Marée noire de l’Animas: la catastrophe des mines désaffectées

C’est une catastrophe terrible que connaît l’Animas, un affluent du fleuve Colorado aux Etats-Unis : au moins 11 millions de litres d’eau polluée y ont été déversées depuis une mine désaffectée!

Pour comprendre pourquoi, il faut étudier l’histoire, ce que les médias n’ont bien sûr pas fait, pressés de ranger cela dans la case « fait divers »…

Car des mines fermées potentiellement dangereuses aux Etats-Unis, il y en a… 557650, disposées dans 32 Etats américains, avec environ 50 milliards de tonnes de résidus miniers toxiques!

Regardons ici en détail ce qui s’est passé. En fait, on a Cement Creek, petit affluent de l’Animas, qui fait 203 kilomètres et est le principal affluent du San Juan, qui fait 616 kilomètres et lui-même se jette dans le Colorado, qui lui parcourt 2330 kilomètres, en partant du parc national des Montagnes Rocheuses.

Le fleuve Colorado est au coeur d’une bataille pour l’eau terrible entre sept États américains, alors que 700 familles descendants de pionniers sont de grands propriétaires terriens qui pompent l’eau pour l’utiliser en plein désert pour une agriculture utilisant celle-ci de manière massive (la betterave à sucre ou la luzerne qui a pas moins de douze récoltes par an).

On est ici en effet en plein dans l’histoire, avec la conquête de l’ouest.

Tout part de là et il faut pour cela aller dans le Colorado, dans la toute petit ville de Silverton, fondée en 1874 et dont voici une photographie en 1901. A son apogée, en 1910, il y avait 2000 personnes y vivant, alors qu’il n’en y a plus que quelques centaines désormais.

Pour saisir la dimension culturelle, voici une chanson country de C.W. McCall, « Silverton », datant de 1975 et racontant le train de Silverton, passant non loin du canyon de l’Animas.

Si un train passait par là, c’est en raison de la « Gold King Mine » un secteur de mines d’or typique de la conquête de l’ouest. Elle a connu sa gloire, puis a été abandonnée, comme… 22 000 autres mines du Colorado. Parfois, une petite ville pouvait être abandonnée également, comme Howardsville se situant juste à côté.

Mais les résidus miniers et la pollution massive sont restés. Et dans une des mines, fermée en 1923, il y avait un bassin et une digue pour bloquer la fuite d’eau polluée continuant de se déverser, au rythme de 1900 litres par minute, principalement depuis les mines Red et Bonita.

Le problème est que les agents chargés de la protection de l’environnement, le 5 août 2015, ont raté leur réfection faite au moyen de machines puissantes, car il fallait également bloquer d’autres zones pour ne pas que l’eau se déverse par ailleurs.

Il espéraient tout d’abord pomper l’eau du bassin pour fermer la mine et condamner le passage de l’eau polluée, pour éviter ce qui, justement, arriva alors. Un rempart de la mine a cédé, la digue a lâché, donnant libre cours à un mélange d’arsenic, de cuivre, de zinc, de fer, de cadmium, d’aluminium, se déversant dans la Cement Creek, puis l’Animas, le San Juan et le Colorado…

La triste « blague » a été que le département de la santé et de l’environnement du Colorado a affirmé qu’il n’y a pas de risque pour la vie marine, car… il n’y en a pas. Tout est tellement pollué que c’est la mort qui règne, tant pour la végétation que les êtres vivants dans l’eau. L’Animas a été déclarée morte dès les années 1950 ! Pourtant, trente ans après, des truites sont réapparues, la vie triomphe toujours. Mais avec quelles difficultés…

Le Cement Creek, quant à lui, avait vu son eau déclarée être imbuvable en… 1876 ! Avant même que les mines se généralisent !

Dans les années 1990, des zones de l’Animas devaient passer en « superfund », c’est-à-dire officiellement en zones ultra-polluées de manière dangereuse et devant être nettoyées avec de grands moyens, mais il y a peu d’habitants dans la région, peu de moyens, donc ce ne fut pas prioritaire…

D’autant plus que nombre de gens craignaient que le passage en superfund n’empêche le tourisme, alors que la dernière mine du coin a fermé en 1991, amenant l’effondrement de la vie économique du comté.

L’entreprise Sunnyside Gold Corp. proposa également des millions de dollars pour qu’on ne passe pas en « superfund », avec l’idée d’une éventuelle réouverture des mines… pour finalement revendre la mine où a eu lieu la catastrophe à Gold King.

Tout s’est amélioré dans les mines fermées de Sunnyside Gold Corp., mais pas pour celle de Gold King qui a récupéré les eaux dont le passage était bloqué dans les autres mines fermées… Un accord fut alors effectué pour résorber le problème : le non-passage en « superfund » en l’échange de l’opération ayant justement échoué le 5 août…

Ici, on a une petite carte des zones « superfund » en 2008, montrant le degré d’urgence.

La pollution de Cement Creek et de l’Animas est une catastrophe aussi pour la population humaine utilisant cette eau, et n’ayant plus pu le faire, devant être ravitaillée en catastrophe. La ville de Durango, environ 16000 habitants, a notamment été durement touchée par la pollution.

Il ne faut pas croire que ce qui s’est passé restera isolé, malheureusement. Des problèmes à la « Gold King Mine », il y en a eu déjà dans les années 1970, avec en 1975 un bassin de retenue des eaux polluées qui a lâché, avec 50 000 tonnes de boues toxiques déversées dans l’eau, ainsi qu’un effondrement en raison des travaux de Sunnyside Gold Corp. proche du lac Emma, amenant l’inondation de la mine, avec un million de tonnes de boue dévalant pareillement dans l’eau.

Aucun hasard, donc, mais l’anthropocentrisme pur et simple, la négation de la planète comme abri de la vie. Et c’est avec une amertume certaine qu’on peut voir ce ballon posé sur l’Animas, les boues toxiques une fois passées, avec inscrit « get well soon », « remets toi vite ».

Car il faudra des années, des décennies pour que la vie reprenne ses droits… si l’humanité n’intervient pas une nouvelle fois encore dans le mauvais sens, par vue à court terme imposé par la course au profit et la négation de notre mère la Terre!