Dans le cadre de leur bataille contre la loi Evin, les entreprises produisant du vin ont lancé un mot d’ordre « Je suis vigneron, j’ai besoin de vous ! », avec un site internet où on peut envoyer un message automatisé au député, sur le site… filierevin.fr.
Hier nous parlions du possible changement du fameux avertissement sur l’alcool. Voici maintenant un autre aspect: celui de la publicité. Les entreprises de la viticulture n’ont cessé de batailler pour obtenir une définition de la publicité qui lui soit favorable.
Les juges n’ont parfois pas été dupes et ont en effet condamné des articles de presse pour être de la publicité masquée: une évidence! A cela s’ajoute la presse spécialisée dans le vin et l’œnotourisme, que les entreprises aimeraient renforcer, en faire une machine de propagande tournant à plein régime, au nom du terroir…
Un amendement, du député PS Denys Robiliard, vient donc « sauver » ce secteur du capitalisme, définissant comme suit le cadre de la publicité pour l’alcool:
L’article L. 3323‑3 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Avant le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« On entend par propagande ou publicité, au sens du présent livre III, un acte de promotion effectué en faveur d’un produit ou service, relevant de l’activité d’une personne ayant un intérêt à la promotion dudit produit ou service et susceptible d’être perçu comme un acte de promotion par un consommateur d’attention moyenne.
« Toute propagande ou publicité en faveur d’une boisson alcoolique ne doit pas inciter à un excès de consommation, en particulier chez les jeunes. »
« La publicité ou la propagande est directe lorsqu’elle est effectuée en faveur d’une boisson alcoolique » ;
2° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Est considérée comme propagande ou publicité indirecte la propagande ou publicité effectuée en faveur d’un organisme, d’un service, d’une activité, d’un produit ou d’un article autre qu’une boisson alcoolique qui, par son graphisme, sa présentation, l’utilisation d’une dénomination, d’une marque, d’un emblème publicitaire ou d’un autre signe distinctif, rappelle effectivement ou a pour but de rappeler une boisson alcoolique » ;
3° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Seuls les éléments de la publicité consacrée à un organisme, un service, une activité, un article autre qu’une boisson alcoolique qui rappellent effectivement ou ont pour but de rappeler une boisson alcoolique doivent être conformes aux dispositions de l’article L. 3323‑4. ».
L’association Vin et société, qui regroupe les entreprises de la viticulture, peut donc crier victoire, sur un mode « Je suis Charlie » :
Rappelons que des journaux tels que Paris Match (mars 2013), Le Parisien (décembre 2007) et Les Echos (juin 2007) ont en effet été condamnés à la suite d’articles de presse évoquant le vin, requalifiés en publicité.
Au-delà des professionnels du secteur viticole, ce son t aussi 30 000 journalistes, des milliers d’artistes et d’écrivains, des agences de publicité et de communication, des avocats et 31 millions de consommateurs responsables qui sont concernés par les conditions d’application de la Loi Evin.
« Cet amendement n’ouvre aucune nouvelle possibilité de publicité pour le vin mais permet de sécuriser
le travail des journalistes et la liberté d’information » déclare Joël Forgeau.
Joël Forgeau est le président de « l’association », qui se cite par conséquent lui-même dans son propre communiqué de presse, dans le cadre d’une association qui n’en est pas une puisqu’il s’agit de promouvoir un secteur économique, des intérêts particuliers, un mode de vie allant avec, etc.: c’est ce qu’on appelle un lobby.
Pour en revenir à la question du droit à l’information, il faut savoir que l’explication de l’amendement cité plus haut dit lui-même:
Cette jurisprudence a créé une insécurité juridique qui met en cause la liberté d’expression des journalistes et développe une forme d’autocensure de la part de médias et d’opérateurs.
Une autocensure qui aurait existé au sujet de l’alcool: on aura tout vu. Le droit d’informer utilisé pour promouvoir la promotion de l’alcool… Le libéralisme n’a honte de rien.