Un tigre assassiné en plein Paris

Un tigre qui se retrouve à déambuler dans Paris, pour finalement être abattu : voilà ce qui n’est pas un fait divers, mais l’expression de tout un parcours ayant marqué le rapport entre l’humanité et les animaux depuis des siècles.

Car la question dépasse largement celle des cirques, bien que ce soit important, mais pas du tout autant que le pensent ceux qui se focalisent dessus comme ailleurs sur le foie gras ou la corrida.

Tout est effectivement lié, non pas par le « spécisme » qui attribue une méchanceté voulue ou choisie, mais par le rapport général à la Nature. En effet, ce qui compte c’est de se demander pourquoi un tigre peut se retrouver en Europe, en France, à Paris.

Comment, au 21e siècle, un lion peut-il être exhibé dans un divertissement des plus primitifs, dans une des principales villes du monde, avec ce que cela représente en termes de culture?

Cette question est tellement explosive dans son contenu que les faits sont passés, si ce n’est sous silence, tout à fait inaperçus. C’est la réduction à un fait divers de quelque chose extrêmement grave, comme le révèle très bien l’attitude de la préfecture de police, sur un mode « circulez il n’y a rien à voir » tout en utilisant même un émoticône « tigre ».

Les faits se sont déroulés dans le 15e arrondissement de Paris, juste devant les locaux de France TV, au niveau des grands boulevards dits des maréchaux cerclant la capitale. Le tigre s’est enfui, sans que l’on sache encore pourquoi (si on ne le saura jamais) du cirque Bormann, se déplaçant vers une allée, le square Carlo Sarrabezolles.

Deux dompteurs, munis d’une perche et d’un morceau de viande, sont allés tenter de le récupérer, pour finalement procéder eux-mêmes à son assassinat. Cet assassinat a été commis… au fusil à pompe ! Au moyen de deux balles d’abord, puis d’une troisième pour l’achever.

Le fait qu’un fusil à pompe soit employé signifie bien des choses. Cela signifie en effet que les dompteurs ne disposaient pas de fusils spéciaux avec des fléchettes pour endormir l’animal.

On est ici dans une sorte de gestion « à l’ancienne », comme en témoigne d’ailleurs l’image de la cage où le lion se retrouvait avec deux autres de ses semblables. Il n’y a ici nul « spécisme », mais une véritable arriération culturelle, une aberration sur le plan de la civilisation : on a affaire une activité primitive, pratiquement artisanale.

On est pourtant au 21e siècle et cela s’est déroulé à Paris, ce qui montre que le fond de l’histoire, c’est l’incompréhension fondamentale de la Nature. Le lion est coupé de sa réalité naturelle, il est exhibé pour des gens qui vont encore au cirque, qui y emmènent encore les enfants.

Le niveau de conscience est donc bien plus que faible : il est totalement aliéné. C’est là la vraie problématique qui existe à l’arrière-plan. Non seulement le niveau est faible dans la compréhension de la réalité animale, mais en plus il est façonné par l’exploitation animale.

Les réactions à la mort du lion le révèlent : les gens sont écœurés, scandalisés, tout cela témoigne que quelque chose ne va pas, qu’il y a un vrai problème de fond. Mais cela ne va pas plus loin, parce que les gens n’imaginent pas qu’autre chose est possible.

Il ne s’agit pas seulement de leur proposer d’être vegan individuellement. Il s’agit de montrer qu’une autre civilisation est possible, que la Terre doit redevenir bleue et verte. La critique de l’anthropocentrisme ne peut exister qu’associée à la proposition concrète d’un autre monde.

Il en va de la défense de la Nature et de la protection de notre mère la Terre : sans cette perspective, l’effondrement des valeurs ne peut que continuer, en raison de la dispersion, de l’absence de connection à l’ensemble.