Statut juridique : « pour les animaux, plus rien ne sera comme avant »?

L’assemblée nationale a réétudié le projet de loi sur la modernisation et la simplification du droit. Il y a quelques jours, le passage décrivant les animaux comme des « êtres vivants doués de sensibilité » avait été rejeté par le Sénat (voir Amendement sur la sensibilité animale: une escroquerie juridique de plus). Voici l’amendement proposé et adopté.

AMENDEMENT
présenté par M. MOHAMED SOILIHI, rapporteur
ARTICLE 1ER BIS
Supprimer cet article.
Objet
Cet amendement supprime l’article 1er bis qui prévoit une reconnaissance de la spécificité des animaux dans le code civil.
Introduit en première lecture à l’Assemblée nationale par l’adoption d’un amendement en séance publique, cet article est dépourvu de lien, même indirect, avec les dispositions du projet de loi initial. L’article 1er bis est, à ce titre, contraire à l’article 45 de la Constitution.
Sur le fond ensuite, la notion d’« êtres vivants doués de sensibilité » est ici purement symbolique et n’a pas de portée normative.
Enfin, si le code civil devait évoluer pour prévoir un nouveau statut de l’animal, cela ne pourrait se faire sans une réflexion globale sur le droit des biens. Or, une telle réflexion n’a pu être menée au détour de ce texte, le Sénat examinant pour la première fois, en nouvelle lecture, cette disposition.

Voici la position d’une sénatrice EELV à ce sujet, qui résume la position générale du réformisme : il faut combattre certaines choses (seulement) et la loi est censée modifier les mentalités.

Mme Esther Benbassa. –
Je regrette la suppression de l’article premier bis relatif au statut de l’animal, en espérant que cette question sera reprise pour que change le regard de la société sur l’animal et que cessent certaines pratiques cruelles. (M. André Gattolin approuve)

L’Assemblée nationale a adopté le projet de loi et a par contre, contre l’avis du Sénat, remis l’article 1 bis qui consiste à dire, que les animaux sont des « êtres vivants doués de sensibilité ». Le Code civil dit ainsi désormais la même chose que le Code pénal et le Code rural.

Très concrètement, cela veut dire que c’est un choix gouvernemental, car normalement il y a un jeu de « navette » entre l’assemblée et le sénat, qui doivent se mettre d’accord. Seul le gouvernement peut stopper ce principe et exiger que l’assemblée ait le dernier mot (c’est valable pour tout sauf pour les modifications de la constitution).
C’est donc ce qui a été fait et c’est quelque chose de notable ; c’est véritablement un choix politique. A l’assemblée, tout le monde a voté par ailleurs pour le projet de loi, sauf l’UMP.

Il y a ici quelque chose de surprenant, très clairement, car normalement le statu quo prévaut, même s’il y avait une anomalie entre la définition du Code civil par rapport aux Codes pénal et rural.

Il y a donc lieu de réfléchir à ce changement : est-il purement cosmétique ou est-il le signe d’un « glissement » juridique ?

Voici la position de la Fondation 30 millions d’amis, que nous ne partageons pas. Selon elle, « plus rien ne sera comme avant », un verrou a sauté, c’est un « tournant historique », etc. C’est une vision totalement mécaniste et institutionnelle, profondément naïve sur ce que sont les juges.

Statut juridique : les animaux reconnus définitivement comme des êtres sensibles dans le Code civil

Le Parlement a adopté définitivement le projet de loi modernisant enfin le statut juridique de l’animal en reconnaissant sa nature d’être vivant et sensible. Cette modification historique du Code civil est l’aboutissement de 10 ans de réflexions et de dix mois de débats parlementaires, portés par la Fondation 30 Millions d’Amis. Pour les animaux, plus rien ne sera comme avant.

Ce mercredi 28 janvier 2015, l’Assemblée nationale a voté en lecture définitive le projet de loi relatif à la modernisation du droit. L’animal est désormais reconnu comme un « être vivant doué de sensibilité » dans le Code civil (nouvel article 515-14) et n’est plus considéré comme un bien meuble (article 528). Ainsi, il n’est plus défini par sa valeur marchande et patrimoniale mais par sa valeur intrinsèque.

Ce tournant historique met fin à plus de 200 ans d’une vision archaïque de l’animal dans le Code civil et prend enfin en compte l’état des connaissances scientifiques et l’éthique de notre société du 21ème siècle. Cette reconnaissance participe de la modernisation de notre droit : le Code civil est enfin harmonisé avec le Code rural et le Code pénal.

« Enfin ! Les animaux sont reconnus comme des êtres vivants et sensibles dans le Code civil. Ce tournant historique place la France à la tête des nations les plus avancées en matière de droit civil, car elle définit l’animal positivement, pour lui-même, et non pas en creux, comme l’Allemagne, la Suisse et l’Autriche notamment, qui le considèrent juste comme n’étant pas une chose. Nous pouvons être fiers de cette réforme de progrès et d’humanisme, remportée après des dizaines d’années de lutte et près d’un an de débats au Parlement », témoigne Reha Hutin, Présidente de la Fondation 30 Millions d’Amis.

Pour les animaux, plus rien ne sera comme avant

En inscrivant la sensibilité de l’animal dans le Code civil, pilier du droit français, cette réforme va toucher la société dans son ensemble et faire évoluer les mentalités en faveur d’une meilleure prise en compte du bien-être animal. Cette réforme ne va pas tout changer du jour au lendemain mais, du jour au lendemain, va pouvoir tout rendre possible en déverrouillant le débat juridique.

Le Code civil allant désormais dans le même sens que le Code rural et le Code pénal, cela permettra une meilleure application du droit existant.

En effet, la cohérence juridique entre les Codes permettra aux juges d’être plus audacieux et plus efficaces quant à l’application des règles protectrices des animaux. Par ailleurs, la réforme va permettre de créer un gisement de synergies entre le droit civil et le droit pénal, ou le droit rural, qui au cas par cas et petit à petit, bouleversera l’ensemble du droit animalier.

« Le principal verrou a sauté ! Cette avancée majeure crée les conditions favorables à l’amélioration de la condition animale » souligne Reha Hutin, Présidente de la Fondation 30 Millions d’Amis.

Pour Christiane Taubira, ministre de la Justice, « c’est un acte qui a son poids, sa signification et surtout ses conséquences ».

Jean Glavany, député : « J’ai écouté la société civile, en particulier la Fondation 30 Millions d’Amis, qui nous mettait en demeure de corriger une anomalie du Code civil. »
Une réforme portée par la Fondation 30 Millions d’Amis

La réforme du statut juridique de l’animal est l’aboutissement d’années de réflexions et de débats auxquels la Fondation 30 Millions d’Amis a contribué. Alors que ce sujet n’avait jamais été mis à l’ordre du jour du Parlement, la Fondation 30 Millions d’Amis a réussi à sensibiliser le Gouvernement et le Parlement pour en faire – aujourd’hui – un sujet de réforme.

« Après des années de réflexion, un nouvel élan sur cette question a été donné par la publication du Manifeste des 24 intellectuels à l’initiative de la Fondation 30 Millions d’Amis en octobre 2013, et notre pétition qui a recueilli près de 800 000 signataires en quelques mois. Sur le fond, cette réforme est l’aboutissement d’un long travail avec des experts du droit pour valider la solidité juridique du texte, et d’un dialogue nourri avec les pouvoirs publics pour améliorer sa rédaction » explique Reha Hutin.