L’affaire de « greenwashing » Greta Thunberg – We don’t have time

Il y a malheureusement une affaire Greta Thunberg, qui a même, pour renforcer le côté catastrophique de la chose, été lancé par les milieux d’extrême-droite. Cette dernière est en effet climato-sceptique, elle ne croit pas en le réchauffement climatique, qu’elle voit comme un « complot » visant à collectiviser le monde.

Ce en quoi elle porte un regard assez conséquent, dans la mesure où le réchauffement climatique implique la fin de tout un style de vie individualiste et égoïste, que ce soit pour les gens comme pour les nations. L’extrême-droite étant nationaliste, elle est donc obligée de nier le réchauffement climatique.

S’il y a une affaire Greta Thunberg, c’est parce que cherchant à discréditer celle-ci, les milieux d’extrême-droite ont réussi à mettre la main sur l’arrière-plan de la promotion médiatique de cette jeune fille qui a désormais 16 ans. Tout a été, selon eux, méticuleusement organisé par des experts qui ont organisé toute une mise en scène.

Ont-ils raison ? A vrai dire à moitié, parce qu’il y a à la fois une opération marketing et, ce qui est terrible, la volonté pragmatique de servir la « cause ». Entendons-nous bien : les gens qui ont fait la promotion de Greta Thunberg ont des valeurs qui sont certainement très proches de celle de LTD. Le souci est qu’au lieu de faire un travail démocratique auprès des gens, ils ont construit une sorte de bulle médiatique semi-sincère, afin d’être « efficace ».

Ce pragmatisme est moralement faux et qui plus est ne touche qu’à la surface des choses. Les actions spectaculaires, médiatiques, ne travaillent pas la société dans ses fondements. L214 et « 269 animal liberation » ont l’attention des médias, mais jamais ils ne changeront la société française et ses fondements. Pour cela il faut un travail local, culturel, militant, en profondeur et ce travail n’est que réalisé ici et là par des gens très courageux, dans l’ombre.

Cette ombre est juste et c’est même le seul endroit pour travailler, à l’abri des regards indiscrets, que ce soit de la police, des médias ou l’extrême-droite. Passer à la télévision c’est comme se faire arrêter par la police ou frapper par des fachos : cela paralyse le travail démocratique chez les gens « normaux ».

L’affaire Greta Thunberg est un exemple de ce pragmatisme qui amène des mobilisations en surface, avec de l’attention et même parfois du monde, mais toucher les fondements de la société. C’est une opération qui vise à plaire, à engourdir les mentalités pour « faire passer le message ». Comme on le dit, l’enfer est pavé de bonnes intentions.

S’il y a en tout cas un problème à la base même de l’affaire Greta Thunberg, ce n’est pas sa jeunesse, car on peut tout à fait être militant, avec un haut niveau d’engagement, à cet âge-là. L’extrême-droite ne se prive pas naturellement de l’attaquer sous cet angle, dénonçant une « gamine », ainsi que le fait qu’elle soit une fille.

Non, le problème de fond est bien plus triste, voire sordide. Si l’on prend le dernier « Predators », un film qui vient de sortir et qui est un navet touchant le fond, on y voit que les tueurs extra-terrestres s’entraînant sur chaque planète assimilent l’ADN des meilleurs combattants qu’ils rencontrent. Et sur Terre il y a un enfant autiste qui s’avère génial, capable d’utiliser leurs soucoupes volantes et leurs armures : il représente l’homme de demain, les tueurs de l’espace veulent donc se l’approprier.

Cela est naturellement une sorte de cliché terrible. Le souci est qu’on a la même chose avec Greta Thunberg. Celle-ci a de nombreux soucis, étant atteint de ce qui est défini comme l’autisme dans sa version Asperger, ainsi que des problèmes de mutisme. Quiconque sait à quoi cela ressemble comprend immédiatement l’ampleur de la question : on ne peut agir qu’avec une grande délicatesse avec ce genre de personnes.

Or là Greta Thunberg se retrouve précipitée dans un bain médiatique. Peut-elle l’assumer, elle qui à onze ans a connu une période où elle n’a plus voulu parler ? C’est très difficile comme situation. Et au lieu d’une protection de la jeune fille, cela va avec une théâtralisation énorme. Elle se serait intéressée au réchauffement climatique à huit ans, aurait amené sa famille à assumer le véganisme et à ne plus prendre l’avion, etc. C’est l’image du petit génie mêlée à la pureté de la jeunesse pour une opération de rédemption.

C’est quand on voit cela qu’on se dit qu’il y a là un problème, et c’est là que Ingmar Rentzhog rentre dans l’histoire de tout ça. C’est à la base un businessman, qui a vendu récemment son entreprise Laika, en partie seulement, puisqu’il fait encore partie de la direction. Elle était spécialisée dans le conseil d’entreprises financières pour tout ce qui touche internet et a été revendue à FundedByMe, une entreprise suédoise de crowdfunding.

