Exploitation animale: les oeufs en 2025

Revenons au document sur la stratégie des filières agricoles, avec l’État prévoyant les choses pour 2025. Et parlons de la production des œufs : cet aspect de l’exploitation animale est souvent mis en avant par le réformisme de la protection animale, avec des associations comme L214 qui mettent l’accent sur la consommation d’oeufs bios.

Le document présente la situation de la manière suivante :

« Il existe à la fois des possibilités de développer le marché intérieur pour l’œuf, produit bon marché et à forte valeur alimentaire, et des menaces sur sa consommation, les associations de défense du bien être animal mettant en cause les modes d’élevage conventionnels.

Il faut donc conforter les débouchés sur le marché intérieur et développer de nouveaux flux d’exportation pour les œufs en coquilles, en particulier vers le Moyen-Orient et l’Asie du Sud-Est pour un meilleur équilibre du marché. »

Ce que cela veut dire, c’est que l’Etat considère comme une « nuisance » les campagnes contre les œufs, mais que comme ce produit est bon marché, il est facile à vendre et donc par principe intouchable pour le capitalisme. Par conséquent, le marché intérieur va être préservé et également les exportations renforcés afin d’accroître les profits.

L’Etat prévoit ici deux mesures à mettre en place, concernant ces deux aspects.

– Développer la consommation en partenariat avec la distribution
– Mettre en place une cellule export au sein de l’interprofession dédiée à la connaissance et à l’exploration collective des marchés

Le premier point concerne le marché intérieur. En fait, ce que cela signifie, c’est que les distributeurs vont mettre en avant les œufs dans les magasins, mais également qu’ils vont devoir accepter de rogner leurs marges afin de maintenir le prix des œufs à un bas niveau.

Nous avions déjà parlé de ce phénomène : la consommation des produits d’origine animale est liée au prix ; plus le prix est cher, plus la consommation tombe, et inversement. Ici, l’État dit que c’est une consommation populaire, et que donc cela doit le rester et il faut utiliser des leviers pour cela.

Qu’est-ce que cela signifie dans les faits ? C’est simple : prenons les campagnes de L214, car c’est surtout de cette association qu’il s’agit ici, et à laquelle il est fait allusion dans le document avec l’expression « les associations de défense du bien être animal mettant en cause les modes d’élevage conventionnels ».

Ces campagnes visent à ce que les gens se tournent vers des œufs bios. Selon L214, c’est une sorte de transition vers le véganisme (ce qui pour nous est faux et qui plus est, même si c’était vrai, amènerait une évolution sur un temps tellement long, des centaines d’années, que cela en devient absurde).

Or, le prix est un levier fondamental dans une société où les gens achètent des marchandises. Si le prix des œufs baisse, cela fera un appel d’air inévitable. La dynamique subjective prônée par L214, même si elle existait réellement, se casserait sur la dynamique objective dans les supermarchés.

C’est facile à comprendre : selon nous, le véganisme est le point de départ du raisonnement nécessaire, sinon la base n’est pas assez solide pour « tenir ». L214 dit qu’un petit pas est suffisant en soi, car se situant dans un mouvement général de petits pas.

Mais ce « petit pas » en question a une base faible, puisque reposant sur un choix volontaire, alors qu’en fait il y a toute la machine de la consommation, du jeu sur les prix… Ce qu’on gagne d’un côté, on le perd de l’autre.

D’ailleurs, l’État dans son document précise un point important. Il est constaté en effet la chose suivante.

L’évolution de la production française d’œufs au cours des dernières années a été marquée par l’émergence de nouvelles dynamiques régionales et le développement de la production alternative.

Représentant les 2/3 de la production nationale il y a une quinzaine d’années, la Bretagne représente désormais 42 % des effectifs de poules pondeuses.

Cette modification de la répartition géographique de la production s’est faite en lien avec le développement de filières régionales :

• développement de « fermes de ponte » et de gros producteurs indépendants disposant de centres de conditionnement d’œufs dans le Bassin Parisien et en Rhône-Alpes

• développement de poulaillers spécialisés dans une production intensive d’œufs à bas coûts destinés aux casseries dans les Pays-de-la-Loire
(…)

Parallèlement à ces dynamiques régionales, la production d’œufs « alternatifs » (bio, plein air, sol) a fortement augmenté.

Ainsi, il y a d’un côté un accroissement de l’intensité de la production d’oeufs, et de l’autre également une augmentation du bio. Cela veut dire que même si L214 a réussi à convaincre Monoprix sur la nécessité des œufs bios, les personnes n’allant pas à Monoprix mais dans les supermarchés standards auront quant à eux les autres œufs.

En fait, la consommation « bobo » n’annule pas la consommation « prolo » ; les deux peuvent coexister. Il peut y avoir davantage de bio, et davantage de non bio…