Coucher avec n’importe qui, c’est ne pas avoir les idées claires

Coucher avec n’importe qui, ce serait le bonheur : voilà l’idéologie de l’individualisme. Comme si la sexualité n’était que pulsion et comme si dans le fait de coucher avec quelqu’un, il n’y avait que soi qui comptait.

On « choisirait » quelqu’un, mais sans le connaître vraiment ; c’est une démarche pleine de vanité et réduisant la vie à un plan, les autres à des objets.

Il n’y a plus ici d’amour authentique de possible ni de souhaitable : seulement la consommation, la vue à court terme, le cynisme de l’utilitarisme…

Tomber amoureux et le rester n’est-il pas la dernière ringardise dans une société où il faut toujours rester sur ses gardes, car le partenaire reste toujours individualiste, toujours prêt à partir, à trahir ?

Dans cette société, la seule chose qui compte c’est soi-même : on peut prendre ses décisions comme on veut, car on est le centre de son petit monde. C’est une vision non seulement cynique, mais absurde, car empêchant toute construction.

Il faut s’y opposer, en montrant la bataille pour les sentiments, pour reconnaître la dignité de la fidélité, en désignant clairement ce qui est un obstacle à l’épanouissement.

Sur rue 89, qui appartient à L’Obs (le nouveau nom du Nouvel Observateur), on trouve par exemple un blog qui s’appelle Tinder surprise. C’est un exemple parlant, car L’Obs se veut un média profondément ancré et engagé à gauche.

En réalité, c’est juste du libéralisme libertaire, à l’image du blog, qui joue avec les termes de « Kinder surprise » pour présenter des petites histoires de personnes utilisant l’application de rencontres Tinder.

Voici un extrait hautement parlant et profondément glauque d’une de ces histoires (Le date pourri d’Edouard. Une ex arrive : « Tu vas voir, c’est un gros bâtard ! »)

« J’étais avec une fille sans être vraiment avec elle non plus. (…) Un soir, sur Happn, j’envoie un charme à une fille : Justine. (…)

Au moment de trinquer, je vois une silhouette s’approcher. Une fille avec qui j’ai eu une histoire d’une semaine, il y a un an : Audrey. Elle s’adresse à Justine :

« Salut ! Tu ne me connais pas, mais tu vas voir ce gars là, c’est un gros bâtard ! »

En fait cette fille avec qui je suis resté une semaine, une fois on a oublié de se protéger et elle est tombée enceinte. J’avais 30 ans. Elle en avait 21. Elle était saisonnière… Je lui avais dit qu’on ne pouvait pas se permettre de garder cet enfant. Elle, elle, réfléchissait à le garder. Elle vient d’une famille catho et je crois qu’elle était un peu rattrapée par ses croyances.

Voilà donc comment d’un air assuré et très calme, cette fille me traite de « gros bâtard » à la terrasse d’un bar où je date une fille.

Je suis surpris, étonné et du coup j’arrive juste à dire :

« Oh c’est toi ! Ça va ? »

Sur ce, Audrey explique à Justine l’histoire, qu’elle est tombée enceinte de moi alors que j’avais déjà une copine, que j’ai gâché sa vie, etc… Qu’elle voulait un enfant et qu’elle n’a pas pu le garder.

Justine lui réplique qu’elle s’en fout et qu’elle ne la connaît pas. »

C’est profondément glauque, c’est d’une indifférence terrible. C’est littéralement à vomir.

Voici un autre exemple (Le date PAR-FAIT d’Ernestine : « J’ai très envie de me taper son pote ») :

« On parle aussi de son histoire d’amour, de son mariage en couple libre. J’aime bien la façon dont il en parle. Je connais plein de couples en mode « mariage ouvert » et je trouve souvent qu’ils se racontent des histoires. Là, non, je comprends leur truc.

Mais je me rends aussi compte que le mec est hyper amoureux de sa femme. Et que donc qu’il ne se passera jamais rien de sérieux entre lui et moi. Il est très clair sur ce qu’il a à offrir. Du coup, les choses sont assez saines.

Bon à la fois ça ne me donne pas très envie de le pécho. C’est pas hyper sexy quoi un mec à fond sur sa meuf. (…)

Là, un peu bourrée, je lui dis : « Bon écoute, on a un problème. J’ai envie de me taper ton pote ».

Il a alors cette réaction de polyamoureux qui est juste trop bien.

