La COP 21, le changement climatique et les changements climatiques

Cela peut sembler une anecdote, mais ce n’en est pas du tout une. Les conséquences sont mêmes énormes sur le plan intellectuel et scientifique. Au sens strict, on peut même considérer que l’accord de la COP 21 n’a aucune valeur rien qu’avec cela !

On ne peut qu’être très surpris d’ailleurs que cela n’a pas été remarqué, tellement c’est important. Mais il est vrai que si on ne reconnaît pas la planète comme « Gaïa », comme un ensemble, on ne peut vraiment le remarquer.

De quoi s’agit-il ? En fait, le document français parle des changements climatiques, le document anglais du changement climatique. Dans un cas cela désigne par conséquent les événements relevant de modifications du climat, dans l’autre cela désigne un phénomène général et unique, avec plusieurs aspects qui en découlent.

Les deux concepts s’opposent : dans le premier cas, il y a des soucis divers ayant un dénominateur commun, devant donc être résolu séparément. C’est traditionnellement la conception française de réduire chaque problème à sa spécificité, de nier qu’il y ait un ensemble, cela remonte à Descartes, notamment.

Dans l’autre cas, on a une vision globale, on part du tout pour aller au particulier, on a une vue d’ensemble.

La COP 21 a ainsi, en français, été une « Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques », mais en anglais cela donne « United Nations Framework Convention on Climate Change ». Dans le premier cas, la page wikipedia ne donne d’ailleurs pas de lien vers l’expression « changements climatiques ».

La page en anglais le fait par contre, vers l’expression « climate change » et si l’on regarde la version française de cette page, on a bien « changement climatique », au singulier.

Il apparaît bien qu’il y a ici une erreur essentielle de traduction, remontant d’ailleurs à plus loin que la COP 21. Cela relève d’un manque de sérieux assez grossier.

On pourrait dire cependant qu’on coupe les cheveux en quatre, que c’est bien trop philosophique et que cela ne change pas grand-chose. Or, justement, nous allons voir qu’il n’en est rien et que les conséquences sont fondamentales.

Regardons, en effet, l’accord de la COP 21. On pourrait s’attendre à ce que l’expression « changement climatique », ou bien « changements climatiques » donc, revienne souvent, puisque c’est le thème même de la conférence.

Ce n’est pas le cas, justement ! Et la raison en est que le changement climatique n’est pas expliqué, conceptualisé, il s’agit d’une sorte de fourre-tout.

L’expression « changements climatiques » (« changement climatique » dans la version anglaise) ne revient que quatre fois dans le document de 39 pages…

« Reconnaissant que les changements climatiques représentent une menace immédiate et potentiellement irréversible pour les sociétés humaines et la planète et qu’ils nécessitent donc la coopération la plus large possible de tous les pays ainsi que leur participation dans le cadre d’une riposte internationale efficace et appropriée, en vue d’accélérer la réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre »

« Reconnaissant également qu’il faudra fortement réduire les émissions mondiales pour atteindre l’objectif ultime de la Convention et soulignant qu’il est urgent de faire face aux changements climatiques »

« Considérant que les changements climatiques sont un sujet de préoccupation pour l’humanité tout entière, les Parties devraient, lorsqu’elles prennent des mesures pour faire face à ces changements, respecter, promouvoir et prendre en considération leurs obligations respectives concernant les droits de l’homme, le droit à la santé, les droits des peuples autochtones, des communautés locales, des migrants, des enfants, des personnes handicapées et des personnes en situation vulnérable, et le droit au développement, ainsi que l’égalité des sexes, l’autonomisation des femmes et l’équité entre les générations »

« Décide d’adopter l’Accord de Paris en vertu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (ci-après dénommé «Accord») figurant dans l’annexe »

Le terme « climatique » revient, en tout et pour tout, deux fois seulement en plus :

