« Et, quoi qu’il arrive demain… »

Le témoignage que l’on va trouver ici est celui d’un végétarien devenu éleveur, un peu le contraire de celui d’avant-hier, avec un ancien chasseur devenu vegan.

Il s’agit des extraits les plus intéressants d’un article publié par Le Monde, avec comme titre racoleur :

« Je suis éleveur de cochons et j’ai longtemps été végétarien »

Ce qui est réellement intéressant ici, c’est que ce témoignage a été donné à Camille Labro, dans le cadre de la réalisation de son ouvrage « Fourche et fourchette » où elle fait l’éloge du savoir-faire culinaire des « petits paysans ».

Une vision totalement romantique, totalement réactionnaire et ce qui est formidable, c’est que cette journaliste indépendante a écrit pour les publications suivantes : Vogue Paris, Vogue Hommes, Beaux Arts Magazine, Air France Madame, M le magazine du Monde, Le Monde!

Comme quoi l’éloge du terroir est vraiment quelque chose qui vient d’en haut, des grands bourgeois, prêt à proposer un romantisme pour empêcher une remise en cause de la situation!

Je  n’ai pas mangé de viande pendant près de vingt-cinq ans, et aujourd’hui cela m’arrive de manière très occasionnelle, notamment quand mes parents viennent dîner à la maison. Mes parents et moi, nous nous entendons bien, mais mon système agricole [bio et polyculture] est à l’opposé du leur.

Je suis paysan, fils de paysans. J’ai grandi à Coron, dans le Maine-et-Loire. Mon père a repris la ferme familiale avec ses frères dans les années 1970. Les ateliers d’élevage hors sol, c’est-à-dire les bâtiments d’engraissement des porcs, avaient été mis en place avant lui : 800 porcs et 250 veaux à viande. (…)

J’ai commencé à chercher du boulot, mais je n’avais aucune envie de travailler dans des bureaux d’études. Pendant un temps, j’ai été animateur ­Civam [Centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural], pour mettre les petits agriculteurs en réseau et développer avec eux des systèmes agricoles cohérents.

La plupart de ceux qui se sont convertis au bio sont passés par là : on se réunit pour apprendre les uns des autres – l’un qui fait du système « tout-herbe », l’autre du pâturage tournant, du non-labour, de la permaculture… On ­explore ensemble et on se consolide.

Peu à peu, j’ai commencé à faire un potager, un poulailler, à aller sur les marchés. Et l’évidence s’est imposée à moi : il me fallait être paysan, cultiver, vendre et en vivre, tout ça au même ­endroit.

J’ai d’abord fait des légumes, un peu de pain, mais très vite je me suis rendu compte que, sans animaux, il n’y avait pas de fumure, ça ne marchait pas, et qu’il fallait pratiquer la polyculture. De fil en aiguille, je suis revenu aux cochons. Je fais ce que j’ai toujours connu, mais aux antipodes de la manière dont je l’ai vu faire.

En 2008, je me suis installé, avec ma compagne Lucie, à la ferme du Bois-Landelle, à Hudimesnil, dans la Manche. Nous nous sommes construit une yourte – un vrai palace, avec grand salon et poêle à bois, cuisine aménagée, chambres… Sur la ferme, nous cohabitons avec d’autres paysans : un éleveur laitier fromager, des paysans-boulangers, un maraîcher.

Nous sommes complémentaires, à la fois indépendants, interdépendants et autonomes. Nous n’achetons rien à l’extérieur.

J’élève, en plein air, des ­cochons de Bayeux, une race locale en voie de disparition, qui a une croissance deux ou trois fois plus lente que le ­cochon rose classique.Il faut être un peu fou pour faire ça. Comme le bayeux est rare, c’est difficile de trouver des animaux génétiquement compatibles.

Je cultive en bio toutes les céréales qui alimentent mes bêtes. J’essaie de faire au mieux, mais l’élevage de monogastriques, ce n’est pas très cohérent avec l’environnement, car il faut cultiver beaucoup d’hectares pour les nourrir. Alors je fais un petit système : j’ai six truies, qui font quarante cochons par an.

Mes huit vaches allaitantes permettent de valoriser les prairies temporaires, qui rentrent dans mes rotations de cultures. La paille sert pour les étables en hiver, le fumier pour amender les cultures. C’est un système agro-écologique circulaire. (…).

J’ai une vision assez sombre de l’avenir, je vois les centrales nucléaires qui pètent, une révolution civile, le système libéral qui se casse la gueule. Et pourtant je continue, je fais des enfants, parce que j’espère que je me trompe.

Je continue, parce que j’ai encore foi en l’humain, en sa capacité à s’entraider, à modifier son comportement. Et, quoi qu’il arrive demain, il fera toujours meilleur vivre en campagne qu’à la ville, sur un petit lopin de terre que l’on traite bien.

C’est tout à fait la démarche correspondant au pétainisme. C’est le retour à la terre, à la petite production, avec une critique du « monde moderne », avec la mise en place d’un mode de vie pseudo-alternatif (la yourte, etc.).

Faire la révolution et changer le monde ? Assumer la morale, combattre la cruauté, défendre la Nature ? Trop compliqué, la petite propriété et la petite production, c’est bien mieux !