« Philae a disparu »

Nous avions parlé de l’opération de communication existant au sujet du chien du président de la république, depuis plusieurs présidences. 

Le Figaro a décidé de reprendre ce thème du « chien du président » dans une série d’articles à visée humoristique. Cette série a commencé hier et le problème de fond est que le thème est la disparition du chien.

La série s’appelle « Philae a disparu » et le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est de très mauvais goût. La disparition d’un compagnon est quelque chose de terrible à vivre, c’est un profond moment d’angoisse, qui ne cesse pas tant qu’on l’a trouvé.

Ici, on a un vécu dramatique qui est banalisé, transformé en fait divers, juste pour se moquer de François Hollande (c’est le but de la série d’articles d’être une sorte de divertissement estival).

Au-delà de cette dimension qui n’est guère étonnante et n’est qu’un exemple parmi tant d’autres malheureusement, il est très intéressant de voir comment le premier article accorde une place bien spécifique au chien en question. Voici quelques extraits, qui montrent bien comment Philae est présenté comme un objet vivant, une machine divertissante, une sorte d’être sans consistance ni intelligence.

« Il chercha du regard Philae, son labrador, qui à cette heure aimait parcourir la vaste pelouse avec, dans la gueule, ce qui fut autrefois une balle de tennis. La chienne la martyrisait avec ses crocs tout en guettant son maître, qui souvent la rejoignait. C’était alors une interminable partie qui voyait Philae partir ventre à terre à la poursuite de la balle que lançait le plus loin possible son prestigieux compagnon de jeu. Mais Philae n’était pas là. »

 

« Mais le chef de l’État lui avait raccroché au nez, puis, du pied, avait shooté si fort dans la balle de Philae que celle-ci avait mis dix bonnes minutes pour la retrouver. »

 

 « Jean-Pierre Jouyet apparut. Le secrétaire général de l’Élysée était blême, comme si on lui avait annoncé que deux avions détournés par l’État islamique venaient de pulvériser la tour Eiffel.

«François, dit-il, il faut que tu saches

«Que se passe-t-il, Jean-Pierre?», s’enquit en souriant François Hollande, nullement impressionné par la tête d’enterrement du secrétaire général de l’Élysée. «Attends! Laisse-moi deviner! Il y a eu 65.000 chômeurs de plus en juillet? Le grand califat a gagné 23.000 kilomètres carrés en Syrie ou en Irak? Les chars russes foncent sur Kiev? Aubry publie un brûlot sur moi? Les frondeurs font sécession? Jérôme Cahuzac a mis fin à ses jours?

– Non, François, murmura Jean-Pierre Jouyet, qui tourna son regard vers le parc de l’Élysée.

– Eh bien, dis-moi!, lança le chef de l’État, gagné par l’impatience.

– François, voilà. Philae a disparu.» »

On remarquera que l’annonce de la disparition est présentée de manière typiquement cynique, l’intensité dramatique de la disparition étant moquée, relativisée, etc.

C’est lamentable, mais donc il faut voir que cela va aussi avec le statut de Philae, qui ne sert que de « figuration ». Et il ne s’agit pas que de la conception de « l’animal machine » dont il est question. C’est toute une idéologie où on a désormais le « chien du président ». Il y a là quelque chose de profondément réactionnaire, d’ultra-conservateur.

C’est pratiquement l’idéologie du notable de province qui est ici mis en avant, avec une sorte de patriarche dans l’esprit des chasseurs. C’est un simple détail, pourrait-on penser, mais dans le contexte actuel en France, c’est lourd de signification.

Les zadistes qui élèvent « leurs » poules, le président qui a « son » chien… Comment s’étonner que le véganisme a du mal à prendre en France quand on voit cette tendance « terroir » qui prédomine?