Le « Rassemblement des écologistes pour le vivant » d’Aymeric Caron

Mais quel pays ! Au lieu de se mettre à travailler à la base, dans la population, tout est pourri à grande vitesse par des intellectuels, des carriéristes, des entrepreneurs. Et là Aymeric Caron prétend avoir trouvé la recette pour sauver le monde, annonçant sa candidature aux élections européennes de 2019 !

Allons donc ! Nous qui existons depuis le 9 Octobre 2004, on ne nous la fait pas. Nous avons assez de continuité, de pratique et de réflexion pour savoir de quoi il en retourne.

Et de culture, aussi. Parce que nous sommes en France, le pays de Pétain. Et que l’écologie, en France, c’est aussi, voire surtout, voire uniquement, le prétexte au culte de la petite propriété, de la petite production.

C’est le moyen pour le petit propriétaire, le petit bourgeois, le petit entrepreneur, le petit esprit aussi bien sûr, de chercher à exister, coûte que coûte. C’est flagrant dans le véganisme actuel : les animaux, ici, sont pris en otage par des gens qui ne mettront jamais les pieds dans un refuge, qui se préoccupent de cosmétiques et d’alimentation, de lancer leur boîte, en ayant aucune considération pour la vie sauvage.

Et comme il y en a beaucoup des gens comme cela, il y a un nombre incalculable d’associations toutes plus prétentieuses les unes que les autres qui se sont fondées ces dernières années. Avec à chaque fois, la photo du « président » ou de la « présidente » bien visible.

A cette course à l’ego, il est vrai qu’Aymeric Caron est très largement en tête. Alors autant sauter le pas : c’est ce qu’il a fait, annonçant hier dans une tribune dans Le Monde (payante sur le site!), qu’il fondait un « Rassemblement des écologistes pour le vivant » pour se présenter aux prochaines élections européennes.

Il y a déjà un Parti Animaliste pour faire cela, mais on connaît le principe de tous ces gens : moi d’abord ! Le Parti Animaliste avait mis des photos d’animaux pour se faire apprécier lors des dernières élections, Aymeric Caron pourra quant à lui mettre la sienne…

Pour faire bonne figure, il est vrai que la tribune est signée par Malena Azzam, « ancienne porte-parole de l’association PEA (Pour l’Egalité Animale) », et Benjamin Joyeux, « juriste en droit de l’environnement ».

Vous ne connaissez pas PEA (Pour l’Egalité Animale) ? Normal, c’est une association suisse. Malena Azzam est une cinéaste suisse, co-fondatrice de la Crémerie Végane en Suisse. N’y a-t-il donc rien dans notre pays, ni personne, pour aller chercher quelqu’un en Suisse ?

Quant à Benjamin Joyeux, il se présente comme un « écologiste atterré, européen altermondialiste et indianiste gandhien convaincu, inquiet du monde tel qu’il est mais curieux de ce qu’il pourrait être ».

C’est beau d’idéalisme ! Enfin, s’il n’avait pas été attaché parlementaire au parlement européen en 2009-2010, chargé de projet à Europe Ecologie Les Verts de 2010 à 2013, puis conseiller communication de la délégation Europe Ecologie au Parlement européen jusque fin septembre 2016…

Bon, arrêtons la casse et regardons le contenu : après tout, c’est cela qui compte. Que dit la tribune publiée dans Le Monde ?

Mettons la en entier, par principe. Il faut que chacun puisse juger.

L’écologie politique est dans l’impasse en France. Europe Ecologie-Les Verts (EELV) a perdu aujourd’hui la crédibilité nécessaire pour porter le projet d’une société réinventée autour du respect de la planète et de tous ses habitants, humains comme non humains. Les guerres d’ego et les calculs mercantiles n’expliquent pas à eux seuls ce fiasco.

Une des principales faiblesses d’EELV réside dans son mode de pensée dépassé : ce parti prône encore une écologie trop anthropocentrée, qui prétend que la nature est au service de l’homme. D’après cette conception, les animaux non humains, les mers et les forêts ne sont que des « ressources » qu’il faut prendre soin de ne pas épuiser trop vite.

De ce fait, EELV s’accommode du modèle économique néolibéral et se contente de lutter contre ses conséquences les plus néfastes pour la planète. On peut qualifier ce modèle d’« écologie molle ».