Ingmar Rentzhog a alors fondé dans la foulée « We Don’t Have Time ». C’est une start up qui, depuis un an, cherche à jouer sur les réseaux sociaux pour promouvoir la lutte contre le changement climatique. On est ici un milieu d’entrepreneurs et de bobos, qui entendent se faire de l’argent tout en agissant pour que les choses aillent dans le bon sens, etc.

On est, en tout cas, chez des pros de l’utilisation des réseaux sociaux, dont c’est directement le métier : We don’t have time est une entreprise qui veut monter un réseau social de 100 millions de personnes qui soit une marque, avec une fondation derrière qui œuvre pour la « pour la bonne cause »

Pour résumer sommairement l’idée de la start up est de disposer d’une base de gens cherchant à bien faire et formant une base pour Facebook et Twitter. Quand un nombre suffisamment grand sera atteint, alors des « partenariats » avec des entreprises cherchant à disposer d’une bonne image pourra être effectué. Le modèle assumé de cette entreprise est Tripadvisor

Ce mélange de genre est ignoble, mais voici donc ce qu’on ne peut considérer que comme une légende, pour ne pas dire un pieux mensonge. Ingmar Rentzhog amène son fils au jardin d’enfant, son fils est triste de quitter son père, lui-même ne se sent pas bien

Puis il va au travail et sa route passe, comme par hasard, devant le parlement. Et là, alors qu’il est tout plein encore d’émotions par rapport à son fils de trois ans, il découvre une jeune adolescente « en grève » devant le parlement !

C’était le premier jour d’une grève devant aller jusqu’aux élections, une mobilisation en faveur de la lutte contre le changement climatique ! Quel curieux hasard… Donc, Ingmar Rentzhog raconte tout cela dans un post larmoyant sur les réseaux sociaux, expliquant que, de manière scandaleuse :

« Pendant le temps que j’étais là-bas, il n’y avait qu’un seul passant qui a pris sa fiche d’information. Personne sauf moi ne lui a parlé! »

Il faudrait donc la soutenir :

« Passez devant le Parlement. Parlez à Greta et montrez qu’elle n’est pas seule. ♥ ️ Elle a besoin de votre soutien maintenant ! »

Cette publication sur Facebook et Instagram a évidemment dès l’origine été publiée sur le compte de We don’t have time. Depuis, Greta Thunberg en est devenue une des « conseillères pour la jeunesse ». Et tout cela a l’air bien trop gros pour être vrai.

Il y a d’ailleurs un élément de plus qui ajoute à la dimension « opérative » de tout cela. Greta Thunberg a son père et deux grands-parents qui sont des acteurs connus en Suède, sa mère Malena Ernman est une chanteuse d’opéra, qui a été également à l’eurovision en 2009, et prix du WWF l’année dernière pour ses positions pour l’environnement.

Or, que fait-elle juste au moment où la grève scolaire de Greta Thunberg est lancée ? Elle publie un ouvrage, Scener ur hjärtat, Des scènes venant du coeur, où elle raconte la maladie de sa fille et l’importance qu’a eu la lutte contre le réchauffement climatique pour résoudre la crise familiale.

Et, comme par hasard, les parents de Greta Thunberg travaillent maintenant – sans être rémunérés – avec We don’t have time. Ces gens pensent-ils bien faire, en mettant en avant la lutte contre le réchauffement climatique ? Ou bien sont-ils seulement un peu sincères, ayant en tête un plan machiavélique pour faire booster une entreprise cherchant à être le roi du pétrole de la cause du réchauffement climatique sur les réseaux sociaux ?

Dans tous les cas, c’est totalement anti-démocratique. Et on a vu comment les médias se sont précipités dans cette brèche, répondant à l’appel du marketing et du branding, c’est-à-dire du fait de mettre en avant une marque. Greta Thunberg fait vendre !

Certains médias ont même dit que la télévision suédoise avait trafiqué la présentation du discours de Greta Thunberg à Katowice, à l’occasion de la COP 24. Il n’y aurait eu personne dans la salle et cela aurait été maquillé comme un succès fermant le clapet aux puissants de ce monde. Est-ce vrai ? Peu importe au final, car dans tous les cas on est ici dans quelque chose de douteux, d’hostile au principe de participation populaire.

Quand on voit que Greta Thunberg va au forum économique mondial de Davos avec son père, à une conférence avec les plus puissants de la planète, on se dit bien que cela n’a aucun intérêt, alors quel intérêt que ce soit vrai, faux ou entre les deux ?

