Irréligieux : article de l’Encyclopédie

Dans l’Encyclopédie de Diderot, on trouve un article très intéressant au mot « irreligieux ». Il est vraiment très bien et très utile pour se forger une opinion après les assassinats hier de nombreux dessinateurs et caricaturistes de Charlie Hebdo.

Diderot, qui était athée (mais feint d’être déiste dans l’article), souligne que ce qui compte c’est la vertu, c’est-à-dire le fait de bien se comporter, de se comporter moralement, la morale n’ayant pas de lien forcé avec la religion, loin de là !

Mais de la même manière il est habilement dit qu’on n’est irréligieux que dans la société dont on est membre, et qu’attaquer l’Islam en France, cela n’a aucun sens alors que c’est le catholicisme qui prédomine. Rejeter toutes les religions a donc un sens, mais il faut savoir mettre l’accent sur ce qui compte…

IRRELIGIEUX, adj. (Gram.) qui n’a point de religion, qui manque de respect pour les choses saintes, & qui n’admettant point de Dieu, regarde la piété & les autres vertus qui tiennent à leur existence & à leur culte, comme des mots vuides [vides] de sens.

On n’est irréligieux que dans la société dont on est membre ; il est certain qu’on ne fera à Paris aucun crime à un mahométan de son mépris pour la loi de Mahomet, ni à Constantinople aucun crime à un chrétien de l’oubli de son culte.

Il n’en est pas ainsi des principes moraux ; ils sont les mêmes partout. L’inobservance en est & en sera repréhensible dans tous lieux & dans tous les tems. Les peuples sont partagés en différens cultes, religieux ou irréligieux, selon l’endroit de la surface de la terre où ils se transportent ou qu’ils habitent ; la morale est la même partout. C’est la loi universelle que le doigt de dieu a gravée dans tous les coeurs.

C’est le précepte éternel de la sensibilité & des besoins communs.
Il ne faut donc pas confondre l’immoralité & l’irréligion. La moralité peut être sans la religion ; & la religion peut être, & est même souvent avec l’immoralité.

Sans étendre ses vûes au-delà de cette vie, il y a une foule de raisons qui peuvent démontrer à un homme, que pour être heureux dans ce monde, tout bien pesé, il n’y a rien de mieux à faire que d’être vertueux.

Il ne faut que du sens & de l’expérience, pour sentir qu’il n’y a aucun vice qui n’entraîne avec lui quelque portion de malheur, & aucune vertu qui ne soit accompagnée de quelque portion de bonheur ; qu’il est impossible que le méchant soit tout-à-fait heureux, & l’homme de bien tout-à-fait malheureux ; & que malgré l’intérêt & l’attrait du moment, il n’a pourtant qu’une conduite à tenir.

D’irréligion, on a fait le mot irréligieux, qui n’est pas encore fort usité dans son acception générale.