La « pig parade »

On se souvient de cette ancienne image qu’on avait des artistes, tourmentés, engagés, tournés vers des idéaux inaccessibles, prêts à tous les sacrifices pour leur art, faisant face au conformisme et au goût pour la richesse et sa superficialité…

Fini tout cela, place à l’art contemporain. Voici en l’occurrence quelques exemples de quinze « cochons » en béton de 800 kilos.

Ces « oeuvres artistiques » sont le fruit d’un partenariat entre un « artiste » et un « éleveur », le tout en Bretagne et en mode « bonnet rouge ». Voici quelques explications donnés par les artistes pour expliquer leur « cochon »:

« Conçu et fabriqué en Côtes d’Armor, financé par une Bigoudène et peint par un Léonard ! Marcel milite pour l’amitié entre les ethnies bretonnes ! »

« Son aspect, inspiré de la mode des années 60, fait référence à la révolution agricole. La France était nourrie, mais l’animal a disparu sous cette nouvelle peau qu’est le film plastique de nos barquettes, de notre jambon emballé. Ô mangeurs de barquettes que nous sommes, redécouvrons l’animal qui donne beaucoup, présent dans notre histoire, dans nos fêtes, dans nos croyances. »

« D’une rareté et d’un éclat extraordinaire, le diamant noir est l’une des pierres les plus précieuses. Afin de mettre à l’honneur le cochon qui nous a été confié, nous avons pris le parti de le travailler comme ce diamant, à la fois rare et précieux. Rare dans la démarche, car celle-ci est unique dans le cadre du travail des éleveurs bretons. Précieux, car leur métier, comme leurs cochons, sont tellement communs pour tous et pourtant si précieux. De ce constat, nous avons souhaité sublimer cette sculpture en la transformant en un diamant noir des plus uniques, un diamant de 178 carats. »

« A travers la dichotomie du noir et blanc, éclot un paradigme de la non-couleur, révélant une vision conjoncturelle apte à épanouir une déhiscence intrinsèque liée à la confrontation du noir et du blanc en un ensemble présupposé mais finalement avéré. Une conception du monde, une manière de Weltanschaung. »

« Attention, attention! Le goinfre est dans les parages ! Il a été vu pour la dernière fois en bretagne.
Vous habitez la région et vous avez un cochon, cachez-le!
Cet homme rouge à grandes dents gobe les cochons roses comme un bonbon.
Si vous le rencontrez, appelez nous. Si vous êtes habillés de rose…fuyez! »

Ces « cochons » ont été exposés dans plusieurs villes (avec espaces grillades etc.) jusqu’à il y a quelques jours se clôturant par une vente aux enchères (ayant rapporté à peu près 100 000 euros, dont 25 000 devaient terminer aux restos du coeur mais il y a un souci d’organisation).

Voici l’affiche et l’explication officielles de l’initiative de promotion de ce secteur de l’exploitation animale.


C’est un exemple typique de logique identitaire – terroir – exploitation animale. La dimension « bretonne » est sans cesse réaffirmée, histoire de prendre les gens en otages, de les mobiliser en faveur des « éleveurs ».

Voici également les « soutiens » de cette initiative des « éleveurs » (le conseil régional a par exemple allongé 30 000 euros, Quimper Communauté 10 000 euros).

C’est là une sacrée opération de communication, avec un poids identitaire évident et qui en dit long. Notons qu’il y a une opposition de divers associations, au nom de la pollution provoquée par l’élevage industriel (notamment les fameuses algues vertes), avec la mise en valeur d’une consommation « responsable », le refus de la « maltraitance »…

C’est-à-dire que c’est une critique qui reste absolument interne à ce qui est dénoncé. Voici d’ailleurs une affiche d’une initiative faite par ces gens qui prétendent « défendre » les cochons… On y retrouve une insulte aux cochons comme caricature de capitaliste, l’apologie de la « charcuterie bio »…

Gros capitalistes bretons contre petits capitalistes bretons se battent pour leur manière d’exploiter les animaux… Les deux sont inacceptables et en contradiction avec l’esprit universaliste, sans oublier que c’est une insulte à la culture en Bretagne que de la résumer à ce style de vie en mode « bonnet rouge ».