Il y a donc eu tout de même un accord à la conférence sur le climat de Lima. Nous pensions avoir le temps de constater les points faibles, avant de parler de cet accord. Mais finalement il a été réalisé samedi, alors que le désaccord était complet.
Et sa base, c’est de dire que… l’année prochaine, il faudra se mettre d’accord. A la place de François Hollande, qui compte sur le prestige de la conférence à Paris l’année prochaine, on commencerait à paniquer.
Et surtout, pour les personnes entendant défendre la Nature, il y a lieu de comprendre le drame que va être cette conférence. Car bien entendu, Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, peut se vanter de la réussite prochaine de la conférence à Paris, et affirmer que « Le fantôme de Copenhague s’éloigne et l’espoir d’un succès à Paris se rapproche. » EELV fait la même chose.
En pratique, ce qu’on va voir à Paris l’année prochaine, c’est que l’humanité est incapable de procéder à des décisions relevant d’un gouvernement mondial. Les intérêts particuliers priment ; ce qui se passe au niveau social avec les individus se répète avec les États.
L’objectif de décisions acceptées par tous les pays, avec des contraintes sur le plan légal, est définitivement abandonné. L’ONU est coulée, incapable d’unifier pour contrer la catastrophe en cours.
Et il va de soi ici que les grandes entreprises donnent le ton. L’écrasante majorité des fonds qui vont être rendus disponibles iront aux entreprises proposant des « alternatives » vertes, pratiquement rien n’ira aux pays du tiers-monde pour affronter la nouvelle situation.
Ce qui n’empêchera d’ailleurs pas de polluer à côté de cela : en 2012, 775 milliards de dollars de subventions sont allées dans les poches des entreprises pour les énergies fossiles, alors que le chiffre pour les énergies renouvelables, en 2013, était de 101 milliards.
En comparaison, la « Green fund » dont parle la COP20, est de… 10 milliards, et encore est-ce seulement de vagues promesses !
Quant à la Nature en elle-même, elle est totalement absente de la problématique. La seule chose que la COP20 à Lima a fait, c’est de reconnaître que le réchauffement climatique existait, et que si on ne fait rien l’élévation de la température va continuer et qu’on ne parviendra pas en l’état actuel à bloquer cela à une augmentation de 1,5°-2°.
En attendant, la COP20 a organisé le parcours balisé suivant : discussions à Genève en Suisse en févier, puis avant la fin mars, annonce des mesures pour limiter leurs émissions de gaz à effet de serre par… les pays qui souhaitent annoncer leurs mesures.
Avant fin mai un texte de base pour discuter à Paris est censé sortir, puis en juin à Bonn en Allemagne il y a une réunion, puis de nouveau un peu plus tard, on ne sait ni quand ni où !
La patate chaude arrive alors début novembre, lorsque le secrétariat de la Convention de l’Onu sur le climat doit résumer tout cela, avant donc la catastrophe à prévoir que va être la conférence à Paris, du 30 novembre au 11 décembre 2015…
Pour conclure, citons ici un philosophe des Lumières, Emmanuel Kant. La ministre de l’écologie, Ségolène Royal, a dit la chose suivante le 12 décembre, en séance plénière de la Conférence Climat de Lima :
« Enfin, sur la démocratie et les droits humains, le climat sera Grande cause nationale en France en 2015, et surtout, je souhaite que la France joue un rôle, pour imaginer l’émancipation et préparer démocratiquement les esprits au changement, comme l’ont fait au XVIIIe siècle les philosophes des Lumières pour faire advenir une nouvelle représentation du monde et des droits humains. »
Sauf que, justement, les philosophes des Lumières reconnaissait la Nature, et ils étaient dans un esprit universaliste. C’est Kant qui a souligné, ainsi, la nécessité d’une gouvernance mondiale de la raison :
« La nature a donc aussi utilisé l’incapacité à se supporter [que manifestent] les hommes, et même les grandes sociétés et les grands corps politiques composés d’individus de ce genre, comme un moyen de découvrir, au sein-même de l’inévitable antagonisme, un état de repos et de sécurité.
C’est-à-dire que, par les guerres, par ses préparatifs extravagants et jamais relâchés, par la souffrance qui s’ensuit et qui doit finalement être ressentie par chaque État même en pleine paix intérieure, la nature pousse [les États] à des tentatives d’abord imparfaites, mais finalement, après beaucoup de dévastations, de renversements, et même après un épuisement intérieur général de leurs forces, [les pousse] à faire ce que la raison aurait pu aussi leur dire sans une si triste expérience; à savoir sortir de l’état sans lois des sauvages pour entrer dans une société des nations, dans laquelle chaque État, même le plus petit, pourra attendre sa sécurité et ses droits non de sa force propre ou de son appréciation juridique personnelle, mais seulement de cette grande société des nations (Foedus Amphictyonum), de l’union des forces en une seule force et de la décision, soumise à des lois, de l’union des volontés en une seule volonté.
Aussi enthousiaste que puisse aussi paraître cette idée, et bien qu’une telle idée ait prêté à rire chez un abbé de Saint-Pierre ou chez un Rousseau (peut-être parce qu’ils croyaient la réalisation d’une telle idée trop proche), c’est pourtant le résultat inévitable de la souffrance où les hommes se placent mutuellement, qui doit contraindre les États (aussi difficile qu’il soit pour eux de l’admettre) à adopter cette résolution même que l’homme sauvage avait été contraint de prendre d’aussi mauvais gré, à savoir : renoncer à sa liberté brutale et chercher dans une constitution réglée par la loi le repos et la sécurité. »
Cela a été écrit en 1784. Plus de deux cent après, on attend encore cette société des nations réalisant la paix mondiale. Elle ne pourra se réaliser que lorsque l’humanité sera unifiée, ayant brisé son anthropocentrisme, ayant compris la réalité de la Nature !