Faut-il nationaliser les vétérinaires?

C’est le Canard enchaîné qui parle brièvement de cette vérité générale: les personnes les plus pauvres accordent une très grande importance aux animaux partageant leur vie, tendant à reconnaître leur existence individuelle en tant que telle.

Citons, dans le même esprit, Jérôme Salord, le patron de SantéVet, société ayant 100 000 clients:

« Un certain nombre de nos clients ont des revenus modestes et pour eux l’animal de compagnie a autant d’importance qu’un enfant. Le coût des frais vétérinaires, comme une opération à 1 000 euros, peut affecter de manière terrible le budget d’une famille modeste ».

« Plutôt des femmes urbaines d’une quarantaine d’années avec enfant(s), issues de catégories socioprofessionnelles inférieures, possédant pour les trois-quarts un chien. »

On a donc, très clairement, des entrepreneurs visant directement les personnes les plus pauvres. Officiellement la mutuelle est là pour rendre service, mais croire en un capitalisme sympathique revient à croire au père Noël.

Pareillement, on se doute bien que les vétérinaires, sont comme les médecins: ils ont le monopole de leurs activités et peuvent donc exercer une pression corporatiste massive, avec l’aide des grandes entreprises qui en profitent largement.

Les enfants de bonnes familles ne s’y trompent pas: ils se précipitent pour faire vétérinaire. De la même manière que ceux qui échouent en France en médecine vont faire leurs études en Roumanie – à Cluj tout est organisé spécialement pour eux – ceux qui échouent à devenir vétérinaire ici vont en Belgique.

Voici ce que raconte entre autres 7sur7.be:

Les facultés de médecine vétérinaire en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) tirent la sonnette d’alarme: le nombre d’étudiants qui ne cesse d’augmenter pose plusieurs problèmes. Elles demandent qu’un filtre à l’entrée soit instauré, notamment à l’égard des étudiants français.

Pour pallier le pic de diplômés rencontré dans les années 2000, un examen d’entrée avait été instauré en 2003-2004. Il avait ensuite été remplacé, dès 2006, par un système de régulation des étudiants non-résidents, toujours d’application aujourd’hui. Le nombre d’inscrits étrangers ne peut ainsi pas dépasser 30% des inscriptions globales.

Depuis, le nombre d’inscrits progresse d’environ 8% par an. 950 ont tenté leur chance pour l’année académique 2014-2015. Au même rythme, ils seront près de 1.500 en 2020. Pour l’ULg, l’ULB, l’UCL et l’UNamur, cette évolution pose problème. D’abord parce le nombre d’animaux disponibles pour permettre l’apprentissage des étudiants ne cesse de diminuer, que ce soit pour des consultations ou pour des autopsies.

« Lorsqu’on se retrouve à 20 autour d’un animal, il se sent cerné et il y a donc des choses qu’on ne peut plus faire », souligne Pascal Leroy, doyen de la faculté de médecine vétérinaire de l’ULg (la seule université à proposer un programme de master, ndlr). « De même, que faire quand on se retrouve dans une salle de 60 microscopes à 377 personnes, c’est-à-dire le nombre actuel d’inscrits en 1er master ? « 

Ce qui inquiète les vétérinaires belges est en fait surtout que l’Association Européenne des Etablissements d’Enseignement Vétérinaire fasse sauter la reconnaissance des facultés belges.

Tout cela montre en tout cas que les soins des animaux dépendent de plus en plus : des labos et des vétérinaires, ainsi que des mutuelles, dont la motivation fondamentale est l’argent.

En 2011, le Figaro constatait déjà que les dépenses vétérinaires avaient connu une hausse de 72% en dix ans: cela reflète tant un accroissement des soins que des bénéfices somptueux…

Voici d’ailleurs un « fait divers » assez parlant en soi:

Les faits se sont déroulés mardi ou mercredi. La clinique vétérinaire de la route de Strasbourg à Rillieux-la-Pape a été cambriolé par un ou plusieurs individus.
Les malfrats ont arraché les barreaux et brisé une vitre pour pénétrer dans l’enseigne. Et ils sont repartis avec des outils chirurgicaux et des produits anti-parasites destinés aux animaux. Le montant du préjudice reste à déterminer. Une enquête a été ouverte.

Il y a peu, il y a également eu une tentative de cambriolage dans un cabinet vétérinaire de Pont-de-Beauvoisin, dans l’Isère. En fait, les soins pour les animaux, c’est devenu un « business » comme un autre…

Et on se doute bien de ce que cela signifie : un non-accès aux soins pour les plus pauvres, une tendance à l’arnaque pure et simple de par la situation de monopole, une médecine à deux vitesses (voire bien pire)….

Sachant que plus de la moitié des ménages en France « ont » des « animaux de compagnie », la seule chose qui semble logique ici est de dire qu’il faut nationaliser les vétérinaires, organiser des hôpitaux publics pour les animaux, des centres de soins.

C’est d’ailleurs le seul moyen de passer d’une reconnaissance individuelle des animaux partageant notre vie à une reconnaissance générale, en tant que telle, par la société.