Aymeric Caron demande un strapontin pour l’antispécisme à Jean-Luc Mélenchon

C’est une chose étrange et décalée qui serait insignifiante si elle n’en disait pas long sur beaucoup de choses.

On connaît bien Aymeric Caron, il n’est pas la peine de revenir dessus. Celui-ci a publié une tribune dans le journal bobo Libération, intitulée « Jean-Luc Mélenchon, faites entrer le Parti animaliste à l’Assemblée ».

Ce qui frappe déjà, c’est que sur son facebook il s’est fait copieusement dénoncé par les « fans » de Jean-Luc Mélenchon, en raison de l’appel à voter contre Marine Le Pen au second tour. On sait à quel point il y a ici deux points de vue totalement opposés, entre les abstentionnistes et les gens voulant bloquer Marine Le Pen, parce que quand même il faut savoir raison garder…

Et donc là Aymeric Caron publie une tribune, en demandant une chose assez farfelue.

Il explique qu’il n’apprécie pas la France insoumise, qu’il trouve trop timorée sur la question des animaux, expliquant par exemple que le fait de ne pas vouloir par exemple supprimer la corrida ou les animaux dans les cirques témoigne d’un refus de faire un pas même minime…

« Le refus de Mélenchon de condamner la corrida et la présence d’animaux dans les cirques m’a définitivement convaincu de m’abstenir de lui donner ma voix.

En effet, je peux comprendre qu’un candidat à une élection présidentielle hésite à promouvoir la fin des élevages et la transition vers un modèle agricole entièrement végétal, tant le chantier est audacieux.

En revanche, tout opposant à la souffrance animale se doit a minima de réclamer la fin des pratiques barbares qui n’ont pas le soutien des Français et dont la disparition immédiate ne causera aucune gêne à la bonne marche du pays.

La corrida, qui vit largement de subventions, et qui n’existe que par la tolérance d’une exception à la loi générale, peut être supprimée demain sans que cela entraîne des grèves générales dans le pays, ni ne provoque de crise économique majeure.

Idem pour les animaux-objets prisonniers des cirques. La frilosité de la France Insoumise sur ces deux évidences m’a semblé suspecte. »

Et pourtant Aymeric Caron demande à Jean-Luc Mélenchon d’abandonner deux postes de députés au « parti animaliste ».

« Dans les tractations que vous menez en ce moment-même avec d’éventuels partenaires en vue des législatives, réservez au moins deux postes au Parti animaliste.

Il vous suffit pour cela de présenter, dans deux circonscriptions acquises, en lieu et place du représentant de la France insoumise, un(e) candidat(e) des Animalistes. »

Pour autant, ces deux postes de députés seront totalement indépendants et les députés du « parti animaliste » ne soutiendraient pas Jean-Luc Mélenchon…

« Evidemment, ce geste en faveur du Parti animaliste doit s’accomplir sans l’exigence de la moindre contrepartie: les élus animalistes seraient indépendants dans leurs votes à l’Assemblée, puisqu’ils ne souhaitent se prononcer que sur les sujets qui ont des conséquences directes sur les animaux. »

C’est ahurissant : quel mouvement politique se présentant aux élections, espérant former une majorité au parlement, serait assez fou pour abandonner deux postes de députés ?

Et d’ailleurs quelle est cette notion de démocratie où les gens voteraient localement pour le mouvement de Jean-Luc Mélenchon, qui donneraient alors deux postes de députés à des gens ne les représentant même pas ?

C’est là l’idée d’une sorte de « cadeau » qui serait octroyé par le « prince » Jean-Luc Mélenchon !

Et le pire, c’est que cela reflète le point de vue de toute une frange des gens défendant les animaux, qui dans l’esprit bobo – hipster espèrent obtenir un strapontin auprès de la « mode » actuelle que représente Jean-Luc Mélenchon…

Aymeric Caron a cependant bien tort de prétendre que « les militants de la protection animale ont en majorité reporté tous leurs espoirs » sur Jean-Luc Mélenchon. C’est là nier l’influence très importante de l’extrême-droite, mais il est vrai que vu depuis le point de vie bobo parisien, cela ne doit pas vraiment se voir…

Au fond, tout cela est une anecdote, sans grand intérêt. Mais cela révèle que la mise en vente du véganisme a déjà commencé.

En glissant du véganisme à l’antispécisme, les bobos, hipsters, commerçants et intellectuels tentent de nier l’universalisme de la question pour insérer leur pseudo-rébellion dans l’ordre établi.

La conclusion de la tribune d’Aymeric Caron reflète tout à fait cette tentative de mise en vente du véganisme transformé en accessoire :

« Il y a au Parti animaliste suffisamment de femmes et d’hommes investis de tout leur être dans le combat pour les droits des animaux.

Ils sont eux aussi des insoumis qui refusent l’ordre établi et combattent l’injustice faite aux plus faibles.

Je sais que parmi les représentants de la Nation, leur voix sera le signal fort du bouleversement idéologique en cours. Merci, Monsieur Mélenchon, de favoriser cette opportunité. »

Le véganisme, en tant qu’universalisme, est balayé au profit d’un antispécisme qui serait, en fin de compte, une « insoumission » comme une autre, et aurait donc sa place parmi les « insoumis » en général.

C’est exactement la position qu’avait, par exemple, la « commission antispéciste » de Nuit Debout, au nom de la « convergence des luttes ».

A cela, il faut répondre « non ! ». Le véganisme est un universalisme et nécessite de réfléchir à comment établir un projet utopique réellement révolutionnaire, transformant entièrement le monde.

Les animaux ne sont pas une thématique à part!

Ceux qui cherchent à l’assouplir et à contourner sa diffusion, en le diluant, en l’adaptant, en en faisant un accessoire, en détruisent sa nature profonde.