Dépendance et breuvage à base d’ayahuasca

S’arracher aux drogues est quelque chose de difficile; on fait face à l’emprisonnement, l’enfermement, la tyrannie des drogues.

Se sevrer est une tâche très difficile; cela demande beaucoup de solidité psychologique, un entourage qui encourage (et mettre en avant le straight edge est une contribution culturelle qui doit jouer son rôle!), et parfois un soutien concret.

Il peut prendre de très nombreuses formes. Certaines personnes, pour faire face, s’enferment dans une pièce plusieurs jours (ce qu’on trouve notamment dans le film très glauque « Transpotting »). D’autres cherchent à changer radicalement d’environnement.

Voici comment Giovanna Valls présente son expérience, dans le magazine Elle, à l’occasion de la sortie demain de « Accrochée à la vie », qui retrace sa bataille.

Ce qu’elle met ici en avant est très discutable, puisqu’il s’agit de consommer de l’Ayahuasca, encore appelé yage. C’est une drogue en elle-même, aux propriétés hallucinogènes, fabriquée historiquement par les chamanes d’Amérique du sud et consistant en un breuvage à base de lianes.

Il existe, en effet, toute une « mode » touristique consistant à voyager en Amérique du sud pour des expériences mystiques très décriées, avec également quelques décès mentionnés. Ici il ne s’agit pas tant d’expériences que de sevrage, cependant la dimension « mystique » saute aux yeux tout de même.

C’est à prendre en compte, non pas tant pour une critique abstraite, mais pour comprendre la bataille pour le sevrage dans toute sa dimension, et sans jamais occulter le très grand courage individuel qu’il faut pour affronter l’accoutumance.

ELLE. Comment avez-vous replongé ?

Giovanna Valls Galfetti. J’étais, sans le savoir, avec un alcoolique. Un an d’insultes et de coups. Il n’était personne, ce mec, mais il a piétiné ma dignité, blessé mon intelligence. Quand je le regardais, j’avais envie de l’étouffer avec un oreiller, mais je me laissais tuer. J’ai sombré dans une profonde dépression. Et là, un jour, au coin de la rue, quelqu’un m’a dit : « Tu veux de la cocaïne ? » Je l’ai suivi jusqu’à un supermarché de la drogue. J’ai vu les junkies comme des fantômes, l’ambiance sordide, mais j’ai tendu le bras et je me suis laissé faire un shoot. C’était de l’héroïne et de la cocaïne, j’ai eu une overdose, je me suis réveillée dans une ambulance. Cette vie a duré cinq ans.

ELLE. Vous n’aviez pas peur de mourir ?

Giovanna Valls Galfetti. Non. J’ai chopé le sida et une hépatite C en une semaine, mais je me disais : si je dois mourir, je mourrai. Et, en même temps, une flamme tenait bon en moi. J’ai essayé de trouver la manière la plus digne de survivre avec la drogue. Je ne me suis jamais prostituée. Je suis devenue une petite délinquante. Je me levais, j’allais voler, dans les magasins, des articles de luxe masculins que je vendais pour acheter ma drogue. C’étaient des journées de seize heures, je faisais des kilomètres à pied.

ELLE. Comment avez-vous survécu ?

Giovanna Valls Galfetti. J’ai survécu parce que je ne vivais pas dans la rue, peut-être. Même quand j’étais une loque, j’ai toujours gardé la tête sur les épaules, essayé de rester propre, digne. En prison, c’est apocalyptique, ils te jettent à l’infirmerie, et l’abstinence, ils s’en fichent.

ELLE. Vos parents savaient-ils que vous étiez en prison ?

Giovanna Valls Galfetti. Non, je ne voulais pas les appeler, mais, la troisième fois, j’étais dans un état si pitoyable que le service médical de la prison les a contactés. Là, je leur ai demandé de l’aide : je suis à vos pieds, je me mets à genoux, je suis prête à tout. Ce sont eux qui m’ont permis de m’en sortir. Mon père est venu me voir, il avait 80 ans, il m’a dit qu’il m’aimait, qu’il me trouvait belle. Manuel est venu aussi, cet été de 2004, avec sa femme et ses enfants. Ma mère a toujours cru en moi. Tous me disaient : on est là, on t’aime.

ELLE. Pourquoi êtes-vous partie vous soigner au brésil, au fin fond de la jungle amazonienne ?

Giovanna Valls Galfetti. Après sept mois et vingt-trois jours de cure à Barcelone, un ami m’a parlé d’un traitement au Brésil, à base d’ayahuasca. Mes parents avaient besoin que je parte loin, il fallait qu’ils soufflent. Alors, hop, je suis partie !

ELLE. Quel est ce traitement qui, pour nous européens, peut sembler étonnant ?

Giovanna Valls Galfetti. C’est un breuvage à base de lianes de la forêt amazonienne, mélangées à d’autres plantes. Depuis la nuit des temps, les indigènes l’utilisent pour ses vertus curatives. Mais c’est un produit très fort, qui n’est pas adapté à tout le monde. Il peut être dangereux si son usage n’est pas encadré par un médecin. Le psychiatre Josep María Fàbregas avait découvert que ce breuvage était efficace pour soigner les addictions. C’est grâce à lui que je me suis soignée.

ELLE. Concrètement, qu’est-ce que le recours à l’ayahuasca vous a apporté ?

Giovanna Valls Galfetti. Il m’a permis de me retrouver face à moi-même, de revivre mes sensations de manque, de regarder la mort en face. Et surtout de me demander pardon et de me faire pardonner par les miens pour m’être maltraitée si longtemps. C’est comme une thérapie alternative, on vomit, on pleure, on lèche ses plaies. Et on en sort vidée, mais nettoyée. Il faut imaginer cela par 40 °C avec 99 % d’humidité, au milieu des moustiques. C’est une thérapie aussi, les moustiques !

ELLE. Vous n’aviez pas envie de prendre vos jambes à votre cou ?

Giovanna Valls Galfetti. La première nuit, quand j’ai eu envie de faire pipi et qu’il a fallu que je sorte de ma cabane seule dans la nuit noire, oui. D’autant que la jungle ne se tait jamais. Au début, on ne sait pas que ce bruit, ce sont juste les crapauds en chaleur. Au bout d’un mois de tarentules, de bouffe pourrie – car elle arrive après huit heures de pirogue en plein soleil –, j’ai dit : c’est merveilleux ici, mais je rentre chez moi !

ELLE. Qu’est-ce qui vous a fait rester ?

Giovanna Valls Galfetti. Un ami m’a convaincue. Puis je me suis habituée aux tarentules, aux fourmis, au climat. J’éprouvais une sensation de liberté et, en même temps, j’avais le sentiment d’être protégée. L’usage de l’ayahuasca a été très bénéfique pour moi, mais je répète qu’il faut être prudent. L’acheter sur Internet ou à un chaman, c’est très dangereux. Ça peut rendre dingue, je me souviens de quelqu’un qui voyait Ramsès II! Ça booste l’ego aussi, ça peut jouer des mauvais tours.