Décès de Serge Moscovici

Il y a une semaine est mort Serge Moscovici. Né en 1925, c’est un chercheur en psychologie sociale, que les médias ont présenté comme l’un des principaux théoriciens de l’écologie politique. Décidément, avec Grothendieck, en ce moment on trouve partout de tels théoriciens tombés du ciel!

En réalité, on l’aura facilement deviné, Moscovici n’était qu’un décroissant. Ses ouvrages, illisibles bien entendu, sont typiques des universitaires faisant des allers-retours aux Etats-Unis et racontant n’importe quoi n’importe comment.

Pour commencer à mieux cerner ce personnage, un de plus dans la mystification anti-Nature en France, voici quelques extraits de réponses qu’il a faites, en 1978, à Jean-Paul Ribes qui était un journaliste de la revue Actuel.

On y voit le coeur de la démarche de Moscovici: une réflexion (sans aucun sens) sur le principe de la domestication (dans une veine proche et éloignée en même temps des « primitivistes », et donc très proche du principe des « ZAD »).

JPR : S’il est solitaire, l’homme de la ville au moins est libre ; idéaliser l’esprit de village, n’est-ce pas oublier tous les réseaux de surveillance, les on-dit, les réputations, toutes ces choses si contraignantes ?

SM : Encore une fois nous ne sommes pas des antiquaires, nous ne cherchons nullement à reconstituer l’ancien, à refaire ce qui a déjà été fait. Le passé ne s’imite pas ; tout au plus peut-il inspirer des créations nouvelles, qui viennent en leur temps et sont de leur temps. Soit, tu as raison, le village français n’est pas un modèle de liberté.

Mais la grande ville ? Cet homme que personne ne surveille, qui se croit parfaitement libre… il est sous surveillance constante, il est mis en carte, chacun de ses déplacements est organisé, conditionné.

Il ne peut s’éloigner de chez lui sans ses papiers, il doit à chaque pas qu’il fait se conformer aux règlements, ne pas marcher là, ne pas s’arrêter ici, respecter les décisions du directeur de la RATP ; bref il est excessivement policé ! (…)

JPR : On présente volontiers les écologistes – « les verts » – comme des défenseurs de la campagne contre la ville. Qu’en est-il réellement ?

SM : S’ils l’étaient vraiment, ce ne serait déjà pas si mal. Cela vaut mieux que de défendre la « technétronique », ce gadget du marxisme pour riches qui permettra de vivre dans la mégalopole ouatée des ordinateurs et donnera à l’Occident une avance définitive sur le reste du monde.

Ou de défendre les camps électronucléaires (le mot de centrale ne suffit pas), les Seveso, les Ekofisk du futur, la prolifération incontrôlable des bombes atomiques qui les accompagne. Cela vaut mieux aussi qu’un marxisme pour pauvres qui vous met le marché en main : ou le Concorde ou le chômage, ou le nucléaire ou l’austérité. Oui, il vaut mieux être un défenseur de la campagne.

Au moins on rappelle ainsi que, dans notre société comme dans toute autre, si l’économie a la parole, la nature a le dernier mot. Ne portons pas d’œillères, ne censurons pas notre envie de terre, d’herbes folles, d’animaux, de silence, par peur de déplaire à Montparnasse, de désespérer Billancourt, d’être mal vu à la Défense !

Cela dit, s’il est vrai que chez les écologistes existe un certain amour de la nature végétale et animale, c’est un peu facile de les réduire a des contemplateurs de la campagne. L’intérêt pour la campagne, comme l’intérêt pour l’anthropologie, pour l’étude des sociétés différentes, prend place dans la recherche d’une vie pleine, d’une vie complète, face aux creux, aux évictions provoquées par la vie urbaine. Nous sommes en effet devenus incapables de répondre à toute une série de problèmes élémentaires, et nous devons recréer des conditions de vie et des relations propres à réintroduire les comportements élémentaires.

Prenons des exemples : si je ne sais plus faire ma cuisine, laver mon linge, réparer mes vêtements, si je ne sais plus, à la limite, en quelle saison nous sommes et ce qui pousse en cette saison, si je ne sais plus prévoir le temps, si je ne sais plus me soigner, c’est que je dépends pour tout cela d’un ensemble, d’une information sociale, au détriment de mon autonomie.

Retrouver des savoir-faire, c’est retrouver l’autonomie. Mais c’est aussi retrouver la tolérance pour le quotidien, pour la conversation, pour la trivialité. Notre société, par une sorte de souci de contrôle et de rationalisation, fuit le bavardage, la perte de temps, etc. Pourtant, les savoir-faire traditionnels circulent malgré tout et ils ont leur utilité, mais les gens en ont honte ; ils ne veulent que du rationnel, de l’organisé, du mécanisé. (…)

JPR : En somme, un grand retour à Rousseau ?

SM : Et même plus loin. C’est trop facile, dès qu’on prononce le mot de nature, ou nature humaine, de lui associer Rousseau. En réalité, tout le mouvement naturaliste, depuis qu’il existe, a affirmé que la liberté est chevillée à quelque chose de naturel, qu’elle est de l’ordre de la nature humaine.

Alors, comme nous réintroduisons effectivement le langage de la nature dans la critique de la société, il est facile de nous traiter de rousseauistes, avec une petite nuance de passéisme, de régression.

Finalement, la liberté de pensée reste l’alpha et l’oméga de toutes [126] les libertés. Disons-le de manière provocatrice parce qu’on n’ose pas, on n’ose plus le dire : la liberté de pensée, c’est le droit à la diversité consciente et voulue, le droit de refuser toute pression uniformisante. Là où elle existe, les autres libertés ne sont pas trop loin.

Elle s’exprime d’ailleurs aussi de façon matérielle, concrète : elle fait agir et, si on la respecte, elle devient une force. C’est pourquoi il ne faut jamais la sacrifier à quoi que ce soit. Elle est pour moi intimement liée à l’idée de nature.

La donnée principale de la nature, sa substance même, c’est l’extraordinaire diversité des individus et des groupes. Toute société qui se construit contre la nature tend à se militariser et à faire bon marché des libertés ; la société pour et avec la nature n’oublie jamais l’homme, n’oublie jamais sa nature, qui est d’être libre !

On a toutes les thèses de la « décroissance » qui sont ici exposées: chaque individu est unique, il faut vivre de manière plus ou moins austère afin de ne pas rentrer en conflit avec la Nature, sans pour autant reconnaître celle-ci, ni considérer qu’on en fait partie, il faut être totalement autonome, être capable de se débrouiller, etc.

Bref, c’est une vision romantique qui veut retourner en arrière sans le dire, et qui bien sûr ne parle jamais des animaux, et pour cause: le mode de vie végane n’est généralisable qu’avec une humanité unifiée échangeant des biens au niveau mondial. Sans cela, on retombe forcément dans la petite production… et l’exploitation animale.