C’est un véritable imbroglio auquel on a eu droit, comme d’habitude lorsqu’il s’agit de la question de l’alcool dans notre société. Rien n’est décidé démocratiquement, tout est embrouillé afin de masquer les intérêts économiques en jeu.
En l’occurrence, c’est la loi Evin sur la publicité concernant l’alcool qui a été prise d’assaut par les entreprises relevant de la viticulture, à l’occasion des débats parlementaires dans le cadre de la Loi Santé.
Deux aspects sont concernés, voyons aujourd’hui ce qu’il en est du premier, concernant la fameuse inscription « l’abus d’alcool est dangereux pour la santé ». Elle est d’ordre général, aussi le ministère de la Santé avait-il exigé que la formulation puisse changer selon ses exigences.
Les producteurs d’alcool en général ont compris le problème, surtout les viticulteurs: eux prétendent que leur vin n’est pas mauvais pour la santé, que seul un « abus » est mauvais. Critiquer l’alcool en général, c’est critiquer leur production de biens qui sont mauvais pour la santé, mais que eux prétendent bons. Donc, ils s’y sont opposés.
Voici l’amendement de protestation fait par Gilles Lurton, député apparenté UMP en Ile-et-Vilaine.
L’article L. 3323‑4 du Code de la Santé Publique précise dans son 4ème alinéa que « Toute publicité en faveur de boissons alcooliques, … , doit être assortie d’un message de caractère sanitaire précisant que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé. »
L’objectif de ce message fixé par le législateur dans le cadre de la loi Evin vise à lutter contre la consommation excessive d’alcool.
A la suite d’un amendement déposé par le rapporteur en Commission des Affaires Sociales, ce message a été supprimé et remplacé à l’avenir par un arrêté du Ministère de la Santé fixant le contenu des messages sanitaires destinés à figurer sur les publicités des boissons alcooliques. La volonté du rapporteur est de permettre d’adapter le message en fonction des supports et des modalités techniques de sa diffusion, du public visé et des boissons concernées.
Cette suppression remet en cause un message qui fait autorité depuis 1991, qui a le mérite de la clarté et de la simplicité, ce qui le rend efficace.
Ce message avait par ailleurs pour avantage de cibler l’excès de consommation reconnu comme préjudiciable à la santé de chacun et non pas une consommation raisonnable de produits de qualité issus de savoirs-faire locaux de renommé parfois international qui met en valeur les terroirs de notre pays.
Voici ce que raconte à ce sujet Michel Piron, député UDI de Maine et Loire, dans la Revue du Vin de France. Il y associe vin et culture; on remarquera la blague sur la fermentation, tout à la fin…
La Revue du Vin de France : Quel est l’esprit des amendements que vous proposez ?
Michel Piron : Mes amendements visent à défendre le vin, c’est-à-dire ce qui découle d’une production culturelle, d’un savoir et de savoir-faire qui représentent notre pays à l’échelle internationale. Il faut cesser avec cette anti-culture qui confond prévention et interdiction, usage et abus.
Sous prétexte qu’il y a des abus on devrait interdire l’usage, c’est de la folie. On frise l’obscurantisme.
La RVF : En quoi le transfert des compétences du ministère de l’Agriculture à celui de la Santé menace la filière viticole ?
Michel Piron : Le Ministère de la Santé n’a absolument pas la compétence pour parler du vin. Il a la compétence pour parler des abus.
Or, pareille décision viendrait à réduire le vin à de l’alcool et à en faire un produit dangereux. C’est une vision extrêmement réduite et caricaturale. C’est aussi faire preuve, au mieux d’une grande inculture, au pire de dévoiement.
La RVF : Quel regard portez-vous sur la Loi Évin ?
Michel Piron : En matière de santé toutes les normes ont été posées. Il n’y a rien à ajouter à la loi Évin. Si on prend les exemples des pays autour de nous, nous sommes les plus rigides.
Bon, on pourra toujours me parler de la Suède… Grand pays producteur ça, la Suède… Le vin est un produit qui s’apprend, et il vaudrait mieux prendre exemple sur l’Italie dans le domaine.
La RVF : Que se passerait-il si vos amendements n’étaient pas adoptés ?
Michel Piron : Je ne vois pas pourquoi ils ne le seraient pas, nous sommes prêts et surveillerons le dossier attentivement, comme on surveille une fermentation.
C’est un refrain traditionnel: face aux vilains pays protestants / anglo-saxons qui posent des exigences morales, adoptons la prétendue joie de vivre catholique / latine. Que chacun fasse ce qu’il veut, du moment qu’il n’emmerde pas les autres, etc.
Réduit à sa dimension individuelle, l’alcool ne pose alors, forcément plus de problèmes sociaux, puisque la société n’est plus prise en compte…