L’usage des drogues en France en 2017

Voici la présentation de l’usages de substances illicites en populations générale et spécifiques en France pour l’année passée 2017 par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies. Un dossier plus approfondi est téléchargeable ici.

Usage des principales drogues illicites et polyconsommation

Selon les dernières données disponibles datant de 2016, le cannabis reste de très loin la substance illicite la plus consommée, aussi bien chez les adolescents qu’en population adulte, avec 17 millions de personnes à l’avoir déjà essayé (42 % des individus âgés de 18 à 64 ans). En 2014 (dernières données disponibles), la proportion d’usagers récents (dans le mois) atteint globalement 6,3 % et l’usage régulier (au moins 10 fois par mois) 3,1 %.

Parmi les usagers dans l’année de 18 à 64 ans, selon l’enquête Baromètre santé 2014 de Santé publique France, la proportion de ceux qui présentent un risque élevé d’usage problématique de cannabis (au sens du Cannabis Abuse Screening Test, CAST) est de 21 %, soit 2,2 % de la population française âgée de 18 à 64 ans.

C’est d’ailleurs le produit le plus souvent mentionné comme posant problème parmi les personnes reçues dans les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA). Concernant les cannabinoïdes de synthèse, 1,7 % des 18-64 ans déclarent en avoir déjà consommé, un niveau d’usage similaire à celui de l’héroïne ou des amphétamines.

Le cannabis apparaît comme le produit illicite le plus consommé entre 11 et 16 ans et surtout parmi les garçons. En termes d’expérimentation, l’usage du cannabis est très rare à 11 ans, il concerne 5,6 % des 13 ans et 28,3 % des 15 ans (données de l’enquête HBSC 2014), des proportions stables par rapport à 2010.

D’après les données de la dernière enquête ESPAD, en 2015, 32 % des élèves âgés de 16 ans ont expérimenté le cannabis au moins une fois au cours de leur vie (29 % des filles et 24 % des garçons), un niveau en baisse par rapport à la précédente enquête ESPAD de 2011 (39 %).

Les usages de cannabis ont augmenté entre 2010 et 2014 et se sont depuis maintenus à un niveau élevé, quelle que soit la tranche d’âge et la fréquence d’usage : cette hausse s’inscrit dans un contexte de net accroissement de l’offre de cannabis en France et notamment de développement de la pratique de l’autoculture et de la production locale d’herbe, tandis que le marché de la résine reste pour sa part très dynamique (voir workbook Marché et criminalité).

La consommation de cocaïne, deuxième produit illicite le plus consommé, se situe bien en deçà et concerne environ dix fois moins de personnes, que ce soit en termes d’expérimentation ou d’usage dans l’année.

Toutefois, la part des 18-64 ans ayant expérimenté la cocaïne a été multipliée par quatre en deux décennies (de 1,2 % en 1995 à 5,6 % en 2014), tout comme la proportion d’usagers dans l’année entre 2000 (0,3 %) et 2014 (1,1 %), marquant la diffusion plus large d’un produit autrefois cantonné à des catégories aisées et touchant depuis quelques années l’ensemble des strates de la société. Les niveaux d’expérimentation pour les substances synthétiques telles que la MDMA/ecstasy et les amphétamines sont respectivement de 4,3 % et de 2,3 %.

La proportion d’usagers actuels de MDMA/ecstasy a augmenté de manière significative entre 2010 et 2014 (de 0,3 % à 0,9 %) et atteint ainsi son niveau maximal depuis une décennie. Chez les 18-25 ans l’usage de ce produit devance celui de la cocaïne.

Enfin, la prévalence de l’expérimentation de l’héroïne est de 1,5 % pour l’ensemble des 18-64 ans et l’usage actuel apparaît très rare (0,2 % des personnes interrogées).

La dernière enquête ENa-CAARUD menée fin 2015 dans les Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques chez les usagers de drogues (CAARUDs) a permis de valider les observations qualitatives du dispositif TREND concernant l’évolution des consommations de cette population d’usagers problématiques, en l’occurrence un report des consommations des usagers les plus précaires vers les produits les moins chers, les médicaments et le crack lorsqu’il est disponible (Cadet-Taïrou et al. 2014; Lermenier-Jeannet et al. 2017).

