Erreurs et aberrations de la proposition de loi sur la légalisation du cannabis

Accordons notre attention au contenu de la proposition de loi dont nous parlions hier (Premier pas vers le référendum sur la légalisation du cannabis) et qui vise à légaliser le cannabis au moyen d’un référendum. Il y a un nombre d’erreurs et d’aberrations qui est tel que cela en est tout de même surprenant.

Il ne s’agit pas ici du fait que, chose terrible, le cannabis y soit défini comme « stupéfiant », comme n’étant « pas une marchandise ordinaire », comme « une drogue psycho-active qui suscite une dépendance et une tolérance susceptibles de provoquer des abus dangereux pour les consommateurs et pour les tiers ».

Ce serait la reconnaissance par la loi de la légalité d’une drogue. C’est terrible, c’est une terrible défaite culturelle, la liquidation de tout projet de société idéale, c’est reconnaître qu’il faut faire avec, que finalement la vie est ce qu’elle est, c’est-à-dire dure, amère parfois, qu’il faut savoir fuir, etc.

Mais les erreurs et les aberrations vont au-delà : on sombre dans l’incohérence, avec une proposition de loi tellement pleine d’hypocrisie que le bricolage est mal fait.

On apprend par exemple que la consommation de cannabis est interdite dans les lieux et les transports publics, sous peine d’une contraventions de deuxième classe (22 euros).

On sent déjà l’absurdité de la chose : déjà que tout le monde fume partout dans les grandes villes, avec la légalisation une répression serait d’autant plus impossible…

On note une dérogation possible, à demander au préfet, pour les lieux publics : les coffeeshops (le terme n’est pas mentionné) et les manifestations publiques.

Ce qui revient à placer le cannabis simplement au niveau de l’alcool. Ce n’est pas faux en soi, nous sommes à ce titre contre l’alcool et contre le cannabis. Mais déjà que l’alcool est un vrai problème, là on voit qu’avec la loi proposée, la société assumerait encore un autre problème !

Cela montre une première erreur : prétendre gérer le cannabis comme l’alcool ou les cigarettes. Le libéralisme ne distingue rien, or tout cela n’amène que des problèmes.

Autre rapprochement, d’ailleurs, avec l’alcool, il est précisé que le cannabis ne doit pas être vendu ni offert aux mineurs.

C’est naturellement invérifiable, comme pour l’alcool et les cigarettes, c’est donc une erreur… ou de l’hypocrisie.

Mais d’ailleurs, où le cannabis va-t-il être vendu ? Ce n’est pas dit. Ce qui est absurde pour une proposition de loi…

Il est parlé des « débits à consommer sur place », des « débits à emporter du cannabis ou des produits du cannabis », mais on ne sait pas si ces endroits seront les mêmes.

On devine la reconnaissance des coffeeshops, mais pourquoi n’est-ce pas dit alors ? Et auront-ils le droit de vendre ? Cela sera-t-il vendu par les pharmacies ? Les débits de tabac ?

En tout cas, il est précisé que les coffeeshops n’auront pas le droit de vendre de l’alcool, mais par contre celui de vendre des boissons non alcoolisés. On notera pour l’anecdote que la proposition de loi par les des « boissons alcooliques des groupes 2 à 4 », en sachant que le groupe 2 n’existe plus : on sent tout de même un léger amateurisme juridique…

Il sera également interdit de fumer. En clair, cela sera des bars à chicha, mais à cannabis. Sauf que… les bars à chicha, ce n’est pas légal. On n’a pas le droit de fumer dans un espace public…

Pourtant, les bars à chicha existent bien ! Et ils pourraient donc être illégaux, mais pas les coffeeshops… A moins de devenir coffeeshop. Belle incitation !

D’autres aberrations sont par ailleurs présentes et plus marquées encore.

Ainsi :

« L’exploitant doit tenir à la disposition des clients quittant son établissement des éthylotests leur permettant d’évaluer leur degré d’imprégnation alcoolique. »

Juridiquement, cela ne tient pas, car l’endroit n’est pas censé vendre de l’alcool, donc aucune obligation juridique sur ce plan ne peut exister…

Plus délirant, il est précisé la chose suivante :

« Art. L. 3611-6. – Toute forme de propagande, de promotion ou de publicité en faveur du cannabis ou des produits du cannabis est rigoureusement interdite.

Cette interdiction ne s’applique pas aux enseignes des débits à emporter ou à consommer sur place, ni aux affichettes disposées à l’intérieur de ces établissements, non visibles de l’extérieur, à condition que ces enseignes et affichettes soient conformes aux prescriptions d’un arrêté du ministre chargé de la santé. »

En clair, la promotion du cannabis est interdite, mais les coffeeshops sont autorisés. Pourtant, les coffeeshops sont en soi une promotion du cannabis, donc ils devraient être interdits. CQFD.

Plus humoristique, on peut aussi lire :

« Art. L. 3611-7. – Il est interdit de vendre des quantités de cannabis de plus de cent grammes sauf si l’acheteur justifie de son identité et des raisons de son acquisition. »

Quelles pourraient être ces raisons, justement ? Cela n’est pas dit. Donc juridiquement, cela n’a juste aucun sens.

Pareillement, voici ce qu’on lit sur la question de la conduite :

« Même en l’absence d’ivresse manifeste, le fait de conduire un véhicule sous l’influence du cannabis caractérisé par une concentration de tétrahydrocannabinol dans le sang égale ou supérieure à 8 nanogrammes par litre est puni de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende. »

Amateurisme, encore une fois, car il s’agit de millilitres, pas de litres. Et il faut savoir qu’un taux supérieur à 1 ng/ml signifie qu’on a fumé au moins dans les six heures précédentes.

Donc non seulement il s’agit de millilitre et pas de litre, mais en plus le chiffre de 8 est énorme et permet de consommer du cannabis juste avant de conduire !

Cette proposition de loi montre qu’il s’agit d’un prétexte pour légaliser entièrement le cannabis, avec quelques petits aménagements comme pour l’alcool.

Le bricolage est tel qu’on sent qu’il s’agit juste d’une contribution pour faire pencher la balance de l’opinion publique.