« Convenant de soutenir et de promouvoir la coopération régionale et international e afin de mobiliser une action climatique plus forte et plus ambitieuse de la part de toutes les Parties et des autres acteurs, y compris de la société civile, du secteur privé, des institutions financières, des villes et autres autorités infranationales, des communautés locales et des peuples autochtones »

« Invite le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat à présenter un rapport spécial en 2018 sur les conséquences d’un réchauffement planétaire supérieur à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels et les profils connexes d’évolution des émissions mondiales de gaz à effet de serre »

N’est-ce pas totalement aberrant ? Il ne peut, de ce fait, y avoir qu’une seule raison : le changement climatique n’a pas été conceptualisé, il est pris au sens de « dérèglements divers et variés provoqués par les émissions de CO2 », mais sans aucune vue d’ensemble.

Comment peut-on alors résoudre cette question planétaire si, à la base même, on la fragmente, on la tronçonne, on la divise ?

C’est impossible, et cela correspond malheureusement à la logique d’une approche d’une humanité divisée en multiples nations et niant la Nature comme grand ensemble. C’est là le point essentiel.

Notons enfin, pour conclure, les quelques pages abordant la question du singulier ou du pluriel de changement climatique.

Sur la page de discussion consacrée à la page wikipedia sur la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatique, une personne répond à la question de savoir s’il faut un singulier ou un pluriel de la manière suivante :

« La traduction des Nations unies est belle et bien Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Voir ce lien : http://unterm.un.org/dgaacs/unterm.nsf/WebView/584E8ECC6D9176CD852569FA0000DB06?OpenDocument. Par ailleurs, comme le climat n’évolue pas également à la grandeur du globe, il est préférable d’utiliser le pluriel. »

Cette personne se contredit, pour au moins deux raisons.

D’abord, pourquoi ne pourrait-on pas considérer qu’il existe un climat général pour la planète, dont les autres climats sont des expressions secondaires ? Ensuite, s’il faut obéir au choix de l’ONU, pourquoi prendrait-on la version française plutôt que la version anglaise ?

De plus, si la version française est bonne, la version anglais est alors fausse et la personne devrait le dire, ce qu’elle ne fait pas car elle prétexte l’ONU – en français – pour justifier son interprétation !

C’est la même interprétation qu’on a sur une page avec quelques articles d’une traductrice français-anglais, avec un petit topo sur cette opposition singulier/pluriel de l’expression, qu’elle a également remarqué. Elle dit qu’au niveau local (ville, région, etc.) il y a un changement climatique, et que si on parle de ces multiples changements climatiques, forcément on utilise le pluriel.

Sauf que c’est là, également, nier l’unicité du phénomène, c’est encore le tronçonner, et donc perdre sa substance même, qui est générale, tout comme la planète est une et non pas composée de plusieurs éléments indépendants…

Mais on aura compris que pour saisir cette unicité du changement climatique, il faut avoir saisi la planète comme « Gaïa »…

En voici une preuve de plus avec le site Planète saine, qui n’est plus mis à jour, et qui aborde dans un article plus simplement la question et de manière bien plus pertinente.

L’article de ce site explique que l’expression « changement climatique » peut être utilisé de deux manières, soit comme chez la traductrice mentionnée plus haut, comme ensemble des changements climatiques différents, soit comme nous nous pouvons le faire, comme vision générale.

L’article, au nom du slogan « Think global, act local », considère qu’il faut parler de « changements climatiques » au pluriel, ce qui est évidemment contradictoire puisqu’on est censé penser globalement, et donc en terme de « changement climatique » comme phénomène général !

Encore une fois, on en revient à la question du général et du particulier. Et on voit que pour combattre les changements climatiques, encore faut-il subordonner ce concept à celui de « changement climatique », à considérer la planète non pas comme un gros caillou où les phénomènes existent indépendamment, tous comme les pays existeraient indépendamment, mais comme un grand tout, une seule entité : Gaïa.