En tout cas, il est certain que la valorisation de Greta Thunberg au moyen de photos habilement construites (et professionnelles dans l’esprit) est savamment construite. Sa venue à Davos en 32 heures de train a été bien médiatisé, tout comme le fait qu’elle dorme dans un camp de tentes.

Cela plaît aux médias qui trouvent matière à promouvoir quelque chose de « positif » et attirant l’attention, donnant qui plus est l’impression qu’on peut changer les choses sans les changer. « À Davos, Greta Thunberg éclipse patrons et présidents » dit France 24, avec un lyrisme entremêlé de pathétique :

« Ni un chef d’État tonitruant, ni un millionnaire flamboyant ou un patron innovant: la vraie vedette de l’édition 2019 du Forum de Davos a 16 ans, deux longues nattes, et une détermination à sauver la planète qui a impressionné l’élite mondiale.

« Elle a réduit tout le monde au silence… Cette jeune fille était extrêmement émouvante », dit à l’AFP le patron du site de voyages en ligne Expedia, Mark Okerstrom, après l’intervention devant une salle comble de la Suédoise Greta Thunberg.

Dès son arrivée à la gare de la station de ski huppée mercredi, après 32 heures de voyage, les caméras se sont massées pour suivre cette adolescente menue aux joues rondes, icône de la lutte contre le changement climatique pour de nombreux jeunes dans le monde.

« La maison brûle », assène-t-elle pendant son discours. « Les adultes disent qu’il faut donner de l’espoir aux jeunes », continue Greta Thunberg, sourcils froncés en triturant ses fiches.

Et de lancer: « Je ne veux pas de votre espoir mais je veux que vous commenciez à paniquer ». »

Ses réseaux sociaux répondent évidemment de manière habile et très construite. Arnold Schwarzenegger, qui se targue d’être un grand écologiste, l’invite à Vienne, pour l’Austrian World Summit, et sur son compte la réponse dit : « Comptez sur moi. Hasta la vista baby. » Il y a tout de même peu de chances que ce soit elle, mais c’est rondement mené.

Le paradoxe, c’est que cela ne marche même pas tant que cela. Greta Thunberg a 130 000 personnes la suivant sur Twitter, ce qui est peu pour quelqu’un avec une image aussi bienveillante et une renommée mondiale. C’est que les gens consomment et là où il n’y a pas de fond, il ne reste rien. Non pas que Greta Thunberg dise des choses fausses, mais ce sont des propos moralistes, appelant à se bouger. Cela n’engage en rien, ce n’est pas une vision du monde.

On peut faire du bruit avec ce genre de choses, avoir du monde en proposant quelques actions, mais qu’en restera-t-il ? De l’égo, des likes sur facebook, la fausse impression d’avoir fait avancer les choses, un grand turn over car les gens ne restent pas, puis à la fin l’échec, le ressentiment, et le retour de l’apathie.

Qui se souvient en France de Droit Des Animaux, dont les activistes ont été hyper actifs ? Ou bien des « Furieuses carottes » ? Personne, et la même chose arriver à L214, « 269 animal liberation ». En un sens, cela aura fait avancer les choses, en fin de compte cela n’aura rien changé.

Et ce qui est le plus odieux, pour conclure, est que ces gens auront obtenu de la reconnaissance, alors que les vrais travailleurs de l’ombre auront été oubliés. Prenons l’association vegan.fr, dont nous ne partageons pas la vision du monde, donc nous pouvons le dire encore plus facilement. Pendant des années, elle a diffusé la pensée de Gary Francione tout en faisant la promotion du véganisme, ayant compris que sans philosophie à l’arrière-plan, le véganisme ne peut pas se maintenir. Elle n’a pourtant jamais obtenu l’attention qu’elle méritait.

Les gens ont préféré apparaître sur le net, consommer en masse des produits Sea Shepherd (un énorme succès commercial !), participer à des actions « concrètes » sans lendemain, être révolté un bon coup pour disparaître ensuite. Voilà quel est le problème de fond et c’est là-dessus que table les gens utilisant Greta Thunberg.

Demain il n’y aura même plus de place pour la Fondation Brigitte Bardot ou L214 ; il n’y aura que des monstres internationaux comme le WWF, utilisant les réseaux sociaux comme une arme absolue pour « exister » et capter toute attention.

Ce qui montre bien qu’à la base même, tel n’était pas le chemin qu’il fallait prendre. Seule une lutte de mobilisation démocratique peut faire passer les valeurs du véganisme dans la société ; seule une philosophie résolument claire – et pour nous c’est la défense de la Nature, avec la morale vegan straight edge – peut faire du véganisme une citadelle imprenable.

Et cela implique une révolution complète des mentalités, l’écrasement matériel des forces sociales détruisant la planète et asservissant les animaux, un engagement sans compromis en défense de notre mère la Terre.