L214 et la question des foetus

L214 a de nouveau hier diffusé une vidéo, largement relayée par tous les médias. C’est un employé d’un abattoir à Limoges, qui est même le grand abattoir municipal de France.

Il est écoeuré et tient des propos d’une grande radicalité, preuve qu’il faut bien se tourner par ailleurs vers les gens qui travaillent plutôt que vers les puissants, comme nous l’avons souligné maintes fois…

Mais cette fois, un problème essentiel se pose et L214 a commis une erreur capitale. Ce qui a traumatisé l’ouvrier, c’est la question des foetus : ce sont des vaches portant des bébés qui sont tuées.

L’ouvrier raconte ainsi :

« On jette le veau dans une poubelle pleine de merde. Parfois, il bouge, comme s’il était vivant. On fait ça tous les jours, au moins cinquante fois par semaine. Comment on peut les tuer, nom de Dieu ? Des vaches pleines et des veaux qui sont en train de sortir. »

L214 se focalise entièrement là-dessus. Voici le texte accompagnant des photos :

L214 dévoile une autre facette de la violence que subissent les animaux dans les abattoirs : la mort par asphyxie de veaux, parfois sur le point de naître, dans l’utérus de leurs mères, pendant que celles-ci sont saignées et découpées.

L’abattage de vaches gestantes est fréquent. Les images montrent l’ouverture de poches contenant des foetus de tous âges, avant d’être jetés dans une benne à viscères.

Il y a également une pétition sur ce thème, dont voici le texte :

Interdisons l’abattage des vaches gestantes !

À M. Stéphane Le Foll
Ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Chaque année, près de 2 millions de vaches sont tuées en France. Les récentes enquêtes révélées ces derniers mois par L214 ont permis d’entrevoir ce qu’elles endurent derrière les murs des abattoirs. Aujourd’hui, les images de l’abattoir de Limoges mettent en lumière une autre facette de la violence des abattoirs : celle de l’abattage des vaches gestantes.

Les études disponibles estiment qu’environ 10% des vaches abattues sont gestantes et parfois prêtes à mettre bas.

Chaque jour, des veaux sur le point de naître meurent lentement dans le ventre de leur mère, s’asphyxiant pendant que leur mère est tuée et découpée. Ils sont ensuite jetés à la poubelle, comme des déchets.

Conscients de l’enjeu éthique présenté par cette situation, des ministres allemand, danois, néerlandais et suédois ont saisi l’EFSA afin d’obtenir un avis scientifique sur les risques pour des fœtus suffisamment développés d’être exposés à la souffrance et à la douleur.

Par ailleurs, le gouvernement allemand vient de soumettre à la Commission européenne une proposition visant à interdire l’abattage des vaches gestantes au moins lors du dernier tiers de leur gestation, soulignant qu’il est établi scientifiquement que les veaux ont la capacité de souffrir à ce stade de leur développement.

Nous, signataires, demandons au Ministre de l’agriculture de soumettre au vote du Parlement français un projet de loi visant à interdire la mise à mort de vaches gestantes, au moins lors du dernier tiers de leur gestation.

Or, la question des foetus est l’une des questions les plus brûlantes dans la question du véganisme, car elle pose le problème de la définition de la vie.

Et la société dans laquelle nous vivons ne va pas s’offusquer de voir des foetus des vaches jetés dans une poubelles alors qu’exactement la même chose se passe avec les foetus humains.

C’est d’ailleurs ici que le piège se referme. Car soit on se retrouve du côté des existentialistes qui, au nom du droit des femmes, justifie tout et n’importe quoi, niant que le foetus relève de la vie.

Soit on se retrouve à reconnaître que le foetus relève de la vie, sauf que ce sont les religieux qui ont conquis l’hégémonie sur le thème, diffusant une « sacralisation » abstraite de la vie, au nom de Dieu.

L214 a ici ouvert une boîte de Pandore et le mouvement vegan a toujours, lors de son développement, connu une crise profonde sur ce thème.

