Dans quelques jours vont commencer les débats amenant la révision des lois de bioéthique.
C’est là un processus d’une importance capitale, d’une valeur historique. En effet, si auparavant le rejet de la Nature consistait en un contenu avec des formes très diverses, pour la première fois il y a une volonté d’ériger cela en système ouvert, reconnu.
Les thèmes du « débat » – en fait une vaste propagande pour faire passer la pilule libérale – vont consister en la procréation médicale assistée (PMA) pour toutes les femmes y compris célibataires, le stockage des données concernant la santé des personnes, la génétique, la fin de vie en général et l’euthanasie en particulier voire le suicide assisté, et inévitablement la gestation par autrui (GPA).
Cependant, il ne faut pas se leurrer et bien voir que ces thèmes sont à la fois des vecteurs et des verrous à faire sauter. Si ces digues tombent, tout tombe, peut-on même dire. Pourquoi ? Tout simplement, parce qu’il y a la conjonction :
– d’une science sans conscience qui applique simplement ce qu’elle peut techniquement appliquer ;
– d’un vaste panel d’entreprises lancées sur un tel marché ;
– d’un individualisme forcené faisant des « droits » individuels l’essence de la vie.
Le raisonnement est le suivant : s’il est possible de payer pour avoir une nouvelle dimension de la vie d’un individu, alors cela est juste, du moment qu’il n’y a pas de préjudice pour autrui. C’est la négation complète de l’universel au profit du particulier.
C’est la négation de l’être humain comme figure universelle, au profit d’un ultra-individualisme forcené. C’est le culte du choix individuel, qui ferait l’identité même de la personne. C’est une tendance de fond présente à tous les niveaux de la société : tout serait relatif, on n’aurait pas le droit de rien critiquer ni dénoncer.
L’ ouverture d’esprit a été dévoyé en libéralisme forcené et en réponse purement individuelle. La « tolérance » est le masque d’un turbo-capitalisme faisant du corps un champ de bataille pour le marché. La fuite dans les mutilations corporelles afin de « changer de sexe » – une pure aberration biologiquement parlant – est un excellent exemple de cette fuite identitaire faisant de la consommation de son propre corps un moyen « d’avancer dans la vie ».
Force est de constater que, comme pour le cannabis, les digues sont d’ailleurs déjà tombées culturellement. L’Église catholique a malheureusement pris jusque-là la tête de la critique de cette évolution au moyen du mysticisme religieux et des valeurs réactionnaires, comme avec « la manif pour tous ».
Las ! La base catholique ne suit pas du tout, car elle est elle-même pourrie par le libéralisme, l’idéologie du chacun-fait-ce qu’il-veut-cela-le-regarde. Une large majorité des gens est favorable à ce qu’une femme seule puisse « faire un bébé toute seule », même si cela n’est pas vrai au sens strict. L’utilisation scientifique « efface » la dimension naturelle, au profit d’un « droit »… Et qui n’est pas pour que l’on ait plus de droits ?
D’ailleurs, le « droit » à la PMA est malheureusement un thème très porteur comme revendication « progressiste » – les gens se disant très à gauche ne voyant pas à mal qu’ils disent exactement la même chose que ceux de La République En Marche !
En ce qui concerne la gestation par autrui – les mères porteuses – il se dessine toujours plus une majorité en sa faveur. C’est logique : toutes les digues tombent ensemble, ou aucune. Un libéralisme en appelle un autre. Si l’individu est roi, alors le raisonnement se généralise à tous les domaines.
Même le suicide assisté va s’imposer inévitablement comme thème ! C’est là un découplage total de l’individu et de la société, de l’individu et de la Nature !
Quant au stockage des données, il est essentiel également, car il est un pas nécessaire vers la généralisation systématique des modifications du corps humain, dans le sens d’une « amélioration » ou d’un dépassement. C’est là l’idéologie du transhumanisme, mais ce dernier n’est rien d’autre que l’idéologie de l’individu-roi qui prétend être en mesure de « s’améliorer ».
On est passé du fait de vouloir une vie plus facile, plus épanouie, à une révolte contre la vie elle-même. L’individu prétend dépasser la vie, être sorti entièrement de la Nature.
En raison de l’offensive catholique ouvertement réactionnaire, il va être difficile de faire entendre une autre voix dans les débats bioéthiques. Mais le catholicisme ne fait pas le poids et va toujours plus se discréditer ; il ne restera au final que deux camps.
Celui qui veut que l’individu se dépasse, que l’humanité se considère comme un empire indépendant – et celui qui considère que l’humanité n’est qu’une composante de la Terre comme système, comme Nature en évolution.