Un nouveau satellite pour observer les puits de carbone

La NASA vient de procéder à la mise en orbite, à 705 kilomètres de la Terre, du satellite OCO-2 (Orbiting Carbon Observatory-2). Sa mission est de faire chaque jour 100 000 mesures afin de voir la situation de la production de dioxyde de carbone – Co2 – sur la planète.

Il est relié notamment au satellite japonais Greenhouse gases Observing SATellite (GOSAT), qui effectue la même tâche, mais également à la série de satellites dite « A-train ».

En font partie « Aqua », qui surveille le cycle de l’eau, Cloudsat, qui s’occupe des nuages, CALIPSO, qui fournit des profils verticaux de l’atmosphère, Aura, qui étudie l’ozone, le climat et la qualité de l’air. PARASOL, un satellite français, n’a plus de carburant et n’en fait plus partie, il s’occupait des nuages et des effets des aérosols.

La présentation wikipedia de comment fonctionne OCO-2 – le précèdent OCO a vu son lancement échoué en 2009 – est ici utile. Il s’agit en fait d’observer le rayonnement infrarouge du Soleil sur la Terre.

« Le satellite comporte un seul instrument qui doit permettre d’effectuer la mesure la plus précise jamais faite du dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère terrestre. Cet instrument est composé de trois spectromètres à haute résolution placés en parallèle alimentés par un télescope commun.

Les spectromètres effectuent des mesures simultanées de l’absorption de la lumière solaire par le dioxyde de carbone et l’oxygène moléculaire dans le proche infrarouge : lorsque la lumière du soleil après avoir traversé l’atmosphère terrestre est réfléchie par la Terre, les molécules des gaz présents dans l’atmosphère absorbent certaines des longueurs d’onde.

Le spectre lumineux qui en résulte est incomplet et la position de ces trous reflète la nature des gaz traversés. Chacun des spectromètres effectue sa mesure sur une gamme de longueurs d’ondes donnée.

En mesurant de manière fine la quantité de lumière absorbée pour les longueurs d’ondes caractérisant le dioxyde de carbone, OCO permet de calculer avec une très grande précision le nombre de molécules présentes le long du chemin parcouru par le rayon lumineux depuis la limite supérieure de l’atmosphère jusqu’au sol. Pour prendre en compte la grande vitesse de déplacement du satellite, combiné au fait que les concentrations de CO2 varient d’un lieu à l’autre, les mesures sont effectuées 3 fois par seconde. »

Il ne s’agit évidemment pas seulement d’une « simple » mission d’observation, même si le directeur de la NASA, Charles Bolden, souligne que « Le changement climatique est le défi de notre génération. »

S’il y a des financements, c’est surtout pour percer le principe de comment environ la moitié du Co2 produit par les humains est absorbé par l’océan et la végétation, ainsi que le sol. Et quand on dit comment, on veut surtout ici dire « où ». Car l’idée est de trouver un « modèle » et de le reproduire.

C’est la question cruciale de ce qui a été appelé les « puits de carbone » et qui est au centre de la quête pratiquement magique du capitalisme pour ne pas avoir à se remettre en cause.

On sait en effet que l’océan connaît un processus d’acidification en raison du Co2 capté ; à terme si le processus se généralise, l’océan mourra et produira lui-même du Co2 en masse.

Pour donner un exemple très parlant ici pour parler de Gaïa : les cachalots rejettent du fer dans leurs excréments, et le fer accélère la photosynthèse du plancton qui capte le Co2. Le fait d’avoir exterminé les cachalots joue ici un rôle à l’échelle globale…

Restent donc les forêts, la végétation, les sols. En clair, la mission du satellite lancé est de fournir une piste à suivre pour arriver, non pas à arrêter la production de Co2, mais à le stocker vite et pas forcément bien : on sait bien qu’on ne se préoccupe ici jamais du long terme !

Voici ici le très intéressant point de vue de l’ONG Fern, qui suit la politique européenne concernant les forêts.

L’article commence par une présentation de ce que sont les puits de carbone, puis critique les solutions de facilité qui sont imaginées par rapport à cela.

Que sont les puits de carbone?

Un puits de carbone est un élément qui absorbe plus de carbone qu’il n’en rejette, tandis qu’une source d’émission de carbone est un élément qui rejette plus de carbone qu’il n’en absorbe.

Les forêts, les sols, les océans et l’atmosphère emmagasinent tous du carbone, qui circule continuellement entre ces divers éléments. Ce mouvement permanent du carbone signifie que les forêts peuvent tour à tour agir comme des sources ou comme des puits.

