Il y a 30 ans commençait en Autriche quelque chose qui ressemble à ce qui s’est passé à Notre-Dame-des-Landes, sauf que cela s’est développé totalement différemment, donnant un élan formidable à l’écologie. Voici un petit aperçu de ce petit épisode historique lourd de sens.
Tout s’est déroulé à un peu plus de 40 kilomètres à l’est de la capitale viennoise, à côté de la toute petite ville de Hainburg. On y trouvait en effet un coin de nature appelé Hainburger Au, la zone humide de Hainburg.
Or, le gouvernement autrichien entendait y construire une centrale électrique (en Autriche le nucléaire est interdit constitutionnellement). Cela signifiait la destruction de l’endroit. La décision fut prise en décembre 1983.
La résistance commença à se développer, notamment avec le WWF. Une « conférence de presse des animaux » se tint en mai 1984, dans le club de la presse de Vienne, avec des politiciens de tous les horizons s’étant déguisés en animaux : en cerf, en cigogne noire, en héron pourpré, en sonneur à ventre de feu, en cormoran et en coléoptère !
Est alors lancé un appel à un référendum. Deux semaines plus tard, 3000 personnes se réunissent à Hainburg, prêtant « serment » :
«Nous promettons que nous ne laisserons pas tomber jusqu’à ce que les zones humides de Hainburg soient sauvées. Nous nous engageons: dans ce pays il doit enfin y avoir d’instaurés des parcs nationaux, dans les zones humides du Danube, du March, de la Thaya et partout où il s’agit de préserver la beauté de la nature. »
Voici une photographie montrant le grand peintre Hundertwasser présent lors de la lutte à Hainburg. Sur l’affiche on lit: « la nature libre est notre liberté ».
En novembre, le nombre de signatures de soutien est de 60 000, alors que le 8 décembre 8 000 personnes manifestent à Hainburg, plusieurs centaines campant dans la zone humide. Les travaux sont alors bloqués plusieurs jours, la répression s’enclenche, au bout de plusieurs jours il y a 5 000 personnes dans la zone humide.
Le 19 décembre, l’État annonce que la zone devient interdite et envoie à 6h00 du matin 1 000 policiers et gendarmes dégager les opposants au moyen de matraques et à l’aide de chiens, dans ce qui va être appelé le « jour de la honte », faisant des dizaines de blessés. Le soir même, 40 000 personnes défilent à Vienne en protestation.
Le lendemain, les opposants présent sur la zone humide sont 7 000. Il faut avoir en tête que passer la nuit dans la zone humide signifie affronter une température de -17°C…
L’État recule alors et proclame une pause. En mars 1985, la pétition des opposants a déjà 353 000 signatures. En 1986, l’État abandonne le projet, en 1996 la zone devient une réserve naturelle.
Quant au mouvement de Hainburg, il amena la fusion des écologistes en 1986, dans « l’alternative verte » qui récolte 4.82% des voix la même année, et devint l’un des principaux partis politiques, sur une base ultra-alternative (aujourd’hui sa principale figure historique dirige la SPA autrichienne et son mari tient un restaurant vegan).
Une belle réussite, très loin dans ses principes, son contenu, sa dimension populaire, de ce qu’on voit dans les « ZAD » françaises, qui ont utilisé l’écologie pour la mise en avant d’un mode de vie « autogestionnaire » en « autonomie locale ».