Le pauvre taureau de l’Opéra Bastille à Paris

L’humanité peut prétendre être sortie de la Nature, mais inévitablement elle se sent mal à l’aise même à travers ses mensonges. Pour cette raison, il y a des « jeux » autour des animaux, des intégrations plus ou moins farfelues, pour « réintégrer » la Nature.

On se souvient de la marque pour enfants Bonpoint qui avait fait lors d’une soirée événement une « roue de la fortune » où l’on pouvait « gagner » des rongeurs, alors qu’étaient présents une jeune panthère, un chimpanzé, une otarie…

Lamentable ! Et pour fournir les animaux, c’est un vrai business, notamment avec l’agence Jacana, qui propose pas moins de… 2000 animaux pour les films, les événements, etc.

Cette agence a été montée par la même personne ayant servi de « dresseur » pour le film « L’ours », alors que la pauvre ourse Kiwi justement, qui y a été filmée et qui a désormais 27 ans, se retrouve dans des conditions qu’on imagine au zoo de Fort-Mardyck à Dunkerque, ainsi que son compagnon Dominique, qui a 18 ans…

C’est indigne, typique de l’esprit business. Remarquons au passage que parmi les nombreux clients de cette agence, comme Dior, Air France, Kiabi, Meule d’or, etc., on trouve… Sojasun. Si jamais d’aucuns avaient encore des illusions sur l’éthique du bio…

Est-ce que le taureau « Easy Rider » vient de cette agence? Il y a de bonnes chances, puisqu’il vient de Sologne, base de l’agence. Ce taureau est en ce moment placé pendant deux fois quinze minutes dans une cage de plexiglas lors d’un opéra à Paris, une peinture noire étant déversée sur lui dans une scène d’orgie.

Un être vivant réduit au statut d’objet… Dans une logique malsaine, par des esprits ennemis de la Nature…

Une musique « moderne » anti-classique (celle de Schoenberg), une femme nue, un taureau badigeonné… C’est tout un esprit « moderne » que cet opéra ! Le prix est là d’ailleurs : on sait que le prix de la présence du taureau est de 5 000€ par représentation, soit au total 40 000€.

Ce n’est pas la crise pour tout le monde : les riches veulent du spectaculaire! Jusqu’à l’irrationnel le plus complet : on a même fait écouter au taureau l’opéra en question, Moses und Aron, d’Arnold Schoenberg, deux heures par jour pendant six mois….

L’Ecole vétérinaire de Maisons-Alfort participe à cette infamie en hébergeant le taureau entre les représentations.

Infamie qui ne choque pas les partisans de l’opéra, chose logique puisque l’opéra désormais relève d’un esprit « moderne » ouvertement décadent, d’esprit bobo, pseudo créatif et faisant du délirant une marque de fabrique esthétique.

Ce commentaire sur un forum dédié à l’opéra est significatif :

J’avoue être très surprise par cette véritable campagne en défense d’Easy Rider, alors qu’il y a très souvent des animaux vivants sur les scènes d’opéra : deux chevaux au TCE pour Macbeth l’an dernier, un chien pour l’Elixir d’amour en ce moment, un cheval et un chien à Strasbourg pour Pénélope et dans l’histoire de l’opéra, il y en a eu beaucoup d’autres sortes. Pourquoi maintenant soudain ? Un taureau aurait-il des droits particuliers ? Je confirme ce que dit Marie-Laure, il est très bien traité, n’a pas l’air stressé, et n’est pas plus mal que dans son étable. Et beaucoup mieux qu’à l’abattoir où hélas, il finira probablement comme ses congénères.

Quel esprit pervers que d’opposer une horreur à une autre, en affirmant que l’une est moins terrible que l’autre… Une sale mentalité, qui participe à l’injustice dans notre monde, en relativisant.

Ces gens sont tellement décadents qu’ils ne s’aperçoivent même pas d’ailleurs que le taureau est utilisé comme une chose, dans la négation absolue de la Nature. On est dans un esprit aliéné et consumériste qui cherche du « créatif », du divertissant en mode « spirituel ».

Télérama, organe bobo et « moderne » par excellence, comprend de son côté bien qu’il y a un souci, mais ne trouve pas lequel…

Evoqué avec une surprenante retenue (on pourrait même parler d’ascèse) par Romeo Castellucci, le culte orgiaque du Veau d’or n’en crée pas moins des images extrêmement fortes, comme ce baptême à l’envers que s’infligent les idolâtres, passant du blanc au noir dans un processus qui suggère autant la souillure que le retour au négatif et le renoncement à la révélation, au sens photographique des deux termes.

Seul point d’interrogation : l’utilité réelle de ce malheureux taureau vivant, amené sur le plateau où il se fait, lui aussi, recouvrir d’un liquide noir. Encore a-t-il le bon goût de rester stoïque, si bien qu’on finit par l’oublier.

Les très bourgeois « Les Echos » ne font pas tant de « sensiblerie » :

Le metteur en scène italien Romeo Castellucci s’est naturellement bien gardé de toute illustration qui limiterait la portée du message spirituel, préférant l’épure. Il ne refuse toutefois pas les danses, ni l’adoration du Veau d’or : il a ainsi convoqué un impressionnant taureau qui, paraît-il, écoute du Schönberg depuis des mois, ce qui explique sans doute son apparente docilité.

Cela dit, l’animal n’ajoute rien à un spectacle voué à conserver sa part de mystère, qui marque par sa beauté stylisée, ses images fortes comme des rituels et sa dialectique du noir et du blanc, reflet du conflit moral et des difficultés à dire et à montrer. Le liquide noir qui se répand sur les chanteurs évoque immanquablement l’encre, l’encre des Ecritures, qui tente de saisir l’insaisissable. Vertigineux.

Vertigineux, c’est le mot : on a le vertige devant tellement de rejet de la Nature. On ne sera d’ailleurs étonné que ces derniers jours, l’Opéra Garnier a fait sauter de multiples cloisons dans les loges, juste pour gagner trente places et autant de bénéfices. Tout se vend, tout s’achète…