Si tu veux faire mon bonheur… Marguerite, Marguerite

Le terme de marguerite en français peut désigner un prénom comme une fleur. Ce qui intéressant, c’est que ce n’est pas le cas dans les autres pays, où si le prénom existe, le terme désignant la fleur est différent. Pourtant, tant le prénom que la fleur ont eu un succès historique très grand, notamment au moyen-âge.

Il est intéressant de voir comment en France, pour une fois, nature et culture se sont ouvertement combinés.

Le terme « marguerite » vient du sancrit mañjarī, la perle, ainsi que du persan Morvarid, signifiant également la perle, ou plus exactement l’enfant de la lumière, la perle apparaissant ici de manière imagée comme le fruit de la goutte de rosée de la lumière de la lune.

C’est sans doute à la suite des conquêtes d’Alexandre le grand que la fleur est parvenue en Grèce, et marguerite vient du grec μαργαρίτης (margarites), voulant également dire la perle.

Est-ce la beauté de la fleur qui a fait qu’on l’a désigné comme perle en français, puisque le terme de margerie voulait dire perle au moyen-âge ?

En tout cas le succès de la marguerite ne s’est jamais arrêté et on connaît le principe de l’effeuiller en se question : elle/il m’aime un peu beaucoup à la folie pas du tout etc., jusqu’à ce que la dernière pétale décide de la réponse.

Le prénom a été prétexte à de nombreuses chansons, comme un tube de Richard Cocciante, tiré de l’album Concerto per Margherita en 1978.

De manière plus rigolote, on a le fameux Si tu veux faire mon bonheur de Harry Fragson. Cette chanson de 1913 est indirectement connue de tout le monde.

Pas seulement parce qu’elle a connu une variante assez connue comme comptine, mais c’est surtout de cette chanson qu’est tiré le grand refrain classique (et vulgaire des manifestations (X, si tu savais, ta réforme, ta réforme, où on s’la met).

Comme quoi on peut être certain que toute personne ayant lu cet article pourra désormais briller à chaque moment de contestation en expliquant l’origine mélodique du slogan…

Voici les paroles qui valent le détour de par leur approche humoristique, peut-être en partie féministe de par le caractère bien trempé du caractère de Marguerite.

Connaissez-vous Marguerite
Une femme ni grande ni p’tite
Qu’a des yeux troublants
Un teint rose et blanc
Une p’tite bouche d’enfant ?

Eh bien cette beauté suprême
Quand je lui ai dit je t’aime
M’a donné des fleurs
Me disant farceur
Je veux faire ton bonheur !
J’lui dis merci du bouquet
Mais c’est pas ça qu’il faudrait :

Si tu veux faire mon bonheur
Marguerite Marguerite
Si tu veux faire mon bonheur
Marguerite donne-moi ton cœur

Elle me dit comme c’est dimanche
Je vais mettre ma robe blanche
Mes souliers d’satin
Et dans un sapin
Nous filons à Tabarin

Elle ne dansait pas en m’sure
Elle piétinait ma chaussure
Dans mon œil bientôt
Elle me plante presto
L’épingle de son chapeau
Tu me crèves l’œil c’est gentil
Mais c’est pas ça qui m’suffit !

Si tu veux faire mon bonheur
Marguerite Marguerite
Si tu veux faire mon bonheur
Marguerite donne-moi ton cœur

Le soir même sous sa fenêtre
J’chantais pour la voir paraître
Je suis malheureux
Car tes jolis yeux
Ont mis tout mon cœur en feu !

Alors elle par bonté d’âme
M’envoie pour éteindre ma flamme
Un seau d’eau vivement
M’disant gentiment
Es-tu plus heureux maintenant ?
J’lui dis merci du seau d’eau
Mais c’est pas ça qu’il me faut

Si tu veux faire mon bonheur
Marguerite Marguerite
Si tu veux faire mon bonheur
Marguerite donne-moi ton cœur

Comme c’est une jeune fille bien sage
Elle dit j’connais que l’mariage
Je lui dis j’veux bien
Et dès le lendemain
Son père m’accordait sa main

L’soir d’la noce après la fête
Elle me dit en tête-à-tête
Toi tu m’as donné
Ton nom à porter
Moi j’peux plus rien te refuser

Ayant tiré les verrous
Elle me dit mon cher époux
Maintenant pour ton bonheur
Marguerite Marguerite
Maintenant pour ton bonheur
Marguerite te donne son cœur !

[Petit ajout : la chanson est également présente dans le film très connu La grande illusion de Jean Renoir, de 1937.]

 

Le prénom a été très populaire au moyen-âge, ainsi que par la suite sauf en France où il est tombé en désuétude après 1945. Ce succès est vrai en fait dans tous les pays où le christianisme a prédominé : Margaret en allemand, Margaret en anglais, Margarete en allemand, Margarita en espagnol, Maarit en finnois, etc.

Il y a des variantes également : la fleur a comme nom Daisy en anglais, et c’est un prénom également. Il y a aussi des diminutifs : Gretchen en allemand, Mette au Danemark, Rada en serbe, Marjeta en slovène, Markéta en tchèque, Peggy, Megan ou encore Marge dans la langue anglaise, Margit en suédois mais aussi en français Magalie, Margaux, Margot.

Par contre, la fleur a un autre nom dans les autres pays, sauf en Allemagne. Il y a un nombre véritablement innombrable de termes locaux, mais le terme de margerit l’a emporté. Juste avant la première guerre mondiale, la journée des fleurs consacrée à la marguerite consistait en une grande vente de fleurs aux bénéfices des hôpitaux pour enfants, dans une optique de charité plutôt conservatrice.

Du point de vue botanique, la marguerite est sinon la Leucanthemum vulgare, ou marguerite vulgaire. Il est toujours étrange de voir ce terme de « vulgaire », comme si, finalement, il y avait quelque chose de ne pas suffisant dans cette fleur.

Un site sur les belles fleurs de France dit, on devine avec mépris, qu’elle est « Très commun dans toute la France continentale et la Corse ».

C’est qu’il en va des fleurs comme des objets : la rareté décide du prix, de la valeur. On perd sa capacité à s’émerveiller devant les choses simples…