« Ernestine. Je n’ai aucun droit sur ton désir. Et c’est ton corps. Comment pourrais-je m’arroger des droits dessus ? »

Je lui roule un pelle parce que bonne réaction trop classe. Et du coup, je vais voir Olle et je lui dis : « C’est bon, c’est OK. On peut se pécho. »

Je lui ai roulé une énorme pelle et on est partis baiser chez moi. Je n’ai jamais revu Olle. Au début je pensais le revoir et puis c’est mort tout seul et ça c’est jamais fait. »

Les choses seraient assez saines, car on poserait une base « claire » dès le départ : peut-on aller plus loin dans la négation de l’émotion, de la réalité sentimentale?

Tout ici est calcul, manipulation des gens autour de soi, utilisation de son propre corps comme un objet.

Et tout doit être mis à la disposition pour cela. Le Monde a publié un article cette semaine, intitulé « Aujourd’hui, si je n’étais pas sous PrEP, je serais déjà séropositif ». Quelque chose d’hallucinant, de complètement fou même. En voici un extrait :

« En France, 5 000 personnes seraient sous PrEP, la pilule « anti-sida ». Disponible depuis plus d’un an dans l’Hexagone, elle est surtout prescrite aux gays et bisexuels dont les pratiques sexuelles sont à risque. (…)

Depuis un an et demi, quelque chose a changé dans sa vie : Guillaume est « prépeur ». Comprenez : sous PrEP (prophylaxie préexposition). Chaque matin, il prend un comprimé composé de deux antirétroviraux hautement actifs contre le VIH, alors qu’il est séronégatif et en pleine santé.

Cela lui permet d’avoir des rapports sexuels avec et sans préservatif, avec un risque de transmission proche de zéro. Pour faire court, c’est une « pilule anti-sida ». Une nouvelle stratégie de prévention du VIH s’adressant aux personnes les plus exposées au virus.

Dans la cuisine de son 30 mètres carrés lumineux, entre les capsules à café et la machine à laver, le pilulier en plastique blanc se fond dans le décor. C’est du Truvada, la marque phare de ce médicament « qui [le] protège de l’intérieur », et fait de lui, affirme-t-il, un « avant-gardiste libéré qui prend soin de lui ». Guillaume a les idées claires comme l’est le ciel de Paris ce matin de septembre. »

Faut-il être plus ébahi devant la métaphore du ciel de l’est parisien ou devant l’hallucinante proposition selon laquelle cette personne aurait les « idées claires » ?

On a ici affaire à un éloge de l’auto-destruction, au nom de l’individu « faisant ce qu’il veut ».

Et pour bien comprendre l’ampleur sociale de ce désastre, être sous PrEP » est quelque chose de remboursé à 100 % par la Sécurité sociale ! Et c’est à la carte : on peut l’avoir en continu, ou juste pour plusieurs jours… Cela coûte 180 euros le mois, plus de quatre cents même avant l’arrivée des génériques en juillet dernier.

C’est un exemple pathétique de comment une société s’autodétruit dans un mélange individualisme – capitalisme – déresponsabilisation – négation des sentiments – refus de construire un couple.

Mais est-ce vraiment nouveau, que ce culte du fait de coucher avec n’importe qui sans lendemain, comme « libération » de l’individu ? Pas du tout, rappelons-nous de la chanson de Michel Fugain, « Une belle histoire ».

En 1972, la chanson s’est vendue à 800 000 exemplaires en version 45 tours et c’est un tube de la radio. Alors que c’est une chanson insipide, totalement glauque, où on ne trouve du sens que dans une sorte de fuite en avant, qui n’atteindra par définition aucune profondeur, puisque sans sentiments…

C’est un beau roman, c’est une belle histoire
C’est une romance d’aujourd’hui
Il rentrait chez lui, là-haut vers le brouillard
Elle descendait dans le midi, le midi
Ils se sont trouvés au bord du chemin
Sur l’autoroute des vacances
C’était sans doute un jour de chance
Ils avaient le ciel à portée de main
Un cadeau de la providence
Alors pourquoi penser au lendemain

Ils se sont cachés dans un grand champ de blé
Se laissant porter par les courants
Se sont racontés leur vies qui commençaient
Ils n’étaient encore que des enfants, des enfants
Qui s’étaient trouvés au bord du chemin
Sur l’autoroute des vacances
C’était sans doute un jour de chance
Qui cueillirent le ciel au creux de leurs mains
Comme on cueille la providence
Refusant de penser au lendemain

