La loi sur les caméras dans les abattoirs

Les députés ont voté hier une loi concernant les abattoirs. Les médias ont réduit cela à la question de l’installation de caméras dans ces lieux de mises à mort.

C’est en réalité plus compliqué que cela. Il s’agit en effet d’une opération générale de modernisation des abattoirs d’un côté, du rapport des institutions à la question animale de l’autre.

Voici, pour comprendre l’arrière-plan, la manière dont l’un des députés ayant proposé la loi votée a lancé la discussion à ce sujet à l’assemblée.

M. Olivier Falorni, rapporteur de la commission des affaires économiques.

Madame la présidente, monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, le débat que nous entamons ce soir est, en quelque sorte, historique, car c’est la première fois que la question des abattoirs fait l’objet d’un débat spécifique dans cet hémicycle, ce qui est déjà, en soi, une première avancée.

Les abattoirs, ces lieux cachés dans lesquels on abat quotidiennement des animaux, se sont rappelés, hélas, à notre souvenir, avec la diffusion, depuis maintenant deux ans, par l’association L214 Éthique et animaux, de vidéos montrant des comportements scandaleux de maltraitance animale, vidéos qui ont profondément choqué chacun de nous, ici présents.

Allons plus loin, car les députés ont même parlé du véganisme lors de leurs discussions…

Mme Karine Daniel. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, au cours des deux dernières années, l’opinion publique s’est largement saisie de la question des pratiques et des méthodes qui ont cours dans certains abattoirs de notre pays.

Nous devons en partie cette prise de conscience aux actions et aux vidéos réalisées par l’association L214. Bien que les méthodes employées par celle-ci soient peu orthodoxes, il est indéniable qu’elles ont comme résultat positif de mettre en lumière des abus illégaux et des pratiques qui, bien que légales, sont largement contestables.

On peut constater l’évolution majeure et récente de certaines sociétés de la grande distribution, de l’industrie, de la restauration collective ou de l’hôtellerie quant à la provenance des œufs commercialisés ou consommés.

Ces sociétés s’engagent désormais à s’acheminer progressivement vers un abandon total en 2025 de l’approvisionnement en œufs de catégorie 3, c’est-à-dire pondus par des poules élevées en batterie. Ce mouvement d’ampleur va dans le sens d’un plus grand bien-être des animaux mais induit également et évidemment une profonde mutation de cette filière, que nous devons observer et accompagner dans les années à venir.

La finalité que porte l’association L214 est celle d’une société se passant de produits d’origine animale, reposant donc sur l’alimentation dite « végane ». Bien qu’une telle vision de la société soit défendable et respectable, ce n’est pas la position de la majorité du groupe socialiste, écologiste et républicain, que je représente aujourd’hui.

M. Thierry Benoit. Très bien !

Mme Karine Daniel. Notre position n’est pas non plus celle d’une vision industrielle de l’élevage fondée sur un productivisme débridé niant aux animaux le moindre degré de sensibilité.

M. Thierry Benoit. Très bien !

Mme Karine Daniel. Nous pensons qu’il existe un chemin entre ces extrêmes, qu’on peut pratiquer un élevage respectueux des animaux et de leur bien-être et avoir une alimentation reposant en partie sur des produits d’origine animale.

La chose est entendue : pour les gens qui ont voté la loi, celle-ci renforce non pas le véganisme, mais le chemin entre deux « extrêmes » (sic).

Et c’est vrai : c’est une manière de masquer les problèmes de fond, de nier la dimension morale, de mobiliser dans des choses qui font perdre le lien avec l’ensemble, etc.

Aussi, les institutions ont prévu le coup : elles instaurent un pseudo comité d’éthique, chargé de rendre valide leur démarche sur le plan philosophique, en embarquant comme prévu avec elles les associations orientées vers le « bien-être animal ».

Voici l’extrait concerné de la loi votée hier.

« Mise à mort et abattage des animaux

« Art. L. 214-19. – Un comité national d’éthique des abattoirs est mis en place au sein du Conseil national de l’alimentation mentionné à l’article L. 1 afin de débattre de l’évolution de la législation et de la réglementation relatives à la protection animale en abattoir.

