Marche pour la fermeture des abattoirs de juin 2018 : un succès?

La manifestation parisienne pour la fermeture des abattoirs qui a eu lieu hier a-t-elle été un succès ? La réponse qu’on peut faire reflète dans tous les cas vraiment un changement d’époque, un véritable tournant dans l’histoire du véganisme dans notre pays.

Pourquoi ? Parce que L214 a revendiqué 3 500 personnes ayant participé à cette marche qu’elle organisait, se terminant place de la République pour une « vegan place » avec des stands.

L’ensemble était très rodé, avec un couleur similaire dans l’ensemble pour marquer les esprits, il y avait des choix esthétiques très travaillés pour la mise en valeur des slogans. Si l’on voit les choses comme L214, alors c’est un succès.

Cependant, ce chiffre doit amener une intense réflexion. On est obligé de penser que considérer que c’est un succès ne fait que refléter que pour L214, L214 est une fin soi.

Car L214, c’est 30 000 adhérents,  3 millions d’euros de recettes en 2017, 708 781 likes sur son facebook, une formidable notoriété – Le Monde en parle régulièrement – et une reconnaissance institutionnelle, puisque l’État demande des rapports pour certains thèmes.

Le thème choisi – fermer les abattoirs – tapait suffisamment large pour même intégrer les personnes végétariennes également.

Et pourtant, il n’y a eu que 3500 personnes. Pour rappel, l’Île-de-France, c’est douze millions d’habitants.

Et l’ambiance, si elle correspond bien à l’esprit dominant du véganisme de ces dernières années, relève du témoignage et certainement pas de l’esprit d’engagement. Il n’y a vraiment pratiquement rien de populaire, pour dire les choses directement.

C’est indéniablement la fin d’un cycle. Le véganisme existe désormais, mais il est passé sous la coupe des gens pour qui c’est un choix individuel, un moyen de lancer son entreprise, un appel à une société plus juste. Mais sur le plan du contenu, c’est totalement vide.

Les animaux, qui n’étaient déjà pas au programme en tant que tels, ont définitivement disparu ; ils ne sont que le prétexte plus ou moins sincère à un « lifestyle » qui n’a aucune ambition.

En ce sens, cette vidéo montrant la marche sera, on le sait, très difficile à regarder pour les gens ayant un peu d’expérience et beaucoup de volonté de changer les choses. Un tel folklore, dont on voit le manque de profondeur, de perspective, fait réellement mal au coeur par rapport à ce qui est nécessaire et surtout à ce qui a pu être fait de par le passé.

Même la Veggie pride, avec toutes ses faiblesses, avait davantage de dignité, justement de par ses faiblesses d’ailleurs. C’est dire !

Encore 5 marches comme cela et c’en est fini de ce véganisme et de l’antispécisme, définitivement happé par le système ! Cela continuera d’exister, mais cela ne sera clairement plus que ce que c’est déjà : une bulle vivant à l’écart du peuple, à l’écart des animaux, à l’écart des refuges, cherchant une place au soleil à travers une dynamique sociale qui apparaîtra toujours plus comme un simple prétexte.

Pour conclure donc sur une note désagréable – parce qu’il y a des valeurs et que cela ne se négocie pas – voici quelques citations de gens ayant marché hier, donnés par le Journal du Dimanche.

« Si personne ne filme la maltraitance animale en caméra cachée, personne ne saura. S’il y avait eu des caméras à Auschwitz ou Treblinka, peut-être que les gens auraient ouvert les yeux. »

« Je ne veux pas tomber dans le prosélytisme, poursuit X. On ne veut que discuter. »

« Il faut éviter d’y aller trop fort, sinon on suscite le rejet. Les gens peuvent se sentir jugés, alors que je ne veux pas donner de leçons. Montrer que je suis en bonne santé, que je ne manque de rien, c’est déjà quelque chose. »

X, végétarienne depuis trente ans, tente depuis plusieurs années de devenir vegan. Dernier obstacle : le fromage, dont elle essaye de réduire – difficilement – sa consommation.

X, 27 ans, a tenté de passer brutalement de végétarien à végan. Mauvais chemin pour le jeune homme, qui a dû faire machine arrière : « Il y a beaucoup de choses dont il faut s’affranchir, notamment dans la vie en communauté. »

« On ne va pas apprendre à lire aux moutons ni donner le droit de vote aux poules. Il ne s’agit pas de nier notre différence de nature, mais de dire que rien ne justifie qu’on exploite et qu’on maltraite un animal. »