Le succès du mot « vegan » et la question de son contenu

Le mot « vegan », ou bien « végan » ou encore « végane », s’est désormais répandu dans une partie de la société française. Le seul problème, bien sûr, est de savoir ce qu’il en reste, et là, on peut se mettre à franchement avoir des doutes…

Sur le papier le terme signifie bien ce qu’il doit dire, même le dictionnaire Hachette s’y est mis depuis l’année dernière, et explique que le véganisme est un « mode de vie qui exclut toute utilisation de produits animaux (laitages, viande, cuir, etc.) ».

Le problème c’est que le mot est censé aller avec toute une culture. Or, sur ce plan là, le mot ne veut plus rien dire, si d’ailleurs il a déjà voulu dire quelque chose en France. On ne peut pas parler des vegans en général, tellement en fait les raisons sont multiples, le plus souvent réduites à une démarche individuelle, et le résultat est qu’il n’existe aucune opinion publique végane.

Hier a eu lieu par exemple une « Vegan Place » à Lyon, une sorte de rassemblement de stands. On pouvait y trouver l’« Association Végétarienne de France »… C’est une contradiction qui saute aux yeux, qui est choquante sur le plan pratique, mais c’est largement passé dans les mœurs, autant que les t-shirts « vegan » de la Fondation Bardot fait par des gens même pas vegans.

De la même manière, la culture « hipster » a phagocyté des pans entiers de l’identité végane en France, et ici il ne faut pas se voiler la face : pour les gens, les vegans sont soit des végétariens plus radicaux, soit des bobos qui habitent dans une grande ville et se démarquent par leur « style de vie »… (voir à notre sujet notre article « Nous ne l’exprimons pas trop fort car certains sont hermétiques à ce mot »).

Et c’est malheureusement vrai pour le monde populaire des refuges, où le véganisme apparaît bien souvent comme une sorte de démarche intellectuelle et symbolique coupée de la réalité quotidienne du soutien aux animaux…

On peut prendre un exemple en image avec une photographie de la dernière fête de la musique.

Voici un petit agrandissement du panneau annonçant la nourriture. Le houmous, toujours végétal, se voit transformé en « vegan », et ce dernier terme se retrouve de manière honteuse à côté de celui de « merguez »…

Le mot « vegan » a ainsi fait son apparition, mais il désigne une démarche aux contours flous, ou plus exactement il n’y a pas d’esprit : seulement le refus des produits liés à l’exploitation animale. Mais qu’est-ce que ce refus sans l’esprit qui va avec ? Celui-ci est bien entendu présent, mais il est mis en minorité, alors qu’il devrait fournir la base minimale !

Cela veut dire que le véganisme est ici réduit à un à-côté, une démarche possible, mais pas forcément nécessaire, c’est une sorte de plus. Et une des conséquences qui va avec est que c’est « flatteur » d’être vegan, alors qu’en réalité c’est une chose qui devrait aller de soi.

Le véganisme est à la fois dénoncé et flatté, afin de le neutraliser comme démarche nécessaire et de ne surtout pas s’y confronter. Les végans se sentent alors obligés d’être « utiles », notamment pour ce qui concerne l’organisation de repas, le but est de ne pas apparaître comme conflictuel, de ne pas trop déranger, afin de se mettre à l’abri au sein d’un mouvement plus large où l’on peut se placer comme sorte de minorité active.

C’est quelque chose de très faux, car incohérent. Veut-on en effet que le véganisme devienne une norme ? Si non, alors on ne restera pas végan bien longtemps, en raison du relativisme. Si oui, alors il faut être ferme sur les principes et sur la perspective. Sans quoi on est amené à voir le mot vegan à côté de « merguez » ou de « jambon », même si par exemple dans ce dernier cas il peut s’agir de « jambon végétal » !

Sans doute faut-il voir ainsi que le mot vegan n’implique pas forcément ceux de libération animale. C’est une contradiction à nos yeux, et l’histoire le montrera aisément, comme elle le montre déjà : en dehors de la perspective de la libération animale, les vegans errent et se soumettent à des choses incompatibles avec ce qui devrait être leur morale.

Il y a ainsi eu un premier cycle où le véganisme est apparu en France, mais la question de savoir ce qu’il en restera dans les quelques années à venir…