La Fédération Addiction vient de publier un guide de la collection Repère(s : « Femmes et addictions. Accompagnement en CSAPA et CAARUD ». On peut le télécharger en cliquant l’image ci-dessous. Suivent quelques extraits représentatifs d’un aspect très important (même si on regrettera que le document soit d’orientation très universitaire, c’est-à-dire pro-féministe, mais ayant une incompréhension complète pour la « stigmatisation » populaire des personnes droguées).
Selon l’Inpes, l’ODJ (Observatoire Des Jeux) et l’OFDT, en 2014, les femmes étaient plus représentées parmi les adeptes des jeux de grattage (54,9 %) et moins pour les jeux de table des casinos (28,9 %), les paris hippiques (25,9 %), le poker (19,4 %) et les paris sportifs (7,1 %).
Stefania Odoardi Comyn 19, psychologue, a travaillé sur la question de la dépendance aux jeux de hasard chez les femmes et fait un parallèle clair entre mécanismes d’addiction aux jeux et mécanismes d’addiction aux substances. Elle rappelle que les femmes commencent à jouer à un âge plus avancé que les hommes, mais développent plus rapidement une dépendance.
Elles préfèrent des jeux qui reposent uniquement sur la chance (loteries, machines à sous…), alors que les hommes préfèrent les jeux qui impliquent une composante de compétition et d’habileté. L’apparition d’une problématique de jeu pathologique chez les femmes est fréquemment liée à des expériences de vie difficiles et/ou des violences subies (abus sexuels, relations familiales conflictuelles ou instables, problèmes conjugaux…) ayant entraîné des troubles dépressifs et anxieux, en plus de l’exposition précoce aux contextes de jeu.
Les conséquences sont similaires aux consommations : culpabilisation, honte, faible estime de soi, anxiété, stress… La pratique pathologique du jeu entre en conflit avec les responsabilités dévolues à la mère de famille et renforce la peur d’être découverte. (…)
Le témoignage de «petite fille» est à cet égard très révélateur : «J’avais 14 ans, mon dealer la trentaine, gérant d’un magasin, mari et père, apprécié des tox pour sa bonne came, apprécié des non-tox pour son amabilité, sa culture, son argent.
J’avais 14 ans et besoin de cam ce jour-là, il avait un petit appartement en plus de sa maison familiale pour son commerce parallèle, je suis donc allée voulant demander une avance car pas de tune, c’est ce jour-là que pour la première fois il m’a dit qu’il pourrait arranger ça si j’acceptais de prendre un bain avec lui ! Oui un bain !!
1ère réaction : tu déconnes !!
2ème réaction : ça va pas dans ta tête !!
3ème réaction : (après une bonne heure de réflexion) okJ’avais 14 ans et je me retrouvais nue contre le corps nu d’un homme qui me répugnait au plus haut point, mais me rendant compte que mon corps allait peut être me rendre la vie plus facile (ou pas !). Le bain s’est transformé en « des bains », ses mains baladeuses /mes poing serrés, ses yeux pétillants/mes yeux fermés plein de larmes, son sourire/mes dents mordant ma langue.
Puis un jour je suis arrivée chez lui, il avait allumé des bougies (comme si c’était romantique ???!!!) et m’attendait en peignoir, j’ai su que le bain ne suffisait plus pour un dépannage ! J’étais horrifiée, apeurée mais je l’ai fait quand même. Je suis sortie ce jour-là me jurant que ça n’arriverait plus et que je trouverais l’argent qu’il fallait pour éviter ça, taxer les potes, voler la famille, vider le compte prévu pour mes études, puis re-plus de tune, j’y suis donc retournée, encore et encore toujours plus de dépannage.» (…)
Les usagères racontent que la violence subie dans l’enfance a des répercussions psychiques importantes sur l’estime de soi et le mal-être.
Comme Snoppy : «moi, c’est mon père qui, très jeune, m’est tombé dessus… il est parti à mes 11 ans, et s’en est suivi un mal-être difficile à exprimer… ensuite, à l’âge adulte, j’ai suivi un mec (mon mec de l’époque), me suis installée avec lui, et blablabla, mais pareil que toi, je ne ressentais aucun plaisir dans la douceur… je me disais : «c’est pas grave, ça passera», mais un jour, mon mec a laissé son pote me violer devant lui, et ces connards ont pris leur pied à mes dépens (encore)…
triste constat de se dire qu’on n’est bonne qu’à ça, à satisfaire les penchants pervers des mecs, ce qui s’imprime au fer rouge dans notre esprit… je l’ai quitté, bien sûr, mais je me suis retrouvée à la rue, et avec cette façon de voir les choses (et j’étais une chose), je n’ai rien trouvé de mieux que de me prostituer !!»
Pour certaines femmes témoignant de maltraitances, le produit apparait comme une solution pour masquer ces traumatismes insupportables. Comme Bighorse qui témoigne : « je suis une (ex) enfant maltraitée et je peux donc témoigner que l’on devient plus tard son plus sévère ennemi !!!! (..)
Quand un enfant n’est pas aimé, qu’il est souillé soit par la violence physique, soit par la violence psychologique, voire les deux, il ne peut se raccrocher à personne ! Le monde se transforme en un lieu désertique, peuplé de monstres (les autres) et où la solitude existentielle fait planer l’ombre de la mort… les produits sont la bénédiction des mal aimés !» ou GoldenYear : « A cette même époque, j’ai fait ma première «rencontre avec le diable» alors que j’étais à l’apogée de la vulnérabilité et de la provocation.
Il avait 25 ans de plus que moi. Et peu à peu, ma situation s’est dégradée. Avec d’abord l’alcoolisme, puis le crack, je suis par la suite devenue une grosse consommatrice d’héroïne. Entre temps, les violences et viols conjugaux avaient pris le dessus. Je n’étais plus maître de mon existence et noyait mon désespoir dans le produit, qui me permettait de me voiler la face. »