Résultat : la défense des droits des animaux n’avance pas d’un pouce, l’industrie continue de faire la loi sur notre agriculture, notre politique énergétique reste indéfectiblement liée au nucléaire, la destruction de la biodiversité s’accélère, en même temps que la pollution de l’eau, de l’air et des sols.

Il y a peu pourtant, plus de 15 000 scientifiques de 184 pays signaient un texte dans la revue BioScience , pour alerter sur la gravité de la situation actuelle. Entre 1990 et 2015, la surface des forêts mondiales a diminué de 129 millions d’hectares, ce qui équivaut à la surface de l’Afrique du Sud.

La disponibilité d’eau douce par habitant a diminué de moitié depuis le début des années 1960. Les trois dernières années ont été parmi les plus chaudes jamais enregistrées, et le réchauffement climatique risque d’atteindre 4 0C à la fin du siècle.

Nous avons déclenché la sixième extinction animale de masse sur Terre : au cours des quarante dernières années, les populations de vertébrés ont baissé de 60 % et les grands mammifères sauvages auront probablement tous disparu dans quelques décennies. La pollution engendre par ailleurs chaque année la mort de plus de 12 millions de personnes dans le monde, les pesticides en tuent 200 000 et l’antibiorésistance 700 000.

Face à l’indifférence des partis de gouvernement qui continuent de promouvoir les politiques responsables de la catastrophe, et pour répondre aux manquements des partis écologistes actuels, s’impose la nécessité d’une nouvelle formation qui défende les intérêts du vivant sous toutes ses formes, le bonheur individuel et collectif, la non-violence, la liberté de chacun à s’épanouir dans sa singularité et dans le respect d’autrui. Dans ce but, le Rassemblement des écologistes pour le vivant (REV) voit aujourd’hui le jour.

Le REV est porteur d’une écologie nouvelle, radicale, que nous nommons « essentielle ». Cette écologie s’interroge sur nos devoirs à l’égard de toutes les formes du vivant, auxquelles nous reconnaissons une valeur intrinsèque, indépendamment de l’utilité immédiate que nous pouvons en retirer. Toute parcelle de vie possède en effet a priori le même droit que chacun d’entre nous à persévérer dans son existence, et l’appartenance à l’espèce dominante ne nous autorise en rien à détruire une vie animale ou végétale sans nécessité absolue.

Cette écologie souhaite donc repenser la place de l’homme dans le cycle du vivant en l’appelant à l’humilité, et en lui demandant d’endosser le rôle de tuteur de toutes les formes de vie, puisque nous avons désormais sur elles le pouvoir de destruction ou de préservation.

Cette écologie essentielle est antispéciste : elle réclame des droits fondamentaux pour chacun des animaux non humains, à commencer par le droit de vivre et celui de ne pas être maltraité. Actuellement, nous élevons et tuons chaque année plus de 70 milliards d’animaux non humains terrestres, et nous pêchons 1 000 milliards d’animaux marins, dans le seul but de satisfaire nos estomacs et les intérêts de grands groupes agroalimentaires.

Est-il encore moralement acceptable de jouir ou de s’enrichir sur le calvaire de milliards d’êtres vivants sensibles ? Nous réclamons la suppression de la corrida, l’interdiction de la chasse, des zoos, des animaux dans les cirques, de la vivisection, et bien évidemment la fin programmée de la viande grâce au lancement d’une transition agricole vers un modèle entièrement végétal.

Nous demandons que soit accordée une identité juridique à toutes les expressions du vivant avec lesquelles nous interagissons. A ce titre, nous souhaitons la reconnaissance par le droit international du crime d’« écocide », c’est-à-dire de l’atteinte à un écosystème, afin de faire condamner les dirigeants d’entreprise et les politiciens complices qui polluent, cancérisent, exproprient ou détruisent des terres. Notre Constitution nationale doit par ailleurs intégrer le respect de la planète comme l’un de nos impératifs.

L’écologie essentielle est porteuse d’un projet global qui prône la fin de l’exploitation sous toutes ses formes : exploitation de la nature, des animaux, mais aussi des humains. Or les inégalités extrêmes explosent : selon l’ONG Oxfam, 82 % des richesses créées dans le monde l’an dernier ont profité aux 1 % les plus riches, tandis que la moitié de la population mondiale n’en a tiré aucun bénéfice.

