Premier jour de la COP 21

Voici un compte-rendu de cette première journée officielle de la COP 21, même si en réalité les négociations ont commencé hier déjà. Il était cependant évident que la présence de 150 chefs d’État à Paris devait « marquer le coup » pour l’ouverture.

Naturellement, ils ont eu droit à des plats « français », strictement rien de végétalien comme il se doit (Soupe de navet aux coquilles Saint-Jacques, suprême de volaille, risotto aux herbes fraîches, confit de céleri farci, reblochon bio et Paris-Brest, champagne).


François Hollande, en tant que président du pays hôte, a tenu un discours, où il a complètement craqué, difficile de dire autre chose. Déjà que le fait de passer à « seulement » 2°C de plus d’ici 2100 est pratiquement infaisable, voilà qu’il parle de 1,5°C !

C’est totalement démagogique et cela ne sert qu’à valoriser la France comme une sorte de pays neutre, d’impérialisme sympathique, qui pourrait servir de force centrale de la lutte contre le réchauffement climatique.

En passant, cela sert à aider les entreprises françaises qui ont mis le paquet pour se positionner sur le marché du capitalisme vert (pour autant qu’une telle chose puisse exister)… Et à faire croire aux gens que, du côté français, tout aurait été fait. Les Américains, les Chinois, les Indiens seront désignés comme coupables…

Alors qu’en réalité, si un pays y va à fond, il servira d’exemple aux autres peuples du monde. Encore faut-il pour cela croire dans le peuple, la démocratie, et non pas dans les entreprises et le business « vert »…

Voici des extraits significatifs de François Hollande :

« C’est un jour historique que nous vivons. La France accueille 150 chefs d’Etat et de gouvernement, des milliers de délégués venus de tous les continents. Jamais une conférence n’avait accueilli autant d’autorités venues d’autant de pays. Jamais, je dis bien jamais, l’enjeu d’une réunion internationale n’avait été aussi élevé, car il s’agit de l’avenir de la  planète, de l’avenir de la vie.

Et pourtant il y a 2 semaines, ici même à Paris, c’est la mort que semait un groupe de fanatiques dans les rues. Je veux ici vous exprimer la reconnaissance du peuple français pour toutes les marques de soutien, tous les messages, tous les signes d’amitié que nous avons reçus depuis le 13 novembre.
Ces événements tragiques nous affligent, mais en même temps nous obligent.

Ils nous forcent à nous concentrer sur l’essentiel. Votre présence soulève un immense espoir que nous n’avons pas le droit de décevoir, car ce sont des peuples et des milliards d’êtres humains qui ont le regard porté sur nous.
Je n’oppose pas la lutte contre le terrorisme à la lutte contre le réchauffement climatique. Ce sont deux grands défis mondiaux que nous devons relever, parce que nous devons laisser à nos enfants davantage qu’un monde libéré de la terreur. Nous leur devons une planète préservée des catastrophes, une planète viable.

L’année que nous venons de vivre a été l’année de tous les records : record de températures, record de concentration de CO2, record du nombre d’événements climatiques extrêmes : sècheresse [sic], inondations, cyclones, fonte des glaces, hausse du niveau de la mer, acidification des océans. Les victimes de ces phénomènes se comptent par millions et les dommages matériels par milliards. Aucun pays, aucune région n’est à l’abri des effets du dérèglement climatique.

Comment accepter que ce soient les pays les plus pauvres, ceux qui émettent le moins de gaz à effet de serre, ceux qui sont les plus vulnérables qui soient encore davantage touchés.

C’est au nom de la justice climatique que je m’exprime aujourd’hui devant vous. C’est au nom de la justice climatique que nous devons agir. Prenons conscience de la gravité de la menace sur les équilibres du monde. Le réchauffement annonce des conflits comme la nuée porte l’orage, il provoque des migrations qui jettent sur les routes plus de réfugiés que n’en génèrent les guerres.

Des Etats risquent de ne plus pouvoir satisfaire les besoins vitaux de leur population avec des risques de famine, d’exode rural ou d’affrontements pour accéder à ce bien de plus en plus rare qui s’appelle l’eau. (…)

190 Etats, c’est-à-dire la quasi-totalité des pays de la planète ont formulé des plans d’action pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et s’adapter au dérèglement climatique. Et tous les acteurs de la société mondiale, les collectivités locales, les entreprises, les investisseurs, les citoyens de toutes les grandes régions se sont également engagés pour le climat.

A cette prise de conscience, à cette mobilisation s’ajoutent les progrès fulgurants réalisés dans les énergies propres et renouvelables, qui ouvrent la perspective d’une économie non carbonée. (…)
Il y a 3 conditions pour que nous puissions dire que de Paris sera ou ne sera pas un succès.

La première condition, c’est que nous devons définir, dessiner, une trajectoire crédible permettant de contenir le réchauffement climatique en dessous des 2°C ou même dès 1,5°C si c’est possible.

