Nous sommes quelques jours après la décision gouvernementale d’abandonner le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Déjà il faut se réjouir de la protection de la Nature là-bas.
L’aspect principal reste pour nous la vie sauvage, et le fait qu’une partie d’entre elle puisse être préservée est essentiel. Même s’il faut être prudent pour l’avenir, d’autant plus que selon les propres lois de l’Etat français, le projet lui-même aurait dû être impossible en raison de la protection des zones humides…
Mais il faut également voir ce qu’il ressort de cette lutte à Notre-Dame-des-Landes, qui a eu beaucoup d’aspects. Ici il s’agit également voir si nous avons raison de tout d’abord saluer grosso modo le mouvement zadiste, pour ensuite le dénoncer comme s’étant retourné en son contraire.
Nous avions en effet constaté que loin de l’initiative écologiste du début, la ZAD s’est vite retrouvée comme un bastion des partisans de l’individualisme forcené, de la petite propriété et de la petite exploitation animale.
Il y a eu quelques végans pour servir de caution à la ZAD, tant sur place qu’en général, mais c’est absurde car les zadistes se sont toujours positionnés radicalement comme non végan, et donc comme anti-vegan, puisque la petite exploitation animale est leur valeur absolue.
Ces gens sont des réactionnaires, ils veulent réagir contre le monde moderne, ils veulent le passé. Le prochain rassemblement sur la ZAD, le 10 février 2018, confirme même la validité de notre critique rien que par son titre : « enracinons l’avenir ».
C’est là du pétainisme et l’utilisation du terme « s’enraciner » est un exemple pathétique de plus. Un tel vocabulaire relève exclusivement de l’extrême-droite à la française, avec le fameux « la terre, elle, ne ment pas » de Pétain, la terre comme « recours » comme il le dit dans son fameux discours.
Le communiqué de l’association ACIPA au sujet du rassemblement de février développe d’ailleurs tout l’argumentaire mystique du triptyque rustique – petite propriété – petite exploitation animale :
« Depuis des décennies, les 1650 ha de la zad sont menacés par un projet d’aéroport climaticide, destructeur de terres nourricières, de zone humides et de liens sociaux.
En lieu et place de ce projet, des paysan.ne.s résistant.e.s ont continué de vivre sur leurs terres et de nouveaux.elles habitant.e.s sont arrivé.e.s dans les 10 dernières années. Il s’invente sur la zad des formes de vie, d’habitats et d’agriculture fondées sur le partage, la rencontre, le soin du vivant et des biens communs. »
Le soin du vivant, c’est en effet la petite exploitation animale ; les biens communs servent ici de justification au maintien des biens qui ne le sont justement pas, communs ! Les paysans, sur « leurs » terres, voilà le rêve de certains en 2018, alors que nous avons besoin d’une humanité unifiée à l’échelle mondiale pour protéger la planète…
Certains ont d’ailleurs été surpris que le gouvernement n’ait pas décidé de déloger les zadistes. Mais pourquoi serait-il si pressé ? Cela ne dérange personne et cela fait genre la seule opposition consiste en des gens voulant vivre comme il y a cinquante ou cent ans.
Et rappelons que non loin à Nantes les anarchistes cassent régulièrement des choses au centre-ville lors de manifestations. Sans que cela ne change rien, à part permettre au gouvernement d’avoir l’air « démocratique ».
Les zadistes comptent par conséquent continuer tranquillement leur démarche, comme le dit le communiqué de « victoire » :
« Dans le futur, ce territoire doit pouvoir rester un espace d’expérimentation sociale, environnementale et agricole. »
On ne peut pas faire moins révolutionnaire : c’est vraiment l’éloge du repli sur un petit terrain, pour une « expérimentation ». Rien à voir avec l’urgence dont on a besoin !
Et comme le dit le texte commun de l’assemblée du mouvement du 18 janvier 2018, il y en a pour des années à négocier avec l’État, se mettre d’accord sur ce qui va être fait, etc.
Avec l’abandon de l’aéroport à Notre Dame de Landes nous vivons un moment important pour notre devenir commun.
Tandis que l’avenir de ce territoire fait l’objet de fantasmes médiatiques ici nous nous emparons de notre avenir et l’ensemble du mouvement avance concrètement sur sa construction.
Nous nous appuyons sur 10 ans de pratiques communes, assemblées, réunions, activités agricoles, vie quotidienne, organisation d’évènements etc… Nous avons construit une recherche du consensus qui est à la base de notre fonctionnement. Notre travail de réflexion et d’échange a abouti en 2015 à un accord en 6 points. Ils sont ce que nous défendons collectivement aujourd’hui.
Depuis plusieurs mois l’assemblée des usages nous permet de nous organiser sur différents thèmes :
Les hypothèses sur l’avenir qui explorent les formes juridiques possibles pour ce territoire.
Le foncier : ses usages, son partage, son statut
La gestion des conflits tant internes qu’avec l’extérieur (communes proches, organismes officiels etc…)
L’habitat, l’agriculture, la voirie, les communs que nous géronsIl faudra de longs débats et un travail soutenu pour arriver à une formulation détaillée de notre projet, et nous aurons besoin de temps pour en trouver les formules de mise en place.
L’assemblée du mouvement du 18 janvier 2018
On pourrait se demander si, à la limite, tout cela n’est pas un grand gâchis. Sans doute que non. Tout comme le véganisme devait forcément connaître une décadence et un échec avec L214, l’écologie devait s’effondrer avec Europe Ecologie Les Verts et les zadistes.
Trop d’intellectuels liés aux universités, trop de gens de classes sociales supérieures, pas assez de contenu, pas d’engagement sur le long terme à part le plus souvent de carriéristes et d’opportunistes cherchant un moyen à s’intégrer dans les institutions d’une manière ou d’une autre…
Aujourd’hui, ni l’écologie ni le véganisme ne menacent l’équilibre des idées, la neutralité sociale la plus complète. Pourtant, il faut renverser l’exploitation animale et bloquer la destruction de la planète ; le décalage est énorme entre ce qu’il y a et ce qu’il faudrait.
Mais ce n’est qu’un début et les choses n’en resteront bien entendu pas là. La contradiction n’a été que repoussée… Pour s’exprimer d’autant plus violemment après.