Il convient de mettre en place une politique de l’empathie et de la coopération : réduction des inégalités, renforcement des mécanismes de solidarité, consolidation et amélioration des services publics de santé, d’éducation, de transport et de culture. Il nous faut laisser de côté la question « combien cela va rapporter, et à qui ? » et privilégier la seule qui vaille : « Cela va-t-il contribuer au bonheur réel ? »

A cette fin, le REV milite pour une réduction substantielle du temps de travail, la décroissance de notre consommation, le renouvellement des pratiques démocratiques, le partage équitable des richesses avec un revenu d’existence doublé d’un plafonnement des plus hauts revenus, l’instauration d’un gouvernement mondial ou encore la fin progressive des frontières qui séparent les hommes.

Nous, signataires de cette tribune et fondateurs du Rassemblement des écologistes pour le vivant, n’avons aucune ambition politique personnelle : les places ne nous intéressent pas. Nous souhaitons simplement favoriser l’expression d’un mouvement de pensée révolutionnaire pour les droits du vivant.

L’objectif du REV est d’être présent aux prochaines élections européennes, en 2019, et d’y incarner l’alternative écologiste en faisant émerger de nouveaux profils. Afin de n’être prisonnier de personne, le REV ne s’appuie sur aucune structure politique ou associative existante. Il se développera au gré des volontés individuelles, et de toutes ces énergies fatiguées d’être empêchées de rêver un avenir meilleur pour les hommes, les animaux non humains et la nature.

Bon, passons sur le fait qu’un ancien membre de l’élite d’Europe Ecologie-Les Verts tombe à bras raccourcis dessus, après tout on peut changer d’avis. Enfin bon, là c’est quand même changer d’avis une fois le plan de carrière bloqué.

Passons aussi sur cette histoire de « gouvernement mondial », qu’on voit mal volé à quelqu’un d’autre que nous qui en parlons régulièrement. Bref.

Essayons de chercher quelque chose de constructif. La tribune dit que le monde va mal… qu’il faut savoir partager… qu’il faut respecter tous les êtres vivants… qu’il faut aller voter. Somme toute, l’Église catholique dit la même chose, mais pour appeler à aller prier, pas à voter.

Parce qu’au fond, cette tribune n’a qu’une fonction : bien souligner qu’il ne s’agit pas d’un programme révolutionnaire, qu’il n’y a bien aucune remise en cause de la propriété, qu’il ne s’agit pas d’un appel à l’offensive pour la libération animale, pour la défense de la Nature.

Bourgeois, dormez tranquille ! Pollueurs, polluez tranquille ! Laboratoires de l’exploitation animale, massacrez tranquille ! Etc. etc. malheureusement.

On dira qu’il reste la défense de la « valeur intrinsèque » de tout être vivant. Comme nous le disons nous-mêmes depuis longtemps, nous avons un certain niveau sur ce plan et nous ne trouvons pas d’écho significatif à une telle philosophie dans la tribune.

Car quand on est biocentriste, un seul raisonnement se pose de lui-même : il y a une guerre contre Gaia, je me place dans le camp de Gaia en cherchant à être le plus utile. Avec en perspective de gagner la guerre.

Vu comme cela, au mieux Aymeric Caron n’est pas biocentriste, c’est un hippie déconnecté, soit un petit-bourgeois qui veut que tout ralentisse, que tout soit freiné, car tout va s’effondrer.

Dans les deux cas, c’est quelqu’un qui n’entre pas en rupture avec un monde affreux qu’il faut changer de fond en comble. Il faut une révolution contre le béton, contre les drogues, contre l’ennui, contre la superficialité, contre l’abrutissement, contre ce qui empêche l’épanouissement.

Aymeric Caron, lui, n’est pas fondamentalement insatisfait de ce monde. Il entend coopérer avec lui, le changer, le transformer. Mais c’est impossible. Il faut une révolution, tant dans les mentalités, que matériellement.

Il contourne le problème de fond : comment briser Mc Donald’s et Nutella ? Et la réponse ne peut exister que sur le terrain, pas à la télévision, pas sur Facebook, pas aux élections, mais avec les gens, dans les luttes concrètes, dans l’affrontement avec ce qui détruit la Nature.

La bataille pour la planète a besoin de combattants, pas de contorsionnistes cherchant à montrer leur tête partout dans les médias ! Les animaux n’ont pas besoin de témoignage, mais de libération !