Pour et contre les modifications de la loi Evin…

Voici deux documents contradictoires ayant rapport aux modifications de la loi Evin par l’assemblée nationale. Le premier est une lettre ouverte réalisée par des associations consacrées à l’alcoologie et l’addiction à l’alcool, qui protestent contre ce qui se passe. Le second est une tribune de parlementaires, publiée dans La Tribune, en faveur justement de l’industrie de la viticulture.

Lettre ouverte au Président de la République sur le projet de loi de santé

Monsieur le Président de la République,

Si nous prenons aujourd’hui la liberté de nous adresser directement à vous, c’est parce que nous représentons l’ensemble des associations et sociétés savantes sur le champ de la prévention des risques et de la réduction des dommages sanitaires et sociaux liés à l’alcool.

Grâce à la loi du 10 janvier 1991, dite loi Evin, la France dispose d’un cadre équilibré qui permet à la fois l’information sur les boissons alcooliques et un encadrement de la publicité, notamment pour préserver la santé des jeunes et des publics vulnérables.

A l’occasion de l’examen de la loi relative à la modernisation du système de santé, présentée par Madame Marisol Touraine au Parlement, quelques députés ont fait adopter en commission des Affaires sociales de l’Assemblée, contre l’avis du gouvernement et du rapporteur, un amendement qui modifie la définition de la publicité de manière restrictive afin de remettre en cause le dispositif législatif antérieur.

Contrairement à ce que prétendent les défenseurs de l’amendement, la protection de la santé ne s’oppose pas à la viticulture, mais si cette disposition était votée, c’est l’ensemble de la population, et notamment les jeunes, qui serait exposé à une promotion sans limite en faveur de la consommation d’alcool.

Cette définition restrictive de la publicité, qui est par ailleurs contraire à la directive européenne 84/450/CEE du 10/09/1984 en la matière, aurait aussi pour effet collatéral de desserrer les conditions de la publicité pour le tabac et d’affaiblir le Plan national de réduction du tabagisme.

Il serait paradoxal et dommageable qu’une loi ayant pour objectif d’améliorer la prévention ait pour conséquence une plus grande facilité de promouvoir l’alcool qui est directement responsable de 49 000 morts par an, sans compter le symbole désastreux d’une défaite de la santé publique à l’aube du 25ème anniversaire de la loi Evin.

C’est pourquoi nous nous adressons solennellement à vous, Monsieur le Président, qui avez mis votre mandat sous le signe de la jeunesse, afin que ne soit pas remise en cause une loi exemplaire de protection de la santé.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Président de la République, à l’expression de notre très haute considération,

Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie
Fédération Française d’Alcoologie
Société Française d’Alcoologie
Société Française de Santé Publique
ANPAA : www.anpaa.asso.fr
FFA : www.addictologie.org
SFA : www.sfalcoologie.asso.fr
SFSP : www.sfsp.fr

Loi Evin : clarifier pour mieux protéger !

L’interprétation par les juges de la loi Evin sur la publicité concernant l’alcool conduit à un détournement de l’esprit initial du législateur. A preuve, les condamnations de journalistes, d’acteurs régionaux, qui n’ont fait qu’évoquer la culture de la vigne et le succès des entreprises viticoles. Par 32 parlementaires, de tous bords

24 ans après la mise en place de la loi Evin, nous, députés et sénateurs, affirmons qu’il faut faire vivre la loi, et l’ancrer dans son temps en tenant compte de la réalité.

La question de la publicité en faveur de l’alcool est une question de santé publique majeure. Réglementer la publicité est indispensable pour protéger les populations vulnérables, en particulier les jeunes, et pour lutter contre les excès de consommation d’alcool. Cette protection contre les addictions, notamment celle liée à l’alcool, c’est l’esprit même de la loi Evin.

L’interprétation des juges s’éloigne de l’esprit de la loi

Pour autant, force est de constater que dans la pratique, l’interprétation faite par les juges de la loi Evin s’éloigne de plus en plus de son esprit initial. Aujourd’hui, des journaux comme les Echos, le Parisien ont été sanctionnés par les tribunaux, le juge ayant condamné des articles de presse en les assimilant à de la publicité, alors que la loi Évin n’interdit aucunement de mettre en valeur le patrimoine français ; elle protège les plus faibles – nos jeunes- des addictions.

Un reportage sur la culture de la vigne, sur l’œnotourisme, sur le succès des entreprises viticoles françaises – destiné à un public majeur, surtout éduqué et averti – sur cette vigne qui fait vivre de nombreux territoires et participe de la culture française et au rayonnement de notre pays, serait donc condamnable !

Certains diront qu’il ne s’agit que de quelques procès en 24 ans… mais autant de condamnations font désormais jurisprudence et redéfinissent , à la place du législateur et contrairement à l’esprit de la loi, la règle du jeu en mettant les journalistes mais aussi les acteurs régionaux (conseil régionaux et généraux, intercommunalité et communes, office de tourisme) dans une insécurité juridique préjudiciable tant pour l’image de notre filière viticole que pour la cohérence de notre politique de santé publique en matière d’alcool.

Différencier publicité et information

Nous soutiendrons, dans les jours à venir, lors des débats à l’Assemblée nationale la nécessité de différencier ce qui relève de la publicité et ce qui relève d’un article de presse, du journalisme. Ce débat devra avoir lieu dans le cadre de l’élaboration de la loi de Santé, texte qui suscite toujours de vives discussions, et l’actuel projet peut être encore plus qu’à l’accoutumé. Nous entendons déjà ceux qui nous accuserons de vouloir « défaire» la loi Evin, parfois par posture, le plus souvent par confusion sur l’objectif visé.

Il est essentiel aujourd’hui de définir, à droit constant, ce qu’est précisément la publicité pour protéger tant les journalistes que leurs reportages, l’oeno-tourisme que le patrimoine de nos territoires, tout cela sans remettre en cause les objectifs intangibles de santé publique auxquels nous sommes très attachés.
Une clarification pour éviter d’interdire toute communication

Cette nécessaire clarification de la loi Evin ne donnera pas plus de droits aux producteurs de vins. Elle ne leur donnera pas non plus l’opportunité de faire plus de publicité. Surtout, elle ne réduira pas le niveau de contraintes qu’exige notre politique de santé publique. Elle ne remettra en cause aucune des lignes garantes de l’encadrement de la publicité.

Cette clarification n’a qu’un seul objectif et qu’une seule vertu, ceux de permettre aux journalistes, à nos régions, à nos départements de pouvoir parler du vin, de notre patrimoine culturel dans un cadre légal clairement défini qui respecte l’esprit initial de loi Evin : encadrer la publicité mais pas ‘interdire toute forme de communication.
Notre mission, en tant que parlementaires est de faire vivre la loi, de lui redonner tout son sens : clarifier pour mieux protéger !

Elie ABOUD, Benoist APPARU, Florent BOUDIE, Gérard CESAR, Gérard CHARASSE, Dino CINERI, Roland COURTEAU, Marie-Christine DALLOZ, Fanny DOMBRE COSTE, Sandrine DOUCET, William DUMAS, Marie-Hélène FABRE, Yves FOULON, Paul GIACCOBI, Antoine HERT, Patrick HETZEL, Jacques KRABAL, Gilles LURTON, Philippe MARTIN, Patrice MARTIN LALANDE, Dominique ORLIAC, François PATRIAT, Bernard PERRUT, Michel PIRON, Didier QUENTIN, Frédéric REISS, Arnaud ROBINET, Gilles SAVARY, Eric STRAUMANN, Alain SUGUENOT, Catherine VAUTRIN, Eric WOERTH