COP 21 : le sixième jour

C’est donc, pour reprendre l’expression des médias, un « brouillon » qui a été remis à midi hier samedi, comme base de discussion pour un accord sur le climat. Or, le document ne devait justement pas être tant une base pour négocier, qu’un document à vérifier et à signer…

Il va donc y avoir une semaine de négociations très rudes, s’appuyant sur la base suivante : le document fait 48 pages, avec 20 pages de présentation, 21 de décisions, 5 de notes d’informations.

L’un des problèmes est le suivant : il y a  939 phrases entre crochets, à sélectionner ou enlever, ce qui fait beaucoup de choses à discuter en une semaine, à partir de lundi.

Toutefois, ce n’est qu’un aspect, un autre devant être mentionné. Il y a en effet certains passages qui sont ambigus. On a par exemple l’expression :

sustainable development in harmony with nature

En Français, cela donne :

« développement durable en harmonie avec la nature »

Sauf que le problème, bien sûr, est qu’il n’y a pas de définition du « développement durable ». A la limite on peut deviner de quoi il s’agit, mais qu’en est-il de la Nature? Quelle est sa définition? Quels sont les critères?

On voit l’ampleur du problème, de notre point de vue, quand on sait que ce terme ne revient d’ailleurs qu’une seule fois dans tout le document !

N’est-ce pas un terrible symbole de l’impuissance intellectuelle à comprendre notre planète ? Peut-on aborder la question du changement climatique sans parler de l’évolution de la Nature, de la protection de la vie?

Notons d’ailleurs que, évidemment, le mot « animal » ne revient pas une seule fois. On sait déjà à quoi s’en tenir.

Par contre, on a une expression très particulière, qui nous est chère, qui apparaît. A un moment il est parlé de promouvoir les droits au développement, à l’égalité entre hommes et femmes, mais également… « l’intégrité des écosystèmes et de la Terre-Mère » (« the integrity of ecosystems and of Mother Earth »).

Là, on a quelque chose d’encore plus problématique. On se doute bien qu’il n’y a pas de définition de la part de la COP 21 de la notion de « Terre-Mère ».

C’est de la rhétorique, du folklore, et d’ailleurs on a pu régulièrement voir à la COP 21 des gens habillés en tenues d’aborigènes, pour donner une impression de « respect » de la Terre à ce qui est une réunion de gens qui n’ont en tête que le maintien de leurs intérêts. C’est clairement par là qu’il faut chercher l’emploi de cette expression.

Car il est évident que le concept de « Terre-Mère » (et le mot d’ordre « la Terre d’abord ! » d’ailleurs) a une signification absolument opposée à la « gestion des ressources selon le développement durable » comme le veut la COP 21.

C’est à ce genre de détails qu’on voit qu’on rentre dans une ère nouvelle, et que la reconnaissance de Gaïa, et la bataille pour elle, vont être la prochaine grande ligne de démarcation.

Du côté des crochets, où les choix restent à faire, les négociateurs devront discuter pour savoir s’ils visent seulement 1,5°C ou bien « bien en-dessous de 2°C ». De ce côté là, cela semble franchement irréaliste.

Voici un autre exemple, plus compliqué, de ce qui est très problématique :

[Recognizing that Parties should take action to address climate change in accordance with evolving economic and emission trends, which will continue to evolve post-2020,]

Cela signifie que les parties signataires doivent agir par rapport au changement climatique en accord avec les tendances économiques et d’émission de CO2 qui évoluent, et continuant à évoluer à partir de 2020.

Or, c’est lourd de conséquences. Si on doit adapter les décisions selon les évolutions – qui ne sont pas définies – n’importe qui peut demander une remise en cause, à n’importe quel moment.

N’importe qui peut dire : nous avons dit qu’il faut agir selon les évolutions économiques, or mon pays a une crise économique, donc je ne dois plus faire ceci ou cela. Un autre peut dire : il y a une amélioration, on peut ralentir les efforts, etc. etc.

Peut-être est-ce fait exprès, pour garder une porte de sortie. Plus simplement, il faut y voir une impossibilité à assumer la question écologiste, la question de la Nature, la question de l’anthropocentrisme.

La COP 21 annonce son échec : elle est une gestion bureaucratique, sur une base totalement dépassée, d’un problème qui exige une refonte totale de notre manière de voir la vie.