nullement « importée ». Personne ne s’intéressant aux animaux et désirant leur « bien-être » ne peut soutenir une pareille proposition.

Le Front National se pose en défenseur de la France face à l’Europe. Partant de là il oppose le « maintien » national face à une sorte d’envahisseur extérieur. Seulement voilà : les « normes nationales » concernant les animaux ne sont évidemment pas du tout en leur faveur.

Cela montre bien que c’est de la simple récupération. Il fallait une ligne mêlant écologie et animaux, alors hop une phrase a été bricolée, et comme la sécurité alimentaire (et sanitaire) est une « inquiétude » également, tout a été mis ensemble.

Mais c’est totalement incohérent avec la question du bien-être animal… Sur ce plan, les lois de l’Union Européenne forment d’ailleurs parfois des avancées pour la condition animale en France, comme lorsqu’elle dénonce le manque d’entrain de l’Etat français, comme récemment avec la protection du hamster d’Alsace.

Par contre, l’Union Européenne, c’est aussi des des reculs dans la mesure où cela modernise l’exploitation animale. Les exigences d’améliorations renforcent le grand capitalisme qui peut s’occuper de cela, coulant les petites entreprises qui ne peuvent pas suivre.

Dans tous les cas, il faut reconnaître que la question du « bien-être animal » est de toutes manières largement arrivée en France depuis l’étranger, pour la question des idées, mais également de l’Union Européenne elle-même qui prétend même assumer cela.

L’Union Européenne dit ainsi elle-même, de manière institutionnelle:

Bien-être des animaux
L’Union européenne reconnaît que les animaux sont des êtres sensibles qui méritent une protection. La législation communautaire fixe des exigences minimales afin d’épargner aux animaux toute souffrance inutile dans trois domaines principaux: l’élevage, le transport et l’abattage. D’autres questions sont également abordées, comme l’expérimentation animale et le commerce de fourrure. Le plan d’action 2006-2010 établit les grandes lignes de l’intervention européenne dans ce domaine, tant au sein de l’Union qu’au-delà de ses frontières.

Ce paragraphe fait partie des sommaires législatifs de l’Union Européenne, dans la catégorie… « sécurité alimentaire ». Et le Front National parle des animaux pareillement. Dans sa propre logique, le Front National devrait donc soutenir l’Union Européenne sur cette question.

Mais sa mise en avant du « bien-être animal » relève de l’opportunisme. Il s’agit de gagner des voix et de manipuler des dizaines de milliers de personnes, voire des centaines de milliers par ailleurs, profondément choqués par la condition animale en France.

Ainsi, quand il est parlé par le Front National de « bien-être animal », il n’est pas parlé des animaux en général bien sûr, mais seulement des animaux dans les abattoirs, et ici on devine que le Front National va utiliser l’argument du refus de l’abattage halal et casher pour se prétendre en faveur du « bien-être animal ».

Mais les animaux sont ici une simple abstraction, un outil électoral, une vague revendication intégrée pour renforcer une vision du monde préexistante. De la même manière que les anarchistes antispécistes ne s’intéressent pas du tout aux animaux mais utilisent ceux-ci dans leur vision du monde « anti-oppressions », le Front National les utilise afin de renforcer le nationalisme en accusant la condition animale d’être rendue mauvaise depuis « l’étranger ».

Mais quiconque aime les animaux sait bien qu’on ne peut pas assurer leur « bien-être » simplement en « imposant nos normes nationales aux produits importés sur notre territoire ». Ce n’est pas du tout la question, c’est totalement à côté du sujet.

Le problème de fond, c’est l’anthropocentrisme, expression de toute une situation où l’exploitation animale est un outil dans la quête de profit.