« Physiologiquement, cela ne marche pas »

Cette interview d’un docteur par Le Point est une anomalie. Trouver, en effet, un médecin qui en 2015 dit du végétalisme que « physiologiquement, cela ne marche pas », cela n’existe plus, même en France!

C’est donc un témoignage intéressant, un reflet du passé… Car il y a quelques années c’était bien sûr le grand leitmotiv: le végétalisme serait impossible, trop de carences, etc.

Aujourd’hui cependant une telle approche est devenue une caricature, et même les anti-végétaliens attaquent sur d’autres fronts (la morale, la culture, etc.).

Le terme « vegan » est d’ailleurs de plus en plus connu. Cela ne va pas sans contradictions: assumer le véganisme demande des exigences morales et culturelles en conflit avec les valeurs dominantes.

Sans doute que le médecin, écrivant régulièrement dans cet organe très conservateur qu’est Le Point, a voulu directement couper court à la problématique, plutôt que d’avoir une bombe à retardement…

Il lui est facile de faire « à la française » en disant qu’il ne faut pas être extrémiste, qu’il faut savoir raison garder, que rester mesuré est la source de la vérité et autres hypocrisies!

Cela lui évite d’avoir à rentrer dans une logique qu’il faudra stopper net quand les conséquences en seront saisies. Car parler de véganisme dans un monde qui l’est de moins en moins, cela peut permettre à court terme de prétendre être pour le changement, mais à moyen terme la contradiction est telle que…

« On a eu le régime hyperprotéiné, maintenant on a le vegan »

Le Point – Publié le 25/06/2015 à 06:10 – Modifié le 25/06/2015 à 07:09
Le mode de vie « vegan » est très en vogue, chez les people notamment. Mais n’est-il pas dangereux pour la santé ? Réponse avec le Dr Laurent Chevallier.

Propos recueillis par Sixtine Lys

Le régime vegan, terme entré dans la dernière édition du Larousse, est la combinaison d’une alimentation proche de celle du végétalien, qui exclut tout produit issu des animaux – y compris le miel et les produits laitiers –, et de modes de consommation liés à des convictions. Rendu célèbre par des people qui s’en réclament, comme Beyoncé, ce régime, suivi pour différentes raisons (santé, écologie, spiritualité), est l’objet de plus en plus de critiques. Premier chef d’accusation : les risques de carence. Si de grandes marques s’emparent déjà de ce marché, telles que Ben & Jerry’s qui travaille sur la création d’une crème glacée sans lait, il convient de s’assurer qu’un tel régime n’entraîne pas de dangers pour la santé. Le Dr Laurent Chevallier*, nutritionniste intervenant dans Le Point, répond aux questions sur le régime vegan.

Le Point.fr : Est-il possible d’avoir une alimentation équilibrée tout en suivant le régime vegan ?

Dr Laurent Chevallier : Les régimes « à la mode » sont souvent excessifs. On a eu le régime hyperprotéiné, maintenant on a le vegan. Mais physiologiquement, cela ne marche pas. Ces régimes fonctionnent sur des déséquilibres nutritionnels. L’organisme a besoin d’une diversité alimentaire. En revanche, le fait de manger moins avec une tendance végétarienne, c’est une bonne chose.

Le régime végétarien est plus conseillé que le veganisme ?

Un régime végétarien peut être tout à fait viable si, par ailleurs, il y a les combinaisons alimentaires suffisantes. La vitamine B12, par exemple, est absolument indispensable pour la fabrication des globules rouges et très rare dans le milieu végétal. Quand on est végétarien, les œufs et les produits laitiers suffisent. Pour les végétaliens, c’est beaucoup plus difficile. On peut en trouver en toutes petites quantités dans les algues ou le quinoa. On voit aussi des déficits en vitamine D qu’on trouve dans les poissons gras, le beurre ou grâce à l’exposition au soleil. Ce n’est pas spécifique aux végétaliens, mais ce régime accentue cette carence, qui favorise des pathologies telles que les insuffisances cardiaques. Enfin, il y a le déficit d’apport en fer. Le fer d’origine animale est plutôt bien assimilé, contrairement au fer d’origine végétale. Avec un régime végétalien strict, il y a un risque de grosses carences et de troubles de la nutrition. Je comprends le fait de manger moins de produits carnés, mais il faut faire attention à ne pas pousser à l’extrême. Physiologiquement, l’homme a besoin de ces éléments qu’il ne sait pas synthétiser, comme la vitamine B12. Pour ma part, je préconise à mes patients, cardiaques notamment, d’avoir une « tendance » végétarienne qui est un mode de vie plutôt sain.

Les Français mangent-ils trop de viande ?

Oui. La consommation de viande est un malentendu. Historiquement, on n’en a jamais beaucoup mangé. L’homme est un chasseur-cueilleur, mais un piètre chasseur, en comparaison avec les bêtes carnivores. Ses sources de protéines étaient d’une part les légumes secs et d’autre part les insectes. La viande a ensuite été un marqueur social, car la chasse était réservée aux nobles. Avoir accès à la viande était une preuve de richesse. Aujourd’hui, la consommation de viande est tout à fait excessive. Selon moi, 400 grammes de viande par semaine et une alimentation équilibrée doivent largement suffire pour couvrir les besoins en vitamine B12 et en fer.

Comment faire pour éviter les carences du régime vegan ?

En termes d’apports en protéines, ce n’est pas un problème. Les végétariens font des combinaisons entre légumes secs et céréales. En ce qui concerne les glucides, on en consomme déjà trop. Pour mieux assimiler le fer végétal, on peut prendre des vitamines C. Pour la vitamine B12, en revanche, c’est plus compliqué. Il faudrait prendre des algues, mais aucune étude ne prouve que la consommation d’algues arrive à suppléer au déficit d’apport en vitamine B12. Il faut également prendre un supplément en vitamine D.

Le vegan est un régime alimentaire mais aussi une philosophie de vie…

Concernant le mode de vie, je trouve que c’est une très bonne idée. On utilise beaucoup de graisses animales, on doit rajouter des produits chimiques pour que ça ne rancisse pas, et ce n’est pas sain. S’orienter vers des cosmétiques d’origine uniquement végétale est une bonne initiative. Attention cependant aux matières synthétiques dans les vêtements. Certaines matières chimiques ne sont pas forcément recommandables, comme les perturbateurs endocriniens.

Doit-on consulter un nutritionniste avant de se lancer dans un tel régime ?

Il faut surtout voir son médecin traitant, qui va faire des analyses et un bilan pour voir si c’est raisonnable ou pas.

*Médecin nutritionniste auteur de Moins de médicaments, plus de plantes (Fayard).