Il faudra, pour que nous soyons sûrs d’être sur cette trajectoire, prévoir une évaluation régulière de nos progrès au regard des conclusions de la science et, donc, mettre en place un mécanisme de révision à la  hauteur de nos engagements avec des rendez-vous tous les 5 ans.

La deuxième condition, c’est que nous apportions au défi climatique une réponse solidaire. Aucun Etat ne doit pouvoir se soustraire à ses engagements, même si un mécanisme de différenciation pourra prendre en compte les niveaux de développement et les situations. Aucun territoire ne doit être laissé seul face au dérèglement climatique et, notamment, les pays les plus vulnérables.

Je pense à ces îles qui peuvent à brève échéance purement et simplement disparaître. Je veux ici être leur porte-parole, parce que c’est la biodiversité et la diversité même de la planète qui sont en cause.
Tirons-en les conclusions, l’accord doit être universel, différencié et contraignant. Les pays développés doivent assumer leur responsabilité historique, ce sont eux qui ont émis pendant des années le plus de gaz à effet de serre.

Les pays émergents doivent accélérer leur transition énergétique, les pays en développement doivent être accompagnés dans leur adaptation aux impacts climatiques. D’où la nécessité de dégager les financements pour faciliter les transferts de technologie.

Nous avions fixé – c’était à Copenhague – l’objectif des 100 milliards, aujourd’hui ce n’est pas un objectif que nous devons fixer, ce sont des ressources que nous devons dégager avec des garanties sur leur origine et sur leur accessibilité.

Enfin la troisième condition pour qu’il y ait un accord à Paris, c’est que toutes nos sociétés dans leur grande pluralité, diversité se mettent en mouvement. L’ensemble des dirigeants locaux, des investisseurs, des acteurs économiques et sociaux, des citoyens et même des grandes consciences, des religions, tous ceux qui contribuent à ce qui façonne l’esprit public mondial, tout ce mouvement doit comprendre que la donne a changé. Là est la clé pour relever le défi climatique.

Je veux rendre hommage à cet instant à tous les pionniers de la cause écologique, à tous les précurseurs qu’il n’y a pas si longtemps devaient affronter l’incrédibilité [sic, l’incrédulité en fait] ou le dédain pour leurs alertes et leurs propositions.

En quelques années, les esprits ont profondément évolué, les entreprises et les acteurs financiers hier réticents sont désormais prêts à s’engager et à modifier leur comportement.

Faut-il encore leur envoyer les signaux indispensables ? C’est l’enjeu de l’introduction progressive du prix du carbone pour que les émissions de gaz à effet de serre aient un coût qui corresponde aux dommages infligés à la planète ; et pour que les choix d’investissement soient peu à peu modifiés, afin que toutes les technologies puissent être accessibles à tous.

Mesdames et messieurs les chefs d’Etat et de gouvernement, pour résoudre la crise climatique, je vous le dis franchement : les bons sentiments, les déclarations d’intention ne suffiront pas, nous sommes au bord d’un point de rupture. Paris doit être le départ d’une profonde mutation, nous ne pouvons plus considérer la nature comme un vulgaire et inépuisable réservoir de ressources destiné à notre seul et plein accomplissement.

Cette transformation est à la fois une obligation morale et une opportunité mondiale, parce qu’elle nous ouvre des possibilités de développement avec des énergies renouvelables, des modes de transport propres, le recyclage des déchets, l’agro-écologie, la préservation de la biodiversité, l’accès de tous aux biens publics mondiaux.

Ainsi, en rendant l’électricité accessible à tous et notamment en Afrique, c’est plus que la lumière qui sera apportée, c’est la connaissance, c’est l’éducation, c’est le développement. Nous sommes en ce 1er jour de la Conférence au pied du mur, ce mur est fait de l’addition de nos égoïsmes, de nos appréhensions, de nos résignations. Ce mur, est construit sur l’indifférence, l’insouciance, l’impuissance. Ce mur, n’est pas infranchissable. Tout dépend de nous.

Mesdames et messieurs les chefs d’Etat et de gouvernement, sur vos épaules repose l’espoir de toute l’humanité. (…)

Notre plus grand défi, c’est de passer d’une mondialisation fondée sur la compétition à un modèle basé sur la coopération, où il sera plus rentable de protéger que de détruire. Nous devons penser la planète comme un espace unique, établir un pacte d’équité entre le Nord et le Sud et un partenariat entre l’homme et la nature.

C’est pourquoi nous sommes réunis, nous les dirigeants de la planète, c’est pourquoi Paris est un rendez-vous exceptionnel. Nous allons décider en quelques jours pour quelques décennies. Le plus grand danger n’est pas que notre but soit trop élevé et que nous le manquions. Le plus grand danger, c’est qu’il soit trop bas et que nous l’atteignions.

Alors plaçons-nous au plus haut niveau pour qu’au moins, nous puissions approcher cette ambition, car il s’agit de décider ici à Paris de l’avenir même de la planète. »