Avant de continuer de parler des mesures proposées par la commission d’enquête parlementaire « sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français » jetons un oeil sur un étrange manifeste qui vient d’être publié.
Son titre se voulant philosophique est « Le rapport à l’animal est notre rapport au monde », ses auteurs étant Yannick Jadot, Pascal Durand et Laurence Abeille d’EELV, ainsi qu’Allain Bougrain Dubourg.
On notera que Laurence Abeille a fait partie de ladite commission, qui est d’ailleurs le prétexte à ce manifeste. Pour la première fois, EELV aborde la question animale : jamais cela n’a été le cas auparavant.
Voyant qu’il faut bien affronter le problème, EELV s’appuie sur la commission, tenant un discours plus ou moins à la zadiste, afin de se proposer comme aire d’accueil pour les personnes engagées dans la cause animale.
C’est une OPA pure et simple, un coup politique éhonté. C’est flagrant : jamais EELV n’avait abordé jusque-là la question, et là il est expliqué que « la question de notre rapport aux animaux n’est pas qu’un sujet politique parmi d’autres, elle est un projet de société en soi »…
C’est ignoble, tout simplement.
Le rapport à l’animal est notre rapport au monde
L’animal, sa sensibilité et ses souffrances ont fait une entrée fracassante dans le débat public avec la diffusion des vidéos de l’association de protection animale L214, mettant en lumière le sort réservé aux animaux dans les abattoirs en France.
Les réactions, nombreuses dans la société, ont conduit à une prise de conscience très forte et à un rejet grandissant des conséquences de certaines activités humaines sur le vivant dans son ensemble. Cette indignation, grâce la mobilisation de la société civile, nourrit la demande toujours plus pressante d’action politique en faveur du bien-être animal.
À ce titre, la création de la première commission d’enquête parlementaire sur les conditions d’abattage en France révèle un début de reconnaissance de la condition animale comme sujet politique à part entière.
Cette commission eut le mérite de mettre en lumière les dysfonctionnements graves qui existent dans des abattoirs, lieux totalement fermés et cachés; et d’interroger des aspects plus fondamentaux du lien que les sociétés humaines entretiennent avec le vivant.
Elle doit aussi être l’occasion de mettre en perspective et en débat l’étendue du sort que nos sociétés réservent aux animaux, des abattoirs aux conditions d’élevage, en passant par le transport, le trafic d’espèces sauvages, le commerce international, la pêche en eaux profondes, la chasse, la corrida ou les expérimentions animales.
L’affaire des abattoirs en France est en effet l’illustration d’un système global. Celui d’abord de quelques grands groupes industriels et agro-alimentaires, tenants d’une industrialisation sans limite, pour qui la nature et le vivant ne seront jamais que des ressources économiques, des produits à exploiter au service d’une rentabilité financière devenue insensée. Celui surtout de leur incapacité à penser l’animal comme un être vivant à part entière, sensible et souffrant.
Pourtant, lorsqu’on est doté d’une conscience, que vaut un chiffre d’affaire, un bénéfice, un profit en regard d’une douleur injustifiée, du mépris de la vie, du respect dû à tout le vivant?
Alors que nous vivons la 6ème extinction animale de masse, que les espèces présentes sur terre disparaissent 100 fois plus vite que par le passé, que l’exploitation animale détériore chaque jour notre planète et hypothèque la vie humaine, il est tout simplement vital, au sens premier du terme, de repenser notre rapport au vivant et de l’inscrire au cœur de notre action politique.
Depuis 2009, les Traités européens reconnaissent les animaux comme des êtres sensibles, mais c’est toujours à la faveur de mobilisations citoyennes que les victoires ont pu être arrachées.
C’est parce que les consommateurs, les associations et les ONG ont agi que nous réussirons à interdire le chalutage en eaux profondes et préserver une partie de la biodiversité marine, c’est grâce aux mobilisations citoyennes que nous pouvons à la fois remettre en cause les subventions accordées aux corridas, à faire passer l’animal avant notre divertissement et à ne plus considérer comme allant de soi les numéros de dressage dans les cirques ou l’exposition d’animaux dans les parcs zoologiques, que nous pouvons faire reculer l’univers concentrationnaire de l’élevage industriel, c’est parce que nous pouvons nous appuyer sur les milieux scientifiques qu’il est possible d’interdire des expérimentations animales à des fins mercantiles.
Dès lors, ce mouvement ne doit pas s’arrêter, il doit s’amplifier.
Pour nous, écologistes, la question de notre rapport aux animaux n’est pas qu’un sujet politique parmi d’autres, elle est un projet de société en soi, elle est le marqueur de notre rapport au monde et fondamentalement, de notre vision de l’humanité.