L’exploitation animale est une économie, une vision du monde, une méthode, une démarche. Cela représente des décennies, des centaines d’années de tradition d’un côté, de même que cela reflète une tendance totalement actuelle de généralisation de l’exploitation du vivant.
On ne soulignera jamais assez cela et voici, à titre illustratif, quelques passages d’une thèse universitaire (SupAgro / INRA) intitulée:
La commercialisation des produits, source de flexibilité pour les éleveurs? : Le cas del’élevage ovin allaitant du Languedoc-Roussillon
C’est un exemple de comment la pensée élaborée dans notre société est mise au service… de la quête de profit. Le résumé explique ouvertement cela, par ailleurs :
« Nous nous attachons, dans ce travail de thèse à traiter de la question de la commercialisation comme source de flexibilité mobilisée par les éleveurs pour saisir des opportunités ou faire face aux risques de marché et aux risques institutionnels. Nous abordons cette question à partir de l’étude de de la production d’ovin allaitant du Languedoc-Roussillon.
Ce travail s’appuie sur un dispositif de 50 enquêtes en exploitations, complété par 8 suivis d’élevage sur 1 ou 2 campagnes.
Des enquêtes rétrospectives ont également été menées pour percevoir les transformations de 8 autres élevages sur le long terme. Dans un premier temps, nous décrivons 7 façons de commercialiser les agneaux, en utilisant une notion clé, le couple produit acheteur (CPA) qui lie le système à son environnement.
Cette diversité des façons de commercialiser est sous-tendue par des logiques d’élaboration des résultats économiques, en jouant sur les produits et les circuits pour maximiser le chiffre d’affaire ou réduire les coûts de production. »
Ce qui est terrible, c’est que les partisans de l’exploitation animale sont méthodiques, pratiquant l’enquête du terrain, connaissant très bien ce qui se passe. Voici quelques extraits de la thèse, qui montrent cette activité au service de l’exploitation, contribuant à comprendre comment « maximiser le prix unitaire de l’agneau vendu »…
« Tarondeau 1999 mentionnent que cette flexibilité « produits », matérialisée par une diversité commerciale, induit l’apparition d’une diversité technique.
Cette dernière, nécessaire pour la fabrication d’une diversité de produits, finit par devenir une source de contraintes pour le producteur (Fouque, 1999).
Sans aller jusqu’à l’analyse de cette diversité technique, Astigarraga et al., (2008) notent que la mise en œuvre de cette flexibilité « produits » nécessite de retarder la différenciation des produits jusqu’au dernier moment. Une race très « plastique », comme la race bovine Limousine, permet cette pratique, utile lorsqu’on vend des génisses de boucherie et des génisses pour la reproduction.
Lait et viande constituent les produits essentiels issus de l’élevage ovin français (Aubron et al., 2011). Le lait est le résultat d’un processus de sécrétion (Ramet, 1985 ; Chantegrelet et Flachat). Il peut être produit en continu sur une longue période de l’année.
La viande, elle, est une spéculation d’accrétion (Micol et al., 2003). Cette différence de nature physiologique conduit à une expression singulière de la flexibilité « produits » pour les secteurs laitiers et allaitants.
Les travaux de recherche analysant la flexibilité « produits » en élevage se concentrent surtout en production bovine allaitante (Cessieux, 2005 ; Lemery, 2005 ; Ingrand et al., 2008; Astigarraga et al., 2008 ; Mosnier, 2009). »
« Les opérateurs de l’aval recherchent des produits aux caractéristiques spécifiques, ce qui représente, dans certains cas, une contrainte pour les éleveurs.
Ainsi les agneaux légers maigres destinés à l’engraissement dans le bassin de Roquefort doivent peser en moyenne 15 kg vif, et avoir une vitesse de croissance la plus importante possible, et doivent être habitués à consommer du grain.
Les agneaux de boucherie ont l’obligation, pour être vendus sous SIQO [Signes d’Identification de la Qualité et de l’Origine] de posséder un certain nombre de caractéristiques, inscrites dans un cahier des charges, dont, en particulier, un poids et un âge minimum et maximum. Quant aux mâles halal, c’est le phénotype (taille, cornure), qui est évalué, par l’acheteur, en plus de l’âge qui doit être au minimum de 6 mois.
Le plus ou moins grand respect de ces caractéristiques est un argument pour négocier le prix dans la transaction entre l’éleveur et son client. »
« Une autre façon d’améliorer le résultat économique de l’exploitation est de chercher un circuit le plus rémunérateur possible. Ainsi, pour une façon de commercialiser B « un seul type de produit (en général de l’agneau de boucherie) vendu à un seul type d’acheteur de circuit court », l’agneau est vendu à un prix moyen supérieur de 183% au prix de base, charges spécifiques déduites
(Tableau 5-9).Ceci est non seulement lié au choix d’un produit à plus haute valeur (agneaux de boucherie au lieu d’agneaux à engraisser) mais aussi à un choix de circuit très rémunérateur.
Le différentiel de prix observé entre B et A2 « Un seul type de produit (agneau de boucherie) vendu
à un seul type d’acheteur de circuit long » exprime l’intérêt de ce choix.De manière générale, le choix de commercialiser des agneaux de boucherie en CC assure un prix corrigé assez rémunérateur, de l’ordre de 9,7 ± 1,6 euros/kg de carcasse (Nozières et Moulin, 2012), ce qui semble à première vue intéressant, comparé au prix du marché de l’agneau de boucherie
standard, même en pénurie d’offre (Figure 1-8).Il doit néanmoins rémunérer le travail supplémentaire et couvrir les frais qui n’ont pas été évalués et déduits (transport abattoir et tournées, communication). Il n’est pas certain que dans certaines situations, cet intérêt se maintienne. »