Dans l’ensemble, la structure des consommations au cours des 30 derniers jours avant l’enquête n’a pas connu de modification importante. Néanmoins, certaines évolutions sont observables depuis 2008. Concernant les opiacés, conformément aux observations qualitatives, l’usage de buprénorphine haut dosage (BHD) diminue de façon régulière (depuis 2010) (40 % vs 35 %), au profit de la méthadone (24 % en 2008 vs 34 % en 2015), davantage prescrite, et du sulfate de morphine, le plus souvent détourné (15 % en 2010, 19 % en 2015).

Les consommations de substances codéinées s’élèvent très progressivement depuis 2010, date où elles ont été mesurées pour la première fois (5 % vs 10 %), alors que le niveau d’usage des autres médicaments opioïdes (fentanyl par exemple), interrogé pour la première fois s’élève à 8 %.

Concernant les stimulants, la part des usagers des CAARUD ayant consommé de la cocaïne basée (crack ou free base) poursuit sa progression continue (22 % en 2008, 32 % en 2015). Seuls 5 % des usagers ont consommé du méthylphénidate détourné, mais cette situation est très concentrée géographiquement. On n’observe pas d’évolution concernant les hallucinogènes consommés seulement par un sous-groupe de cette population (15 %).

Par contre, l’usage des benzodiazépines connaît une hausse brutale entre 2012 et 2015 (30,5 % vs 40 %).

Usage de drogues illicites, d’alcool, de tabac et de médicaments

Dans le Baromètre santé de Santé publique France (population adulte) comme dans l’enquête ESCAPAD de l’OFDT (jeunes de 17 ans), la polyconsommation est abordée par le biais de la consommation régulière (au moins 10 usages dans le mois, et tabac quotidien) d’au moins deux des trois produits parmi l’alcool, le tabac et le cannabis, sans qu’il soit possible d’établir s’il s’agit d’usages concomitants.

En 2014, une telle pratique demeure peu courante puisqu’elle ne concerne que 9,0 % de la population adulte. Elle atteint son niveau maximal parmi les 18-25 ans, qui sont une des tranches d’âges les plus consommatrices de tabac et de cannabis (13,2 %). La polyconsommation régulière des trois produits est rare, puisqu’elle concerne 1,8 % des hommes et 0,3 % des femmes âgés de 18-64 ans.

En 2014, la polyconsommation régulière d’alcool, de tabac ou de cannabis concerne 12,8 % des adolescents de 17 ans. Le cumul des usages réguliers de tabac et de cannabis est le plus répandu (5,0 %), devançant de peu celui des usages réguliers de tabac et d’alcool (4,5 %). Le cumul des usages réguliers des trois produits concerne pour sa part 3,0 % des jeunes de 17 ans.

Entre 2011 et 2014, la polyconsommation régulière a progressé de 3 points. Cette concentration des usages réguliers s’est nettement accentuée chez les jeunes filles, dont la polyconsommation a quasiment augmenté de moitié par rapport à 2011, en passant de 5,8 % à 8,4 %.

Concernant le public reçu dans les consultations jeunes consommateurs (CJC), les consultants venus au titre du cannabis sont aussi consommateurs de tabac (87 % de fumeurs quotidiens) et sujets à une alcoolisation fréquente, voire massive. Ainsi, un consultant sur cinq déclare souvent consommer de l’alcool en vue de parvenir à l’ivresse, surtout parmi les jeunes majeurs (19 % des mineurs, 26 % des 18-25 ans, 16 % des plus de 25 ans).

Environ 10 % de ces « consultants cannabis » sont des buveurs réguliers et près d’un quart (22 %) déclare au moins trois alcoolisations ponctuelles importantes (API) dans le dernier mois.

Les consommations d’alcool apparaissent également majoritaires : si 69 % des usagers des CAARUD rapportent avoir consommé de l’alcool au cours du dernier mois, 33 %, soit près de la moitié des usagers récents d’alcool, déclarent avoir consommé l’équivalent d’au moins 6 verres en une seule occasion, tous les jours ou presque au cours de la dernière année (Lermenier-Jeannet et al. 2017).