Les caractéristiques des pigeons

Les pigeons, réunis aux tourterelles, forment ensemble une nombreuse tribu d’espèces dont le placement systématique, dans la série des oiseaux, a beaucoup embarrassé les naturalistes.

Linné en a fait un genre de ses passereaux, passeres ; Brisson, Pennant, Temminck et Latham, les isolent dans un ordre particulier, tandis que Cuvier et d’autres auteurs en font une division des gallinacés.

Les caractères génériques de ces oiseaux sont :

bec faible, grêle, droit, comprimé latéralement, couvert à sa base d’une membrane voûtée sur chacun de ses côtés, étroite en devant;

mandibule supérieure plus ou moins renflée vers le bout, crochue, ou seulement inclinée à sa pointe; narines oblongues, ouvertes vers le milieu du bec, placées clans un cartilage formant une protubérance membraneuse, plus ou moins épisse, plus ou moins molle; langue pointue et entière;

pieds marcheurs, courts, rouges dans la plupart, à ongles simples; quatre doigts, trois devant, un derrière;

les antérieurs rarement réunis à leur origine par une petite membrane, presque toujours totalement libres ;

ailes allongées et pointues, ou arrondies et médiocres; corps charnu et savoureux;

nourriture consistant en fruits, grains et semences qu’ils avalent sans les briser avec le bec, nid fait sans art sur des branches d’arbres ou dans des trous; monogamie.

Comme les passereaux, les pigeons sont monogames, c’est-à-dire qu une femelle suffit à un mâle. Ils restent ensemble pendant toute la saison des amours, et travaillent en commun à la construction d’un nid; tous deux partagent les soins de l’intubation, et de l’éducation de leurs petits.

Ceux-ci sont longtemps nourris dans le nid avant d’en sortir; ils naissent aveugles et incapables de choisir leur nourriture que le mâle et la femelle leur apportent tour à tour ; enfin ils ne se hasardent à quitter le berceau qui les a vus naître, que lors-qu’ils sont entièrement couverts de plumes.

Les gallinacés, au contraire, sont polygames, et le mâle, dans plusieurs espèces, peut servir à un grand nombre de femelles. Celles-ci s’occupent seules â préparer le nid pour leur nouvelle famille; elles pondent un grand nombre d’oeufs, les couvent, et font éclore leurs petits sans que le mâle ait l’air d’y prendre le moindre intérêt.

Dès que les petits sont éclos, as voient, marchent, quittent le lieu de leur naissance, savent reconnaître et prendru leur nourriture sans le secours de leurs pareils.

Outre cela, les gallinacés ont le doigt postérieur articulé sur le tarse beaucoup au-dessus des doigts antérieurs, ce qui leur ôte la faculté de saisir un juchoir avec solidité, et les condamne à rester sur la surface du terrain sans jamais se percher, comme font les passereaux et les colombes.

Tous ces caractères sont plus que suffisants pour séparer les pigeons des gallinacés; mais nous allons trouver des raisons pour les ôter aussi de la classe des passereaux.

Lorsque ces derniers boivent, ils prennent de l’eau dans la mandibule inférieure de leur bec, et la font couler dans leur gorge en élevant rapidement la tète presque verticalement; tous font plus de deux oeufs; ils placent simplement dans le bec de leurs petits la nourriture qu’ils leur apportent; enfin ils n’ont pas la faculté d’enfler leur gorge.

Les pigeons, au contraire, plongent leur bec dans l’eau quand ils boivent, et aspirent d’un seul trait toute la quantité de liquide dont ils ont besoin ; ils ne font jamais que deux oeufs; ils nourrissent leurs pigeonneaux en leur versant dans la gorge, d’une manière particulière, des aliments préparés dans leur estomac; ils savent aspirer un plus ou moins grand volume d’air, et le retenir dans leur oesophage autant de temps qu’ils le veulent.

Tout ceci prouve une organisation intérieure tout-à-fait différente, outré que la singularité de leurs caresses, la nature de leur plumage et leur défaut de chant, les éloignent davantage encore de cette classe d’oiseaux.

Il résulte de ceci que les pigeons doivent faire, comme le pensent Temminck, Levaillant, et d’autres naturalistes, un ordre à part, que l’on pourrait cependant intercaler entre les passereaux et les gallinacés, faute de pouvoir lui trouver une autre place.

On connait quelques pigeons qui, en état de liberté, se nourrissent de baies et même, d’insectes ; mais généralement ils sont granivores, et tous ceux réduits à l’état de domesticité vivent de graines. Ces aliments subissent dans leur oesophage, ou jabot, une première macération qui les rend plus faciles à digérer quand ils sont descendus dans l’estomac, ou gésier.

Ce gésier est revêtu de muscles très épais, très forts, et garni en dedans d’une membrane veloutée et coriace ; il exerce sur les aliments une forte action mécanique.

Les pigeons, comme presque tous les oiseaux, avalent une certaine quantité de petites pierres, qui, mêlées avec les graines déjà ramollies dans le jabot, se trouvent en trituration avec elles, et achèvent par leur dureté de les réduire en une pâte alimentaire.

Tous les oiseaux ont les poumons simples, entiers, attachés fixement aux côtes et à l’épine du dos, et non enveloppés dans la plèvre; ils sont percés de trous qui permettent à l’air de se répandre dans toutes les parties du corps, même dans les cavités des os, mais principalement dans de grands sacs placés dans la poitrine et le bas-ventre, par le moyen desquels ils peuvent s’enfler considérablement, ce qui facilite leur vol et produit ce grand volume de voix qui nous étonne quelque fois.

Les pigeons ont cette faculté singulière à un point beaucoup plus étonnant encore ; ils savent aspirer et retenir dans leur jabot un volume d’air si considérable que, dans quelques variétés, leur gorge, ainsi enflée, est souvent aussi grosse que tout le reste de leur corps.

(Les Pigeons de volière et de colombier, ou Histoire naturelle des pigeons domestiques, Boitard, Pierre, 1824)