Procès de l’abattoir du Vigan : le lampiste paie pour l’exploitation animale

Il existe de nombreux termes en français pour qualifier quelqu’un désigné comme victime expiatoire : lampiste, bouc-émissaire, peccata.

Et dans l’affaire du procès de l’abattoir du Vigan, c’est donc Marc, un simple ouvrier, fils d’éleveur, qui fait office de lampiste, de bouc-émissaire, de peccata.

Lui qui a commencé dans le métier à 15 ans et demi, comme il l’a expliqué au procès, et on lui a tout de suite dit :

« Dans le métier, « il te faut tuer »»

Et c’est donc lui et lui seul qui a été condamné suite à la révélation de « maltraitances » dans l’abattoir du Vigan, dans le Gard, montrées par l’association L214 qui avait installé une caméra.

Nous mettons « maltraitances » entre guillemets, car naturellement, un abattoir est en soi déjà une maltraitance. Relativiser est une mauvaise chose.

Tout comme d’ailleurs ne pas prendre en compte la réalité sociale, économique, culturelle…

Car l’ouvrier en question, Marc, lui, pourtant, n’a rien choisi : il lui fallait un travail, on lui en a donné un et on a exigé des choses de lui.

Lui qui a fait une formation de protection animale, mais qu’on lui a imposé, car comme il l’a expliqué au procès, personne n’avait voulu la faire.

Lui, donc, qui s’est retrouvé jeune dans un universel grotesque et criminel, où règne la mort et son odeur. De quoi devenir fou !

Et donc, forcément… les actes sont cruels, aisément barbares. Nul « spécisme » à cela, juste des conditions concrètes !

Cela ne le dédouane pas d’avoir frappé des moutons et jeté des brebis par-delà des barrières, comme le montre des vidéos. D’avoir éprouvé du plaisir à électrocuter des moutons.

Mais cela l’explique. Car l’ouvrier en question est lui aussi une victime d’un système qui broie la vie.

Le procureur, méprisant la condition ouvrière, a par exemple souligné que « les rires accréditent le caractère sadique », déshumanisant ainsi l’ouvrier. Mais qui ne sait pas à quel point les humains tentent, en situation extrême comme ici, de jouer avec la mort et la souffrance ?

Qui ne deviendrait pas fou dans un tel environnement où la souffrance et la mort sont, par définition, banalisés ?

Ce n’est, encore une fois, pas justifier, mais expliquer. Et il ne faut par conséquent pas non plus se tromper d’ennemi.

Justement, le directeur de l’abattoir a-t-il été invité à la barre ? Non. Et les services vétérinaires, censés surveiller l’abattoir ? Non plus.

Est-ce l’exploitation animale qui a été en fin de compte dénoncée, alors ? Non, ce sont de simples ouvriers, dans un procès ridicule de bout en bout, car relevant de la figuration pour faire payer des boucs-émissaires.

Deux personnes étaient visées par des peines de 150 et 600 euros d’amende : elles ont été relaxé, car il y avait prescription…

Le gestionnaire de l’abattoir, à savoir la communauté de communes du Pays viganais, a été condamnée à 3500 euros d’amende, contre 6000 euros requis par le procureur. Une peine symbolique, administrative, pour condamner ce qui n’est, aux yeux des institutions, qu’un dysfonctionnement.

Quant à l’ouvrier, Marc, il a été condamné à huit mois de prison avec sursis et 2000 € d’amende, le procureur ayant initialement demandé un an de prison avec sursis et 3400 euros d’amende. A cela s’ajoute une interdiction d’exercer pour cinq ans au sein d’un abattoir.

Qu’en tirera-t-il ? Que tout le monde, au final, se sera bien moqué de lui et de sa condition. Que son parcours humain n’aura intéressé personne. Que sa réalité, avec toutes les implications, n’aura interpellé personne.

Il a, dans les faits, servi de bouc-émissaire : l’exploitation animale ne serait pas le problème, seulement des individus « ratés », coupables de « dysfonctionnements »…

L’avocat de la communauté des communes, Yvon Goutal, s’est d’ailleurs réjoui que les choses aient été claires à ce sujet, étant « satisfait qu’il n’y ait pas de condamnation de l’abattage dans son ensemble ».

L’association L214, à la source des images filmées, est satisfaite à ce titre également, estimant que le procès est un grand pas en avant :

« La reconnaissance, pour la première fois, de la commission d’actes de cruauté et de sévices graves dans un abattoir par un employé, et de la violation des règles de protection des animaux par l’exploitant d’un abattoir est une avancée de la prise en compte par la justice des souffrances subies par les animaux dans ces lieux si hostiles, ces animaux oubliés de tous et laissés à l’abri des regards. »

En ce sens, l’une des deux avocates de L214, Hélène Thouy, a expliqué :

« C’est une réponse pénale ferme, qui envoie un message clair à l’ensemble des exploitants d’abattoirs : “Vous devez faire respecter les règles”.»

Les règles ? Les règles de la mort industrielle, de la souffrance planifiée. Qui ont été passées sous silence, avec un lampiste payant pour masquer la réalité de l’exploitation animale, parce que c’est un ouvrier.