Le fait que le rapport de l’IPBES sur la biodiversité n’ait pas été rendu public est très important. Il ne faut pas croire que l’idée est de faire un bilan de la biodiversité et d’en donner les résultats. L’objectif est de présenter ce bilan d’une certaine manière et de le fournir immédiatement avec la manière de l’interpréter. C’est une manière de contourner toute critique possible et d’immédiatement encadrer tout ce qui peut être dit.
Comment l’IPBES a-t-elle procédé ? Elle a fait en sorte
d’ajouter quelque chose au petit communiqué sur l’accord au
sujet d’un rapport commun faisant le bilan de la biodiversité. Cet
ajout consiste en des « Informations complémentaires »,
formées des catégories suivantes :
- Ampleur de la destruction de la
nature
- Peuples autochtones, communautés
locales et nature
- Objectifs mondiaux et scénarios
politiques
- Instruments politiques, options
et bonnes pratiques
- Quelques chiffres : statistiques clés et faits
Il faut voir chaque chose présentée plus en détail. Cependant,
il est essentiel de comprendre ici que ces « informations »
sont parfaitement structurées, dans un véritable petit scénario.
Ce n’est pas comme si l’IPBES avait livré un rapport sur la
situation, de manière « neutre », que chacun pourrait
prendre en considération, puis proposer démocratiquement des
solutions.
On pourrait d’ailleurs imaginer que, logiquement, le rapport est
rendu public, traduit évidemment dans toutes les langues,
disponibles en pdf et en version papier, le tout étant fourni
gratuitement à tous les membres des appareils d’État du monde
entier, ainsi qu’aux institutions économiques, éducatives,
scientifiques, etc.
Ce n’est pas du tout le cas, malheureusement. Le fait de ne pas
rendre public le rapport vise même à empêcher cela. Il n’y a
même pas de date pour la rendue publique ! C’est dire tout de
même à quel point l’IPBES maintient un contrôle total sur
l’ensemble. Rien que ce procédé devrait interpeller.
Regardons maintenant quelle est la logique du scénario sous-jacent à ce qui a été rendu public le 6 mai 2019. La « Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques » a agi de la manière suivante :
a) l’IPBES annonce dans un petit communiqué qu’elle a réussi à établir un document commun aux différents pays pour établir une « base scientifique » sur les dégâts causés à la « biodiversité » ;
b) le petit ajout sur « l’ampleur de la destruction de la nature » ne parle paradoxalement pas vraiment de cela, mais raconte comment l’humanité s’est récemment agrandie numériquement et a renforcé ses industries, établi un mode de vie plus consommateur de ressources ;
c) le petit ajout sur les « Peuples autochtones, communautés
locales et nature » présente un mode de vie censé être à
l’inverse de ce qui est présenté au point précédent ;
d) le petit ajout sur les « Instruments politiques, options
et bonnes pratiques » prend bien évidemment comme modèle ce
qui est exposé au point précédent, appelant à une « bonne
pratique » ;
e) le petit ajout « Quelques chiffres : statistiques clés
et faits » consiste en une avalanche de chiffres pour bien
souligner l’importance de ce qui est présenté.
Conclusion : on doit considérer que le point a) reflète un
pas en avant, qui est impliqué par b), ce dernier point étant
contrebalancé par le point c), qui sert alors de modèle de « bonne
gouvernance » comme le veut le point d). Pour bien asseoir
l’ensemble, on a le point e) qui montre de manière comptable ce
qui est en train d’être perdu.
Il faut encore analyser en détail ce qui est établi et fourni
comme conclusions. Mais au-delà de cela, au-delà même des
considérations sur l’opposition entre le biocentrisme et
l’anthropocentrisme au sein de ce rapport, il y a lieu de souligner
le caractère anti-démocratique de la démarche.
Dans l’ordre des choses, l’ONU aurait dû dire : voilà
quel est l’état du monde, je vous le montre tel quel. Chaque
personne devrait, en son âme et conscience, être confrontée à cet
état du monde, le prendre en considération et l’assumer dans un
sens ou dans un autre. C’est la base d’une lecture rationnelle de
la part des gens, pour un choix exposé et partagé ou non par la
majorité, par l’ensemble.
Ici, le fait est qu’on n’ait pas accès à cet état du monde.
On a droit à des résumés, à des informations distillées selon
les choix des rédacteurs. L’information brute n’est pas
disponible. On ne peut pas l’évaluer, on ne peut même pas évaluer
la valeur de cette information brute, puisqu’on ne sait même pas
en quoi elle consiste.
On nous demande de croire sur parole. C’est la soumission aux
experts, la porte ouverte aux fantasmes complotistes
climato-sceptique, qui auront beau jeu d’attaquer le procédé,
comme ils le font pour les rapports du GIEC sur le réchauffement
climatique.
Toutefois, il ne faut pas croire que cela soit tout. L’IPBES a
également produit un « résumé pour les décideurs ».
C’est un petit document à part, présentant les « clefs »
du rapport, avec les éléments de langage, la manière de comprendre
les choses, etc. C’est quelque chose de totalement orienté.
Le contenu reste à voir, mais encore une fois, au-delà de cela,
il y a la question de la forme. On peut considérer qu’une
initiative visant à établir un état d’esprit à l’échelle
mondiale est une bonne chose. Sauf que là cela se déroule de
manière non démocratique. Un organisme explique comment voir les
choses aux « décideurs ». Déjà que ces derniers
décident sans demander l’avis des gens, si en plus on leur
explique certaines choses en passant au-dessus de tout le monde, même
des décideurs… Qui décide de quoi ?
Et comment veut-on que les gens s’impliquent dans l’écologie,
si les décisions leur sont étrangères ? Il y a ici un
problème de fond dans la méthode, qui reflète il est vrai une
panique générale. Car la seule conclusion est évidemment : on
renverse tout le système et on adopte la morale vegan straight edge,
soumettant l’humanité aux intérêts planétaires.
Cela présuppose un gouvernement mondial, et pas une ONU diffusant des points de vue de manière transnationale.