Le 8 mars est une date très importante ; elle est un anniversaire, celui de la cause des femmes. Le véganisme se confond avec cette cause, non pas simplement pour des raisons conceptuelles, théoriques ou quoi que ce soit de ce genre, même si cela a son importance, mais surtout parce que ce sont les femmes qui font que le véganisme existe.
Il ne faut pas se leurrer : les hommes sont pétris historiquement par les valeurs de la chasse et de la cueillette, de l’agriculture et de la domestication, et cela depuis des milliers d’années. En mettant les femmes de côté, les hommes ont mise de côté la Nature et il leur manque une capacité à assumer la sensibilité par rapport à celle-ci.
Les hommes peuvent devenir vegans, mais aimer les animaux, la Nature, ils ont du mal avec cela ; ils peuvent l’accepter, voire l’assumer, mais pas le trouver d’eux-mêmes. Ils doivent se mettre à l’école de femmes.
Malheureusement, il faut ici noircir le tableau. Et le véganisme et le féminisme ont à ce sujet un nombre important de points communs. Ils sont donc tous deux portés par les femmes ; ils ne doivent leur existence qu’à l’abnégation de femmes qui le portent très concrètement, de manière positive, en réalisant certaines choses.
Mais tous deux sont récupérés, détournés, lessivés, vidés de leur contenu. Les termes de véganisme et de féminisme, une fois qu’ils ont acquis une certaine valeur, ont été réemployés n’importe comment, pour profiter de leur prestige, pour les vider de leur contenu.
Désormais, le féminisme est une valeur des institutions françaises elles-mêmes, ainsi que des marques qui visent le marché féminin et utilisent le 8 mars, par exemple, comme prétexte pour des promotions.
Quant au véganisme, il a été saccagé par des universitaires, des épiciers et des excités en mal d’idéaux, transformé en un « antispécisme » d’autant plus ignoble qu’il tourne ouvertement le dos aux animaux sauvages et aux refuges.
Dans les deux cas, les femmes qui portaient tant l’un que l’autre ont laissé faire, parce qu’elles détestent à la fois le conflit, les querelles, la politique, les idéologies. Elles pensent qu’il y a de la place pour tout le monde, ou bien ne se posent pas la question de voir les choses en grand. Elles sont focalisées sur les choses concrètes.
C’est la force des femmes impliquées dans la protection des animaux que d’insister toujours sur le côté pratique et la dimension naturelle dans le rapport aux animaux. Mais c’est en même temps un souci sur le plan des valeurs, car face aux carriéristes, opportunistes, boutiquiers, profiteurs et autres aventuriers en quête d’egotrip, cela ne fait pas le poids !
Il faut dire ce qui est : avec les antispécistes d’un côté et les marchands de l’autre, l’antispécisme voire le véganisme est devenu un prêt à porter de hipsters, un élément de plus dans une pleurnicherie sans fins sur un monde « hiérarchisé » qu’il s’agirait de déconstruire.
Si l’on veut trouver des gens parlant du véganisme, on se retrouve face à des énergumènes jeunes et fascinés par une esthétique de « rupture », coupés de toute connaissance historique, utilisant un vocabulaire bigarré pour mettre « l’antispécisme » sur le même plan que la lutte contre « l’agisme », le « validisme », « l’islamophobie », avec inversement la mise en valeur de la non-monogamie, des concepts de bisexualité, pansexualité, polyamour, etc.
Ces gens sont odieux et détournent les gens normaux du véganisme, qu’ils voient comme une lubie d’habitants des centre-villes, de rebelles fils ou filles à papa cherchant quelque chose d’extrême pour se faire remarquer, se mettre en valeur, voire faire carrière!
L’antispécisme fait partie de la panoplie composée de l’anneau dans le nez ou de la barbe de hipster, des discours nombrilistes et des photos ininterrompus de soi-même, de l’utilisation massive de twitter, instagram et facebook, des complaintes lyriques et agressifs contre telle ou telle personne accusée d’être exemplaire des valeurs à déconstruire.
Les animaux ne sont rien d’autre qu’une surface de projection.
C’est une catastrophe et celle-ci ne peut être que temporaire, parce que les modes passent et que cet assemblage hétéroclite utilisant la question animale pour avoir l’air « libératrice » sur tous les plans ne tiendra pas sur le long terme.
Il s’agit donc de prévoir la suite et de maintenir le drapeau du véganisme… Un véganisme porté par les femmes, qui n’aiment pas les drapeaux, sauf quand elles ont compris que l’affrontement était inéluctable et qu’il fallait l’assumer. Elles sont alors en première ligne.