Un McDonald’s, un Black Block et le véganisme

Le site Bite Back !, qui publie notamment les communiqués de l’ALF, a mis en ligne deux photographies liées au saccage d’un McDonald’s à Paris lors du premier mai. La raison en est deux tags : un « go vegan » et un « ALF ».

Une question doit alors se poser : est-ce juste ? C’est une question qui est la même que lorsque des gens ont fait une « commission antispéciste » lors de Nuit Debout place de la République à Paris, ou bien lorsque des vegans ont valorisé la France insoumise comme mouvement qui serait favorable au véganisme.

Quelques années auparavant, certains avaient tenté une même approche avec le Nouveau Parti Anticapitaliste, à sa fondation. En ce moment, d’autres considèrent qu’EELV pourrait potentiellement être ouvert à cela aussi.

La question est de grande importance et d’une dimension profonde. Si ces gens ont raison, alors ils répandant le véganisme en profitant d’une bonne dynamique ; si ces gens on tort, ils diluent le véganisme et le transforment en gadget faisant partie de la panoplie de la « contestation ».

Comme on le voit, ce n’est pas tout à fait pareil…

On peut donc deviner à quel point les avis sont ici tranchés, divergent de manière complète, avec naturellement un conflit entre personnes, puisque les choses vont soit dans un sens, soit dans un autre.

Il ne s’agit pas ici de regretter cela : il faut savoir faire des choix. Aucun mouvement ne peut avancer s’il ne s’épure des gens qui oscillent entre les points de vue, ou qui trahissent à la première occasion.

Aussi est-il important d’évaluer les situations, les phénomènes, de raisonner de manière générale et non pas seulement individuel.

C’est d’ailleurs le sens du « go vegan » et de « ALF » tagués sur le McDonald’s : faire apparaître une ligne de contestation sur la société sur la bonne base.

En gros, si le Black Block est cohérent, alors il doit nécessairement voir que si on est contre « McDo », alors il faut être vegan et tant qu’à faire, si on est vegan, forcément soutenir ou rejoindre l’ALF.

Il serait hypocrite de ne pas formuler ici de point de vue ; à quoi il faut ajouter bien entendu que tout dépend ici des expériences faites, du vécu, de l’interprétation de ces expériences et de ce vécu.

En l’occurrence, de par l’expérience et les retours, il y a de quoi être circonspect, pour ne pas dire plus. Déjà que croire en la « convergence des luttes » relève d’une même fantasmagorie que l’astrologie ou la sorcellerie… Alors s’imaginer que le « black block » en a faire quelque chose à faire du véganisme est irréaliste.

Il en aurait pu être autrement, mais il aurait fallu que lorsque la ZAD a passé sa première étape, elle ne se tourne pas vers la petite production et l’élevage. Or, elle l’a fait. Ne pas voir qu’il y a eu un tournant à la ZAD, c’est ne pas voir les choses en face.

Au départ, cela a été une mobilisation en faveur de la protection d’une zone naturelle, cependant c’est très vite devenu un projet en soi.

Nous l’avons vu, nous l’avons dénoncé et nous avons bien fait : cela permet d’éviter les leurres et la destruction des principes.

A cela s’ajoute que la scène anarchiste française n’a jamais apprécié le véganisme, la Fédération Anarchiste interdisant même sa mise en avant dès 1995, l’OCL le dénonçant au moyen d’un renégat. Cela n’est bien sûr  pas vrai de la scène anarcho-punk par ailleurs restreinte.

Il pourrait en être autrement, sauf que pour cela les choses devraient se dérouler bien différemment. Prenons le Black Block justement. A la base il n’est pas là pour casser, même s’il peut l’assumer : il est avant tout un rassemblement politique, le noir étant privilégé pour se protéger de la répression, maintenir le cortège dans l’unité.

C’est la mise en avant d’un projet. On sait alors si le véganisme fait partie du projet en question ou pas. Et en Allemagne, pays d’origine du Black Block, dans les années 1990 et 2000, le véganisme faisait partie des valeurs hégémoniques, incontournables,  dans la scène autonome, des squatts, etc. et malheur à qui ne soutenait pas cette cause !

C’était très clair, tout à fait lisible. Rien à voir avec le premier mai 2018 en France donc.  Le Black Block français et à la française ne soutient pas le véganisme, s’imaginer même qu’il puisse le soutenir est plus que douteux…

Et même qu’il ait put choisir de le soutenir, car le « Black Block » a été un amas de tout et n’importe quoi, soit d’aventuriers (un jeune consultant gagnant 4200 euros par mois a été arrêté!), soit de gens là par esprit de contestation « amusante », soit de gens liés à une scène anarchiste insurrectionnaliste (à la Julien Coupat) ayant un rapport au véganisme allant du dédain au mépris.

Peut-être les choses sont-elles différentes… Auquel cas on le verra rapidement. Cependant, si ce n’est pas le cas, alors la Cause aura été diluée dans une contestation éphémère, et donc cela n’aura pas été une bonne chose.