C’est un beau roman, c’est une belle histoire
C’est une romance d’aujourd’hui
Il rentrait chez lui, là-haut vers le brouillard
Elle descendait dans le midi, le midi
Ils se sont quittés au bord du matin
Sur l’autoroute des vacances
C’était fini le jour de chance
Ils reprirent alors chacun leur chemin
Saluèrent la providence en se faisant un signe de la main

Il rentra chez lui, là-haut vers le brouillard
Elle est descendue là-bas dans le midi
C’est un beau roman, c’est une belle histoire
C’est une romance d’aujourd’hui

On a ici exactement les mêmes valeurs mentionnées plus haut : déresponsabilisation, refus de construire, individualisme forcené, négation des sentiments…

C’est l’approche de la vie individuelle comme micro-entreprise : tout est une question de consommation, de manipulation, d’utilisation, de rapports de force.

C’est la négation des sentiments, la mutilation de sa propre vie!

Et pour conclure sur une note positive et rappeler vers quoi il faut se diriger, voici les paroles de la chanson The Power of Love du groupe Frankie Goes to Hollywood, en 1984.

L’approche de cette chanson, si valorisée par le passé, est aujourd’hui vue comme candide, naïve, fausse par l’idéologie dominante. C’est faux : ce qui y est dit est juste dans sa mise en perspective!

[partie manquante dans la version single
I’ll protect you from the hooded claw
Keep the vampires from your door
Je te protègerai de la griffe encapuchée [allusion au méchant du dessin animé Pattaclop Pénélope!]
J’éloignerai les vampires de ta porte]

Dreams are like angels
They keep bad at bay… bad at bay
Les rêves sont comme des anges
Ils gardent le mal au loin… le mal au loin

Love is the light
Scaring darkness away
L’amour est la lumière
Qui effraie au loin les ténèbres

I’m so in love with you
Purge the soul
Je suis si amoureux de toi
Purgez l’âme

Make love your goal
Faites de l’amour votre but

The power of love
A force from above
Cleaning my soul
Le pouvoir de l’amour
Une force d’en haut
Nettoyant mon âme

Flame on burn desire
Love with tongues of fire
Une flamme sur un désir ardent
L’amour avec des langues de feu

Purge the soul
Make love your goal
Purgez l’âme
Faites de l’amour votre but

I’ll protect you from the hooded claw
Keep the vampires from your door
Je te protègerai de la griffe encapuchée
J’éloignerai les vampires de ta porte

When the chips are down I’ll be around
With my undying, death-defying love for you
Aux moments critiques je serai là
Avec mon amour pour toi qui ne meurt pas, défiant la mort

Envy will hurt itself
Let yourself be beautiful
L’envie se blessera toute seule
Laisse-toi être belle

Sparkling love.. flowers and pearls and pretty girls
Amour étincelant…fleurs et perles et jolies filles

Love is like an energy
Rushin’ in… rushin’ in… inside of me
L’amour est comme une énergie
Qui se précipite… se précipite… en moi

The power of love
A force from above
Cleaning my soul
Le pouvoir de l’amour
Une force d’en haut
Nettoyant mon âme

Flame on burn desire
Love with tongues of fire
Une flamme sur un désir ardent
L’amour avec des langues de feu

Purge the soul
Make love your goal
Purgez l’âme
Faites de l’amour votre but

This time we go sublime
Lovers entwine, divine, divine
Cette fois nous devenons sublimes
Des amants enlacés, divin, divin

Love is danger, love is pleasure
Love is pure, the only treasure
L’amour est un danger, l’amour c’est le plaisir
L’amour est pur, l’unique trésor

I’m so in love with you
Purge the soul
Make love your goal
Je suis si amoureux de toi
Purgez l’âme
Faites de l’amour votre but

The power of love
A force from above
Cleaning my soul
Le pouvoir de l’amour
Une force d’en haut
Nettoyant mon âme

The power of love
A force from above
A sky-scraping dove
Le pouvoir de l’amour
Une force d’en haut
Une immense colombe

Flame on burn desire
Love with tongues of fire
Une flamme sur un désir ardent
L’amour avec des langues de feu

Purge the soul
Make love your goal
Purgez l’âme
Faites de l’amour votre but