Soit on est d’accord avec L214 et on est choqué que des foetus terminent dans une poubelle… mais alors, pourquoi ne dit-on rien pour les foetus humains?

Ou alors on dit que ce n’est pas grave, mais dans ce cas la définition de la vie, de la défense de la vie, devient toujours plus abstraite…

La position du mouvement vegan straight edge américain des années 1990 – il y a plus de 20 ans – est ici la plus intéressante.

Earth Crisis, le groupe de musique phare de cette philosophie, raconte les choses suivantes dans une chanson, « Stand by » :

Ton égoïsme détruit la planète, alors tu ne nous laisses pas d’autres choix.
Pour le fœtus, pour le chat, pour la vache, pour le rat.
Pour les victimes innocentes, nous attaquerons, nous attaquerons, nous attaquerons.

Le chanteur fait des précisions qu’on peut considérer comme essentielles dans une interview de l’époque, en 1992 :

La prévention des grossesses non voulues est ce que nous avons besoin de promouvoir. Si vous n’êtes pas financièrement stable ou émotionnellement capable de vous occuper d’un enfant, n’ayez pas de rapports sexuels. C’est assez simple.

A côté de cela les gens n’ont pas besoin d’avoir de rapports sexuels pour avoir du sexe. Le contrôle des naissances est facile. Les gens sont juste trop fainéants et trop irresponsables pour les utiliser correctement. Tragiquement, cela doit rester légalisé pour ces raisons précises.

Absurde ? Pas tant que cela : il y a 220 000 avortements par an en France, malgré les préservatifs et les moyens de contraception en général (qui ne sont pas forcément bons pour la santé, bien entendu).

Hier,  concernant le film de L214 dans l’abattoir de Limoges de nombreux médias ont titré l’information en écrivant  des choses comme :

Abattoir de Limoges : L214 diffuse les images insoutenables de foetus jetés à la poubelle

De nouvelles images chocs de fœtus de vache jetés à la poubelle

De nouvelles images insoutenables dans un abattoir : des foetus de veaux jetés à la poubelle

Il en va pourtant de même pour les foetus humains ; en fait, la vie n’est pas respectée, elle est « aménagée » de manière pragmatique, utilitariste, technique.

On est ici dans la décadence la plus complète, le refus de la Nature au nom d’une logique individualiste totalement anthropocentriste. C’est le capitalisme au maximum.

Voici une illustration tout à fait délirante de cette tendance à l’appropriation subjective de la réalité, au refus total de la Nature. C’est tiré du Figaro :

Début 2013, selon une note interne datant d’avril, révélée par l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, «un homme a donné naissance à un enfant».

Il s’agissait en réalité d’un transexuel: né femme, doté d’un appareil génital féminin, il se définit cependant comme homme et, après avoir suivi un traitement hormonal durant des années, s’était fait enregistrer comme tel à l’état civil de sa mairie.(…)

Là où l’affaire se corse, c’est que malgré sa grossesse -obtenue après une insémination-, l’homme ne veut absolument pas être considéré comme la mère du bébé, mais comme son père.

Pour éviter d’avoir à mentionner le nom de la mère sur des documents, il n’a pas accouché à l’hôpital mais chez lui, avec l’aide d’une sage-femme.

Le sexe du bébé est d’ailleurs tout aussi incertain… Le père aurait souhaité qu’il ne soit pas mentionné sur les registres de l’état civil. L’administration s’y est opposée. L’enfant aurait donc, semble-t-il, été inscrit comme étant de sexe masculin. Mais leSpiegel se permet d’en douter: personne n’a pu vérifier.

Selon la presse allemande, la bataille judiciaire de ce père, entamée en avril, risque d’être longue: il veut que sur aucun document, la case «mère» ne soit remplie.

Ici, c’est explicite : il y a le refus de la définition de mère. La tendance à l’individualisme ultra, s’opposant à la Nature, s’oppose par définition immédiatement à la définition de « mère ».

Au début de l’humanité, la femme avait le plus haut statut, car elle donnait  la vie… Aujourd’hui, le capitalisme le plus abouti compte tout supprimer, au nom de l’individu.