« Ce comité comprend notamment des représentants du secteur de l’abattage, des représentants des organisations professionnelles de salariés représentatives du secteur, des éleveurs, des associations de protection animale, des associations de consommateurs, des vétérinaires, des personnalités qualifiées en matière de bien-être animal, des représentants des cultes concernés par l’abattage rituel et des parlementaires.

« La composition et les modalités de fonctionnement de ce comité sont précisées par décret. »

Subtile loi, qui met en place sans en donner les modalités ! C’est que justement, la loi est un espace formé pour happer tous les idiots utiles possibles…

Il en va d’ailleurs de même pour le passage concernant l’installation des caméras.

« Art. L. 214-22. – À compter du 1er janvier 2018, à l’issue d’une expérimentation permettant d’évaluer l’opportunité et les conditions de leur mise en place, des caméras sont installées dans tous les lieux d’acheminement, d’hébergement, d’immobilisation, d’étourdissement, d’abattage et de mise à mort des animaux.

« La finalité exclusive de cette installation est la protection animale. Toutefois, si un accord collectif le prévoit, les images peuvent être utilisées à des fins de formation des salariés.

« Au titre de la protection animale, seuls ont accès aux images les services de contrôle vétérinaire et les responsables protection animale, au sens du règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort. Au titre de la finalité de formation des salariés, ont également accès aux images les représentants du personnel ainsi que les personnes habilitées et nommément désignées par l’établissement.

« Les images ne peuvent être conservées plus d’un mois.

« Ces enregistrements sont soumis à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment en ce qui concerne le contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et le droit d’accès aux enregistrements.

« Les modalités d’application du présent article et d’utilisation des données collectées sont définies par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »

En clair, il y a des caméras, mais dont les images ne pourront être évaluées que par les institutions…

Voici justement la position de L214 au sujet de la loi votée hier, qui souligne très bien le caractère hypocrite de la démarche générale.

Paradoxalement d’ailleurs, car c’est cette association qui est à l’origine même de la proposition de loi !

Et donc de l’hypocrisie, qui était inévitable, comme nous l’avions expliqué lorsque les représentant de L214 ont participé aux premières loges à la fameuse Commission d’enquête parlementaire.

Loi sur les abattoirs: les animaux peuvent continuer à souffrir.

Ce soir l’Assemblée nationale a voté sur les articles de la Loi Falorni concernant l’abattage des animaux. Seuls 32 députés présents (sur 577 élus) dans un hémicycle presque vide, ont décidé du sort des animaux: rejet de l’interdiction de l’abattage des vaches gestantes, rejet de l’interdiction de l’abattage sans étourdissement, rejet du droit de visite inopinée des parlementaires dans les abattoirs…

Parmi les maigres mesures adoptées, une expérimentation de contrôle vidéo a été validée, destinée à évaluer l’opportunité de sa mise en place dans tous les abattoirs d’ici 2018.

Mais seuls les services vétérinaires et un salarié de l’abattoir y auront accès: ni les associations, ni les citoyens, n’auront la possibilité de savoir ce qu’il s’y déroule au quotidien, alors que les contrôles du ministère de l’Agriculture révèlent que 80% des abattoirs ne respectent même pas les normes minimales, qui n’empêchent déjà pas d’immenses souffrances.

Par ailleurs, au lieu de légiférer contre le gazage au CO2 ou l’abattage des vaches gestantes, seuls des rapports vont être produits à ces sujets par le gouvernement.

Au cours des débats en séance publique, les élus n’ont eu de cesse de soutenir l’industrie de la viande et de chercher à rassurer les consommateurs. Saluons en revanche le courage politique de la députée Laurence Abeille (EELV) pour avoir défendu une loi plus ambitieuse et tournée vers les animaux.

Les élus n’ont eu cesse de soutenir l’industrie de la viande, lit-on. Quelle découverte !

Seulement il ne suffit pas de dire cela, il faut en tirer des conséquences. A savoir, ne pas participer au pseudo comité d’éthique…