Les drogues comme « contre-culture »

Voici l’extrait d’une thèse universitaire, dont le titre est Intégration sociale et psychopathologie chez les usagers de drogues, faite à l’Université Lumière Lyon 2 en 1999.

On y retrouve exposée une thèse typiquement bobo : les drogues auraient été la composante d’une contre-culture, avant de se faire récupérer par le « mercantilisme » des années 1980.

La faute initiale en reviendrait à la criminalisation par les Etats, à la fin du 19e et au début du 20e siècles, qui aurait marginalisé ce qui représentait une possibilité de « rupture »…

C’est là une vision totalement idéalisée des consommateurs de drogues, qui loin d’être l’avant-garde d’une révolution, n’ont jamais été que le produit du pessimisme, de l’effondrement culturel…

La première apparition d’une sous-culture propre au milieu de la toxicomanie est la conséquence de la désignation sociale des conduites d’abus de drogues comme déviantes ou en d’autres termes, de l’identification d’un ensemble de comportements comme constituant un problème social.

Nous avons vu qu’historiquement, tout se passe comme si les sociétés occidentales à un moment donné (entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle) en étaient venues à créer activement une nouvelle catégorie de déviants en voulant à tout prix contrôler l’usage non médical des drogues.

La criminalisation de l’usage d’opiacés a non seulement créé la nouvelle catégorie sociale du toxicomane telle qu’on la connaît aujourd’hui, mais a également amené les personnes dépendantes à se regrouper afin d’échanger des informations propres à leur pratique.

Ils ont élaboré de cette façon une sorte de bulletin d’information informel et oral donnant par exemple des renseignements sur la qualité des drogues disponibles ou sur les techniques de consommation.

Il s’est créé ainsi une sous-culture leur permettant de nouer des contacts, d’assumer leur habitude proscrite à l’abri des instances répressives et d’apprendre comment échapper au contrôle qu’elles exercent. A ce titre elle possède donc avant tout une valeur adaptative.

Ainsi, la production d’un ensemble de représentations et de pratiques culturelles par la communauté informelle des toxicomanes a été initialement suscitée par le statut illégal de leur pratique.

Le deuxième temps de la genèse de la sous-culture drogue correspond à l’apparition du phénomène drogue chez les jeunes de la fin des années soixante.

Il s’est développé alors une contre-culture s’opposant aux valeurs matérialistes d’une société de plus en plus robotisée ressentie comme laissant peu de place à l’imaginaire et à la créativité.

La croyance dans les utopies hippies qui prônaient l’amour inconditionnel et le retour à la nature s’est toutefois estompé au fil des années.

A partir des années 80 le milieu de la toxicomanie s’est progressivement durci, les relations entre consommateurs se sont dégradées notamment sous l’influence d’une criminalité montante liée au trafic des stupéfiants.

Le milieu actuel de la drogue, et principalement de la drogue dure, se caractérise par un mercantilisme extrême qui reproduit certains aspects des sociétés capitalistes et par-là l’apparente plus à une forme de sous-culture, fruit d’une perte de cohésion au niveau de la culture globale, qu’à une véritable contre-culture.

La consommation de drogues a de la sorte progressivement perdu son statut d’acte politique orienté vers la contestation du système en place.