Le véganisme : « déviance alimentaire mortifère » ou esprit révolutionnaire?

Il y a eu une tribune publiée hier sur Le Figaro et ayant comme titre « Mode vegan : épargnons nos enfants ! », écrite par Patrick Tounian, Professeur de Pédiatrie, Chef du service de nutrition et gastroentérologie pédiatriques à l’Hôpital Trousseau à Paris.

Patrick Tounian reprend les arguments classiquement délirants faisant des vegans des gens qui donneraient juste du lait végétal aux enfants, les privant de croissance, abîmant leur santé et mettant leur vie en danger.

Son discours est véhément, faisant des partisans du véganisme des dégénérés ayant ici une « méfiance paranoïaque envers le lait ». Bref le véganisme serait une pathologie mentale, ni plus ni moins, une « déviance alimentaire mortifère ».

Cela n’a rien d’original et c’est très peu intéressant, surtout qu’il défend les industriels qui seraient sincères, honnêtes, en quête de vraies informations scientifiques, etc. C’est ridicule et cette personne est une caricature des années 1960.

Cependant, voici un passage à prétention scientifique qui est intéressant, non pas en ce qu’il dit qui est faux, mais parce qu’il indique le fond du problème.

« Mais pourquoi un tel engouement pour le végétalisme? La défense de la cause animale reste la principale motivation. Nul ne peut nier que l’exploitation des bêtes dans le but de nourrir les humains puisse choquer.

Même si nous savons que ces animaux ne seraient pas conçus s’ils n’étaient pas destinés à être consommés, l’issue funeste qui les attend peut être difficile à supporter.

Mais tous les scientifiques sans exception sont unanimes pour admettre que l’absence de produits carnés, de poissons ou de lait accroît considérablement les risques de carences nutritionnelles, et ceci depuis des millénaires.

N’oublions pas que c’est l’adjonction régulière de viande à un régime essentiellement végétalien qui a catalysé l’hominisation des primates, notamment en développant leur cerveau, et permis ainsi aux Homo sapiens que nous sommes de dominer la planète. »

Ce passage est très important, car il montre que la grande peur de ces gens, c’est que l’engagement débouche sur un changement historique. Osons le mot « révolution », car c’est de cela dont il s’agit.

D’où le discours comme quoi il y aurait une continuité alimentaire « depuis des millénaires », voire même depuis les tous débuts de l’humanité. Comme s’il n’y avait eu aucun changement, comme si on mangeait la même chose qu’il y a cinquante ans, 250 ans, 1000 ans ou 10 000 ans…

D’où le discours conquérant : être heureux que l’humanité soit en mesure de « dominer la planète » en 2017 relève d’un unilatéralisme qui n’est même pas un soutien béat à la destruction générale de la planète, mais d’une mauvaise foi complète.

D’ailleurs, on se doute que quand cette personne parle de carences, elle prend comme critères ce qui est donné par les industriels. Précisons d’ailleurs ce qu’on peut lire au sujet de Patrick Tounian sur le quotidien du médecin publiant un de ces articles :

Lien d’intérêt du Pr Patrick Tounian : Blédina, Nestlé, Mead Johnson, Novalac, Carrefour

C’est sûr que vu comme cela, on a tout compris…

Car il n’y a pas de point de vue neutre. Il s’agit de transformer l’humanité : le véganisme n’est pas un raisonnement individuel, c’est une tendance historique, qu’on ne peut comprendre que si on prend en compte le rapport à la Nature, et donc la reconnaissance de la Nature.

Soit les choses sont immuables et ce docteur a raison, soit elles changent, car tout change, et l’humanité a avancé à un point où elle doit faire un choix : celui de l’égoïsme forcené et de l’anthropocentrisme, qui ne peut amener que sa destruction, ou bien celui de la reconnaissance de la vie organisée à l’échelle planétaire.

Il faut saisir la dimension de l’enjeu qui se pose au 21e siècle…