Ces fluctuations n’affectent cependant pas tous les stocks de carbone. Dans le contexte du changement climatique, les stocks de carbone les plus importants sont les gisements de combustibles fossiles, car eux seuls ont l’avantage d’être enterrés profondément sous terre et naturellement isolés du cycle du carbone dans l’atmosphère.

Mais l’homme met fin à cette séparation lorsqu’il brûle le charbon, le pétrole et le gaz naturel, transformant ainsi les stocks de carbone fossile en carbone atmosphérique.

Cette libération de carbone émanant des combustibles fossiles a entraîné une hausse considérable des concentrations de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère, dont le niveau a progressé de plus de 30 pour cent par rapport à ce qu’il était au début de la révolution industrielle.

Nous continuons à ajouter environ 6 milliards de tonnes de carbone par an au cycle du carbone atmosphérique, modifiant ainsi significativement les flux de carbone, et par conséquent, le climat mondial.

Face à cette augmentation de carbone atmosphérique, de nombreux espoirs ont été placés sur la capacité des arbres, d’autres plantes et du sol à absorber temporairement le carbone libéré dans l’atmosphère par la combustion du carbone fossile.

Le Protocole de Kyoto, principal instrument de la communauté internationale visant à stopper le réchauffement climatique, suggère en effet que l’absorption du dioxyde de carbone par les arbres et le sol constitue un moyen d’atteindre les objectifs de réduction des émissions tout aussi valable que de diminuer les émissions de dioxyde de carbone émanant des combustibles fossiles.

La faille fatale des puits de carbone

FERN est en total désaccord avec l’idée que planter des arbres ou réduire le déboisement est tout aussi efficace que de diminuer les émissions émanant de la combustion du carbone fossile.

Cette idée ne tient pas compte de certains faits pourtant importants :

– Il est généralement admis qu’il est nécessaire de mettre fin aux émissions de combustibles fossiles, en particulier dans les pays industrialisés.

Or, au lieu de faire en sorte de réduire considérablement l’utilisation des énergies et d’entamer une transition vers des économies peu consommatrices de carbone, on utilise la capacité des forêts à (temporairement) absorber le carbone pour justifier l’utilisation des combustibles fossiles.

Les sociétés dont les émissions ont été plafonnées dépassent les limites imposées sous prétexte que leurs excès sont compensés par les puits de carbone.

Ces derniers servent donc à justifier une émission qui autrement n’aurait pas eu lieu, contribuant ainsi à accroître encore davantage les concentrations de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale.

– Il existe différents types de carbone. Le carbone fossile est généralement statique, tandis que celui qui se trouve dans le réservoir de carbone actif (l’atmosphère et la biosphère) peut facilement être libéré par des activités échappant au contrôle des gouvernements comme les incendies de forêts, les invasions d’insectes, la décomposition, l’abattage des arbres, les modifications concernant l’utilisation des sols ou même le déclin des écosystèmes forestiers dû au changement climatique.

Stocker son carbone dans un arbre au lieu de le laisser dans un gisement de combustible fossile est un peu comme miser son argent sur un cheval [sic] plutôt que de le conserver à la banque.

– Le boisement, en particulier dans les régions de la toundra arctique, pourrait accélérer le réchauffement climatique.

Le changement climatique devrait faire reculer les limites de la forêt boréale du Canada plus au nord et les forêts boréales devraient s’étendre sur les parties sud de la toundra.

Bien que cela signifie que les arbres, au fur et à mesure de leur croissance, absorberont le carbone présent dans l’atmosphère, cela n’est pas forcément bon pour le climat : l’un des principaux facteurs influençant le climat mondial est l’« albédo », une méthode utilisée pour déterminer la quantité de rayonnement solaire réfléchie dans l’espace par la planète et la quantité de ce rayonnement qui réchauffe la surface de la Terre.

Les forêts vertes et sombres absorbent davantage de rayons que la toundra ou les terres cultivées ; la tendance au réchauffement serait donc accentuée dans les régions boréales si des arbres étaient plantés sur les vastes surfaces non forestières actuellement recouvertes de neige au fort pouvoir réfléchissant.

– Il est impossible de mesurer précisément l’effet « puits » d’une forêt (les arbres absorbent différentes quantités de carbone en fonction du temps et l’on en sait très peu sur le mouvement du carbone dans les sols forestiers).

Il y a là des arguments qui donnent à réfléchir, et qui montrent la dimension très importante qu’a la question des puits de carbone!