L’Observatoire français des drogues et toxicomanie vient de rendre public un rapport sur le « coût social » de l’alcool, du tabac et des drogues. En voici des extraits pertinents.
Le « coût social » de l’alcool et celui du tabac sont presque identiques, 120 milliards d’euros, suivi par les drogues illicites (8,7 milliards d’euros). Le coût social engendré par le tabac peut être rapproché des 13,4 millions de fumeurs et le coût social de l’alcool des 3,8 millions « d’usagers à risques d’alcool ».
Les drogues illicites engendrent un faible « coût social » total, en comparaison de l’alcool et du tabac, parce qu’elles sont moins consommées.
Le « coût externe » représente l’essentiel du « coût social » pour l’alcool, le tabac et les drogues illicites (respectivement 95,1 %, 85,2 % et 67,6 %).
L’importance de cette composante s’explique par le nombre très important de vies perdues (respectivement 49 051, 78 966, 1 605) et par la valeur de l’année de vie perdue (115 000 euros) qu’il est recommandé d’utiliser en France dans les calculs socio-économiques.
Le « coût externe » de l’alcool est 11 % plus élevé que celui du tabac bien que le nombre des décès par le tabac soit plus important que ceux engendrés par l’alcool. Cette différence s’explique par un âge moyen au décès plus précoce pour l’alcool que pour le tabac (63 ans vs 71 ans) et par le fait que de nombreux décès accidentels engendrés par l’alcool interviennent précocement.
Le « coût des drogues pour les finances publiques » est élevé (1,1% du PIB). Chaque année, l’État doit payer respectivement pour l’alcool, le tabac et les drogues illicites, 4,9 milliards, 14 milliards et 2,4 milliards d’euros.
Ainsi, 33 % du déficit budgétaire français serait constitué par le poids négatif des drogues sur les finances publiques.
Les recettes de taxation sont inférieures au « coût des soins » (respectivement 8,5 et 25,9 milliards d’euros). La taxation sur les alcools ne représente que 37 % du coût des soins des maladies engendrées par l’alcool tandis que les taxes sur le tabac sont également insuffisantes à couvrir le coût des soins engendrés par ce dernier et représentent 40 % des recettes de taxation. (…)
Kopp et Fenoglio (2006) estimaient le coût social de l’alcool à 37 milliards d’euros, celui du tabac à 47 milliards d’euros et celui des drogues illicites à 3 milliards d’euros. Le présent rapport conduit à des chiffres bien plus élevés. Le « coût social » de l’alcool et celui du tabac atteignent 120 milliards d’euros suivi par les drogues illicites (8,7 milliards d’euros). La présente étude conduit à des coûts sociaux par catégories de drogues approximativement trois fois plus élevés que l’étude précédente.
L’explication de cette envolée du coût social des drogues n’est pas la conséquence d’une augmentation de consommation et d’une politique publique inefficace. Cette multiplication est le résultat à la fois d’une amélioration des connaissances épidémiologiques et d’un changement dans la méthodologie du calcul économique public adopté officiellement par les pouvoirs publics.
L’étude de 2006 était basée sur l’hypothèse que 42 000 personnes décédaient prématurément du tabac et 44 000 de l’alcool chaque année et 547 des drogues illicites, au milieu des années quatre-vingt-dix. L’appareil statistique s’est amélioré et la présente étude est basée sur les hypothèses de 49 051 décès pour l’alcool, soit 11 % d’augmentation et 78 966 décès pour le tabac, soit une augmentation de 89 %.
Pour la croissance du nombre de décès engendrés par le tabac, on peut penser qu’une partie s’explique par l’augmentation du nombre de décès par cancers chez les femmes mais que l’essentiel résulte d’une meilleure prise en compte des causes de décès et notamment des décès pour les maladies cardiovasculaires et les cancers engendrés par le tabac.
La valeur de la vie humaine utilisée en 2006 était calculée à partir du revenu disponible brut des ménages (RDB) actualisé, ce qui était cohérent avec la valeur de la vie de 1,5 million d’euros alors recommandée par le rapport Boiteux (2001). Quinet (2013) préconise désormais une valeur de 3 millions d’euros ce qui multiplie par deux la valeur de chaque vie perdue.
Les calculs de 2006 furent réalisés avec un taux d’actualisation de 6 % (Boiteux 2001) et ceux de la présente étude avec un taux de 4 % (Quinet, 2013), ce qui augmente encore le poids des conséquences futures des décès présents.
L’étude de 2006 ne prenait pas en compte la perte de qualité de vie, contrairement à la présente étude. En conséquence, l’augmentation spectaculaire du « coût social » des drogues entre 2006 et 2010 s’explique par l’amélioration de nos connaissances épidémiologiques et par les modifications des paramètres de calculs et non par un changement négatif majeur du paysage des drogues en France.