Hier à l’assemblée nationale, le député UMP Nicolas Dhuicq s’est lancé dans la traditionnelle offensive à la française contre le « puritanisme ».
Ce sont des propos très francs qui ont été exprimés par ce psychiatre, dont nous faisons ici la retranscription…
Moi je reste quand même très dubitatif et très inquiet de cette vision d’une société qui serait une vision d’une société sans tabac et pourquoi pas sans alcool euh parce que, oui, parce que la vie est quand même un risque.
C’est vrai que nous avons tous connu des patients qui sont morts dans des souffrances atroces de pathologies diverses provoquées par l’abus de substances.
Néanmoins, il n’y a pas de société humaine sans utilisation de toxiques, cela n’existe pas.
Et que ce monde que vous souhaitez, qui soit un monde pur, blanc sans aucune accroches, c’est terrible, parce que je vous le dis c’est sans provocation honnêtement, ce dont vous rêvez c’est un monde qui fait fuir la jeunesse de ce pays et qui les entraînera vers des épopées violentes, comme nous les connaissons aujourd’hui.
Parce que les épopées violentes au Proche-Orient et Moyen-Orient que nous connaissons, à mon avis elles sont aussi cela a été écrit par d’autres que moi provoquées par un monde qui devient totalement puritain.
La société française est en échec, les gouvernements successifs sont en échec, parce que vous n’êtes pas capables de proposer à la jeunesse de ce pays un espérance, une vision, un avenir pour le pays.
Pire, vous ne parlez que de la mort en permanence. Il y a quelques semaines c’était l’euthanasie, ce sera les salles de shoot, et dans le même temps vous voulez un monde absolument pur, c’est un puritanisme politique insupportable
Rejoignez les shakers [sic] et les quakers il y a quelques siècles, c’est cela votre monde. Moi je ne veux pas de ce monde là, je veux un monde de responsable et de libertés.
Nous, nous voulons ce monde; c’est notre idéal. Et c’est bien une cause qui rejette les comportements « déviants », à l’opposé du libéralisme qui les sanctifie au nom du fameux « chacun fait ce qu’il veut ». Le scepticisme et le relativisme sont des ennemis fondamentaux du progrès.
Il est d’ailleurs ironique de voir que catholiques et « queers » sont au moins d’accord là-dessus : à bas ce qui nie la toute puissance du libre-arbitre, à bas le puritanisme, vive le libéralisme, etc.
Il n’y a d’ailleurs qu’en France qu’on trouve autant de gens prônant un véganisme « flexible », qu’il y a des gens s’imaginant straight edge alors qu’ils rejettent catégoriquement le troisième « X », en expliquant que la sexualité doit être « libre », du moment qu’il y aurait du respect ce serait valable, etc.
Pour en revenir plus précisément au député UMP dont il est question ici, voici un éloge du libéralisme face à l’alcool – une expérience relevant de l’individu, à ses yeux – qu’il a faite il y a quelques jours à l’assemblée:
Madame la ministre, j’ai commencé mes études à un moment où l’on nous apprenait qu’il n’y avait au monde qu’en France que l’on souffrait de cirrhose. Ici, le sujet est bien celui de l’alcoolisation aiguë et massive des adolescents qui recherchent une ivresse et un paradis artificiel immédiat, un véritable assommoir.
Ce comportement signe la défaite des adultes et l’incapacité de notre société à projeter la jeunesse de France dans l’avenir et à lui offrir une espérance. L’objet de cet amendement est de vous alerter sur plusieurs points, notamment sur celui des publicités que vous voulez limiter. La question des publicités à l’abord des écoles nous inquiète particulièrement.
Cependant, je voudrais également parler un peu du principe de plaisir. Vos amendements sont extrêmement puritains, mes chers collègues. Celui qui s’alcoolise de manière massive cherche l’assommoir, la destruction, il joue avec la mort et n’est pas dans le principe de plaisir.
Mais, madame la ministre, n’oubliez pas que, dans cette société qui est extrêmement dure, douloureuse et difficile pour nos adolescents, il est important de leur offrir une espérance, une ouverture vers l’avenir et vers le monde, un travail. Il faut donc aussi préserver la possibilité d’un avenir, en particulier à ces jeunes qui vont s’engager dans les métiers agro-viticoles. C’est pour cela que je tiens à défendre également ce principe de plaisir qui fait partie de la vie.
(…)
Votre but, madame la ministre, est tout à fait louable : il est de maintenir la liberté et de lutter contre l’esclavage que représente la dépendance à un produit. Je voudrais cependant rappeler que nous sommes les uns et les autres tout à fait inégaux face au risque de dépendance. Certains d’entre nous ont des vulnérabilités plus grandes que d’autres – génétiques ou épigénétiques –, et la dépendance se déclare lorsque se rencontrent un produit, une personnalité et une culture. Ce triptyque est un invariant, et, à force de vouloir, par puritanisme hygiéniste, renforcer les interdits dans certains domaines et supprimer tout principe de plaisir dans notre société, vous parviendrez à l’inverse des effets recherchés.Je l’ai redit il y a quelques heures, et c’est tout à fait sérieux : les campagnes de prévention chez les adolescents ont parfois des effets totalement inverses de ceux recherchés. Il arrive que l’on constate une recrudescence de la consommation de toxiques à la suite d’interventions d’adultes auprès de ces adolescents qui sont à la recherche d’un cadre et de repères, ces adolescents qui se construisent.
Celles des dispositions du projet de loi que vous défendez qui concernent le paquet de cigarette ne serviront en rien votre lutte contre le tabagisme, madame la ministre, et c’est pour cela que je vous mets en garde, encore une fois, à propos de cette volonté de toujours laver plus blanc que blanc qui est la vôtre. Cette pureté absolue n’existe pas.
Il faut que nos compatriotes, en particulier nos adolescents, aient la possibilité de se construire, qu’ils aient la possibilité de prendre des risques mesurés quand il le faut et que des interdits s’imposent lorsque c’est absolument nécessaire pour leur avenir.
Pour résumer, « boire un petit verre c’est agréable » et « chacun sa croix ». C’est une interprétation libérale qui sied, encore, malheureusement, à la plupart des gens, s’imaginant que la morale est quelque chose qui ne saurait être universelle, systématique, porteuse d’un projet de culture.